De manière concertée j’assimilerai dans cette présentation les Anciens Devoirs au texte « les Anciennes Obligations des Maçons Francs et Acceptés » présenté dans la monographie de la Grande Loge Nationale des Rites Maçonniques intitulée « Constitution et Règlements Généraux ». Je montrerai que ce texte contient en puissance les grands arcanes de la Voie Initiatique au sens large du terme la présentant sous l’aspect spécifique de l’Art de construire, celui de l’Architecture.
Le texte des Anciennes Obligations possède au-delà d’une lecture littérale, un caractère ésotérique voire gnostique indéniables et nous adresse un message essentiel pour nous Francs-maçons Ecossais.
La Voie Initiatique et ses archétypes universels.

Il faut savoir que toutes les voies initiatiques traditionnelles obéissent à des critères universels.
Qu’est-ce qu’une voie initiatique ?
En premier lieu, la voie se doit d’être authentique c’est-à-dire reconnue par la Tradition, porteuse de l’influence spirituelle, du pneuma, du souffle du Vivant, aboutissant à la perception de l’Unité immuable et essentielle. La Voie Initiatique est celle de la métamorphose intérieure, capable de transformer l’initié vers la Connaissance de l’Etre. Elle repose sur des textes fondateurs pour notre tradition sur le Volume de la Loi Sacrée. Il est possible de décrire des critères immuables et invariants et des phases structurantes que nous retrouverons dans toute voie initiatique sans aucune exception (l’initiation maçonnique du REAA les possède). Ces éléments sont les suivants :
Le rattachement au Principe, à l’Unité Primordiale, à ce qui EST, que les diverses traditions appellent Dieu, la Lumière, le Nom Ineffable, l’Etre mais qui est impossible à définir de manière positive par des mots étant de l’ordre du vécu du ressenti, de la saveur intérieure
– l’intemporalité de la Voie.
– l’authenticité de la Voie et sa transmission : voilà pour la Voie.
La suite concerne l’individu lui-même :
– l’appel intérieur, la soif d’être, la sincérité, étape primordiale à toute démarche spirituelle.
– la rencontre avec la Voie et le Maître spirituel.
– la prise du pacte initiatique et la cérémonie d’initiation (commencement).
– le travail spirituel et ses diverses techniques: l’orientation, le souvenir et la pratique de la méditation sur des symboles, la démarche adogmatique.
– le franchissement des degrés et la progression initiatique.
– la réalisation personnelle et la station spirituelle atteinte par l’adepte : c’est celle de la liberté, du détachement sans indifférence, de l’amour et de l’action juste et équitable.
– l’action de l’initié dans le monde.
Reprenons ces critères…

L’intemporalité de la Voie : la voie initiatique possède un caractère intemporel : on en retrouve les structures de base dans toutes les traditions à travers l’espace et le temps. Son appartenance à la Tradition signe son authenticité ainsi que son caractère transmissible et son aspect adogmatique. Elle transmet à l’adepte des outils spécifiques, différents selon chaque voie, nécessaires à sa propre réalisation spirituelle : ce préambule permet d’écarter d’emblée tout mouvement sectaire et dogmatique, le but de la Voie étant d’obtenir la libération de l’être, l’accession à la Connaissance, à la Gnose. Il s’agit de transmettre la Sofia Perennis, la Sagesse Universelle. Une des finalités est l’action dans le monde. Enfin la Voie initiatique n’a rien à voir avec une démarche mystique ni avec une démarche psychologique, psychanalytique ou relative à un quelconque développement personnel tant à la mode de nos jours. Confondre une Loge Maçonnique avec un cabinet médical de psychiatre ou de psychanalyste est une grave méprise.
L’appel intérieur : le désir de la Voie est la conséquence de la présence au plus profond de nous de ce que j’appelle l’état d’extrême nécessité : cette condition capitale fait ressentir la nostalgie de l’être, sensation de manque, d’incomplétude et d’insatisfaction face à notre propre mode de vie. Cela se produit (ou pas) pour chacun d’entre nous à un moment particulier de notre existence que nous ne maîtrisons pas. Tout se passe comme si à un moment donné la soif d’être nous place en condition de recevoir ce que nous désirons : mystère des coïncidences !
« Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix mais tu ne sais pas d’où il vient et où il va » (Jean, 3,8). Tu ne choisis pas la Voie, c’est elle qui te choisit car comme le dit un adage oriental « quand l’élève est prêt, le Maître arrive ».C’est ainsi que l’on fait la rencontre avec la Voie souvent quand on s’y attend le moins. En fait nous avons tout devant les yeux mais nous ne le voyons pas toujours : pour cela il faut être prêt.
La prise de ce que j’appelle le pacte initiatique est en fait l’engagement dans la Voie, l’équivalent du Serment. Nous devons ici évoquer la notion capitale de chaîne initiatique : le secret de la renaissance initiatique se transmet de Maître à élève, de bouche à oreille, en fait de cœur à cœur : transmission du Souffle du Vivant de la Tradition.

L’initiation marque l’entrée dans la Voie par une cérémonie au cours de laquelle des secrets sont transmis sous des formes diverses, secrets qui ont la capacité de transformer profondément celui qui les reçoit.
L’entrée dans la Voie nécessite fidélité à celle-ci, respect et considération mais aussi travail et volonté de progresser sur le chemin spirituel. S’y ajoute le sens du Devoir. L’oubli, la négligence, la dispersion vers les futilités et illusions mondaines seront combattues par le souvenir, l’orientation et le rappel de la Voie par diverses techniques propres à chaque voie.
Les étapes de la Voie sont bien structurées et immuables quelles que soient les traditions. Le travail initiatique et l’ascèse intérieure sont des impératifs. Aucune école, aucun programme ne peuvent enseigner ce qui relève de l’expérience et du travail personnel. Certes nous sommes accompagnés sur la Voie mais le chemin est unique pour chacun d’entre nous et personne ne peut le parcourir à notre place.
Les résultats du travail initiatique tiennent en trois mots : Connaissance, Amour et Action.
Enfin signalons que la Voie Initiatique peut se décliner en occident selon trois modalités, trois modes d’expression mais qui si on y réfléchit bien possèdent des correspondances entre elles :
- La voie sacerdotale
- La voie chevaleresque
- La voie artisanale : c’est cette dernière qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui avec les Anciens Devoirs.
Ces explications préliminaires étaient nécessaires afin de bien comprendre que les Anciens Devoirs contiennent en puissance tout ce qui a été dit plus haut ce qui est strictement dans l’ordre des choses puisque comme le dit une tradition « l’eau est une et les fleurs sont multiples ».
Les Anciens Devoirs et leurs valeurs font partie intégrante de la Tradition.
Retrouve-t-on dans les textes des Anciens Devoirs les critères de toute voie initiatique et donc de la Tradition tels que ceux énumérés ci-dessus ? Nous allons le démontrer mais pour cela il est capital de lire ces Anciens Devoirs avec un certain regard, celui de l’initié car nous devons garder à l’esprit que ce texte codifie et fige une tradition orale et il faut savoir décrypter le sens caché des messages qu’ils contiennent. C’est à cette seule condition qu’il est possible d’en percevoir l’ésotérisme. C’est tout un enseignement secret qui nous est transmis.
Quel est-il ?
Les Anciens Devoirs se rattachent à la voie artisanale celle des constructeurs et bâtisseurs dont l’origine remonte à la nuit des temps et pour ce qui concerne notre civilisation à l’Egypte antique. Il serait trop long de développer cet aspect mais nous renvoyons le lecteur aux divers ouvrages traitant de cette question et qui démontrent tous le bien fondé de nos allégations. Pour que cette voie spécifique de l’Art de bâtir se rattache bien à la Tradition elle doit en posséder les critères énumérés plus haut. Reprenons-les.
1/ Le rattachement au Principe, l’authenticité de la Voie et son adhésion à la Tradition sont annoncés dès le premier chapitre qui commence par traiter de « Dieu et de la Religion ».
D’entrée les jalons sont posés mais il est nécessaire de bien réfléchir sur la signification des mots employés en évitant tout anachronisme. Les mots sont des symboles dont nous devons rechercher l’idée sous-jacente.
L’étymologie du mot Dieu est instructive : d’origine indo européenne, sa racine signifie lumière, brillance, clarté, jour par opposition à la nuit, aux ténèbres. Le symbolisme de la Lumière est universel, il évoque un concept indéfinissable, celui du Principe, de l’essence de l’Etre, de ce qui EST de toute éternité, immuable s’opposant au courant des formes et aux aspects impermanents et illusoires de la manifestation. La Tradition se rattache à ce Principe, véritable point d’ancrage et pôle essentiel. Les différentes révélations divines apparues dans l’histoire et qui sont à la base des diverses religions s’excluent les unes des autres quand on ne considère que leurs contours formels et non leur Essence divine qui est Une.
L’initié sait que tout est symbole et il est évident que c’est à ce Principe primordial et essentiel auquel se rattachent les Anciens Devoirs car il faut savoir que les confréries initiatiques artisanales se sont toujours placées au-dessus des particularismes religieux sans s’y opposer de manière frontale pour des raisons évidentes de survie et de sécurité. Elles faisaient toujours passer des messages essentiels destinés à ceux qui avaient les yeux pour voir. Je ne citerai qu’un exemple celui de la présence du « verdoyant » sur les chapiteaux romans. (il y en a beaucoup d’autres : animaux fantastiques, figures grotesques, érotiques etc.). En vérité c’est la transmission de principes métaphysiques ainsi qu’un Art de vivre qui signent l’authenticité de la voie et que les bâtisseurs montraient.
2/ L’appel intérieur.
Nous l’avons évoqué plus haut : prise de conscience de l’incomplétude de la condition humaine, de ce que le monde présente deux aspects : l’un physique, l’autre immatériel et l’extrême nécessité de répondre aux trois questions fondamentales que se pose l’être humain : d’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Ou allons-nous ? Je renvoie ici à la lecture du merveilleux livre de Vincenot sur les étoiles de Compostelle et à la vie de ce jeune-homme subjugué par le travail des bâtisseurs et qui comprend que la vraie vie est ailleurs.
3/ La rencontre avec la voie et le Maître est suivie de l’entrée dans la confrérie, la prise du pacte initiatique et les serments.
Les Anciens Devoirs décrivent de manière très discrète les modalités d’entrée dans la confrérie ; ces dernières possèdent les critères inhérents à toute voie authentique à savoir la transmission d’une légende fondatrice, des secrets de reconnaissance (mots attouchements etc…) et du métier, la prestation d’un serment de fidélité et de garder le secret, le tout marquant une rupture pour l’adepte avec le monde d’avant. La confrérie devient une nouvelle famille et des liens indissolubles relient les Frères entre eux. L’adepte quitte les contraintes du monde profane pour entrer dans une voie de libération car elle va lui permettre de réaliser toutes ses potentialités.
4/ Le message spirituel spécifique à l’art de la construction.
Ici nous devons évoquer la spécificité de l’Art de construire et de l’Architecture Sacrée voie spécifique suivie par les Anciens Devoirs.
L’Art de la construction du Temple est sacré et parce qu’il est sacré il a sa racine dans l’Eternel, le sacré n’étant rien d’autre que la manifestation de l’Eternel dans le temporel. Il est hors du temps car traditionnel. Il est dit que le visible est le reflet de ce qui est invisible (Zohar). Ainsi le Maître d’œuvre, par son parcours initiatique, a acquis une compréhension métaphysique de la nature du réel. Les formes de l’art traditionnel et sacré reflètent les archétypes informels des réalités métaphysiques. L’art de construire devient une théophanie, une manifestation du Réel sans forme qui nécessite un savoir traditionnel et qui remonte à la nuit des temps en particulier pour nous en occident à l’ancienne Egypte et aux civilisations gréco-romaine. Les Maîtres d’œuvre de la période du moyen-âge rattachés à la tradition judéo-chrétienne ont recueilli ce dépôt. C’est ce trésor qui était transmis dans les Loges opératives, trésor de l’art traditionnel manifestant le Vrai et le Beau car selon la vision spirituelle du monde, la beauté d’une chose n’est rien d’autre que la transparence de ses enveloppes existentielles.
5/Ces artistes se groupaient en confréries de bâtisseurs qui possédaient leur propre organisation, structure interne, méthodes de travail et résultats.
L’architecture est mère de toute civilisation : elle nécessite la connaissance des mathématiques, de la géométrie et la science des matériaux. La structure opérative portait le nom de Loge de maçons et son organisation était de type ternaire. Ces Loges étaient autonomes mais l’histoire nous montre qu’elles se sont regroupées d’une part afin de confronter et d’échanger leurs spécificités et d’autre part dans le but de rechercher une unification et de matérialiser une codification de leurs pratiques.
Les conditions d’admission sont bien claires : il faut avoir l’âge de la maturité d’esprit et de la prudence, être libre, être un homme, être en bonne santé, ne pas avoir de comportement immoral et jouir d’une bonne réputation.
Ces Loges sont structurées selon un ternaire :
Il y a ceux qui viennent du monde profane qui arrivent et qui apprennent le métier, ceux qui sont capables d’exécuter sur ordre une œuvre à la perfection et ceux qui la conçoivent et la dirigent autrement dit les apprentis, les compagnons et les maîtres. Les Anciens Devoirs adoptent cette structure ternaire.
La méthode consiste à intégrer les secrets relatifs aux gestes pratiqués et au maniement des outils. La transmission des secrets de l’art se fait par des rites initiatiques connus depuis la plus haute antiquité. Chaque Loge possède un règlement interne et spécifique à celle-ci auquel doivent se soumettre tous ses membres. Des serments de garder le secret, de fidélité et d’assiduité y sont portés. Des conditions particulières de prudence sont présentées aux postulants, conditions « d’un travail initiatique efficace » recommandant l’adoption de la religion pratiquée dans le pays d’origine et le respect du « Magistrat civil suprême et subordonné ».
En effet, les voies initiatiques se placent toutes sans aucune exception au-dessus des particularismes religieux et politiques.) C’est, de manière évidente et au premier abord une question de sécurité et donc de survie comme nous le verrons mais en fait il faut aller plus loin : de par leur raison d’être profonde elles se situent par essence au-delà des contingences du monde illusoire du monde des formes, celui de la manifestation.)
C’est la raison pour laquelle les Anciens Devoirs demandent à l’adepte d’adopter la religion de leur pays respectif et de rester un sujet pacifique vis-à-vis des lois du pays de leur résidence. Si l’on peut dire on cherchait à adopter l’attitude suivante : une sobriété extérieure et une ivresse intérieure. A cette époque mieux valait respecter les croyances et lois en vigueur sous peine de persécution. Ainsi, le maçon était un sujet paisible, jamais mêlé aux complots et conspirations contre la paix et le bien être de la nation, et qui jamais ne manquait à ses devoirs envers les magistrats. Toutefois se contenter d’une telle interprétation au premier degré me semble insuffisant. Elle recèle en réalité un aspect beaucoup plus profond, caché, ésotérique : celle d’être le dépositaire de profondes vérités et de transmettre un message universel : celui de percevoir la Connaissance entendue comme se situant dans le domaine de la Métaphysique (au-dessus du monde physique),de participer à une mission œcuménique et de transmettre un message de Fraternité Universelle. Le silence et le secret était la condition d’une ascèse intérieure. Le refus de s’attacher à des formes illusoires leur permettait de se fondre « dans la masse » afin de poursuivre leur œuvre mais surtout leur ouvrait des fenêtres vers l’incommunicable le Secret des secrets, celui de l’Etre Divin.
6/Les fruits de la progression initiatique.
Quelles sont les conséquences du travail opératif et spirituel ? Elles sont considérables concernant l’initié lui-même et le rôle joué par la confrérie dépositaire d’un trésor traditionnel destiné à l’humanité toute entière.
a/ La progression du maçon au sein de la Loge.
L’influence spirituelle transmise par la voie, l’assiduité, le travail personnel, le contact avec les autres Frères, le respect dû au Maître et à l’institution vont transformer profondément celui qui s’y soumet : cette transformation se traduit par : la purification des passions de l’âme par l’œuvre au noir, le revêtement des nobles qualités par l’œuvre au blanc, l’acquisition et le maintien dans la station de l’excellence du comportement par l’œuvre au rouge. Les Anciens Devoirs insistent beaucoup sur le fait que la progression de chacun est indépendante de l’ancienneté et qu’elle dépend du mérite. Il s’agit ici d’un respect élémentaire d’une forme de justice et d’équité pour le bon équilibre de l’ensemble. Mais cela a une portée beaucoup plus profonde qui est la suivante : il est inutile de faire gravir des degrés à ceux qui ne sont pas prêts : ils n’en tireront aucun bénéfice pour eux-mêmes mais de plus cette façon de faire risque de mettre en péril la Loge : les Anciens Devoirs insistent sur ce point : il ne s’agit pas de faire plaisir à un tel ou à un autre parce qu’il est un ami ou qu’il est ancien : c’est inutile, dangereux et sans valeur : seul le mérite au travail, le service rendu et le respect des principes de l’Ordre entrent en ligne de compte. Et c’est le Maître de la Loge et les Surveillants qui décident et personne d’autre. Les serviteurs de l’Art ne laissaient en général aucune signature ce qui traduit une profonde humilité et un sens du Devoir évident.
Donc progression fondée sur la valeur réelle et le mérite dans l’intérêt du maçon, de la Loge et de sa réputation de la confrérie dans le monde profane. Ainsi par son travail Le maçon acquiert des qualités, des vertus : pas seulement celle de posséder le Métier et ses arcanes mais aussi celles de l’art de la parole acquis par la méditation, l’ascèse et le silence : ne pas mentir, dire la vérité, ne pas médire, ne pas se mettre en colère, réprimer les sentiments d’envie et de jalousie(ne pas murmurer) : on comprend ici toute la portée du silence et de la modération dans la prise de parole. Bien d’autres vertus sont mises en exergue par les AD : citons rapidement : le respect de la hiérarchie au sein de l’Ordre, l’honnêteté et le sens de l’honneur, du travail bien fait. Les Anciens Devoirs insistent beaucoup sur les concepts de Fraternité et d’exemplarité du comportement au sein de la Loge mais aussi dans le monde extérieur.
L’idée de Fraternité revient en effet comme un leitmotiv au sein des Anciens Devoirs. Cela se comprend aisément dans l’histoire des hommes malheureusement faite de guerres et de conflits mais recèle en vérité une signification très profonde. Toutes les voies initiatiques sans aucune exception en font avec les concepts de Connaissance et de Justice un pilier essentiel, celui de l’Amour, clé de voûte de la réalisation spirituelle.
C’est ainsi que par son travail l’initié comprend qu’il n’y a pas de domaine profane et de domaine sacré : il n’y a que des points de vue profane et sacré : tout se tient et le visible est le reflet de ce qui est invisible. L’adepte dans l’Art du Métier a acquis un nouveau mode d’être par une métanoia personnelle : il s’est virtuellement transfiguré, est devenu un homme libre et a acquis la conscience qu’il est le serviteur du Très Haut au service d’une cause qui le dépasse immensément. Il sait qu’il construit un Temple dont la finalité est bien précise. Voilà pour l’idéal.
On peut toutefois se poser la question de savoir si les artisans ouvriers des chantiers étaient-ils tous bien conscients de la portée et de la signification profonde de leurs gestes ? Les Maîtres probablement quant aux autres il semble difficile de l’affirmer. Chacun œuvrait à sa place et à son office connaissant les applications circonscrites par les règles de son métier. Ce qu’il faut retenir c’est que la pratique d’un art sacré élève l’âme de celui qui l’exerce : Sagesse, Force et Beauté y sont contenues : pourquoi ? Tout simplement parce que chacun à sa place et à son ouvrage est persuadé que c’est le Divin qui s’exprime à travers son œuvre si bien que la réalisation de celle-ci transcende l’égo faible et illusoire. C’est de cette manière que l’artisan se réalise en renouant avec son essence profonde, chacun s’intégrant dans une œuvre collective et anonyme. Dans ces conditions, l’art sacré parachève et magnifie l’œuvre divine par la beauté de la réalisation.
b/les répercussions dans le monde profane.
Les Maîtres bâtisseurs avaient pour la plupart une vision eschatologique :celle de faire descendre sur terre la Jérusalem Céleste, celle de l’Apocalypse de Jean qui apportera la Justice et la Paix et pour cela construire le Temple, archétype du Temple de Salomon, réceptacle de ce que les Hébreux appelaient la Séchinah, l’Esprit Saint pour les Chrétiens : mais nous savons que tout est symbole et que nous ne devons pas prendre les mots pour des idées :il s’agit en fait de la Lumière, celle la Sagesse de Salomon, du Logos de Jean, de la Gnose des initiés de tous les temps. C’est cette Lumière que les Maîtres Architectes possédaient et qu’ils ont transmise dans leurs œuvres de pierre. Ce très haut degré de réalisation spirituelle rejaillit de fait dans le monde extérieur.
Les Anciens Devoirs sont très clairs sur ce sujet : donner l’exemple par un comportement irréprochable. Ici encore ils insistent sur la notion de Fraternité étendue aux Frères reconnus comme tels et le devoir d’assistance envers ceux qui sont dans le besoin. Mais il est permis de penser que ces devoirs s’étendent aux non maçons c’est-à-dire à l’humanité entière. Respect de l’autre considéré comme son frère et de l’étranger. L’Amour fraternel Fondement et clé de voûte, Ciment et Gloire de l’Ancienne Fraternité doit s’étendre à l’Humanité entière : c’est le message que reprendra la maçonnerie dite spéculative au 18°siècle. Nous allons y revenir mais posons-nous la question du lien entre les Anciens Devoirs et la maçonnerie telle qu’elle existe de nos jours.
Quelles relations entre les Anciens Devoirs et le REAA ? (Rite écossais ancien et accepté)
Qu’en est-il aujourd’hui pour nous ?
Je suis profondément convaincu que la Tradition, Une et Universelle, celle des Grands Archétypes Métaphysiques perdure et s’exprime dans l’espace et le temps de l’Histoire telle une rivière souterraine qui de temps à autres et ici ou là remonte à la surface sous forme de sources ou de geysers. Les confréries de bâtisseurs ont été une de ses sources comme d’autres l’ont été avant ou d’autres le seront après. La maçonnerie dite spéculative est une d’entre elles. Elle est née à une époque déterminée de l’Histoire : son heure était venue et elle s’est exprimée par ses Textes fondateurs. Par la suite, il y eu deux courants : le premier préoccupé par des sujets socio-politiques et donc tourné vers le monde de la cité, le second plus versé dans le domaine initiatique et de la spiritualité, plus ésotérique. Ces deux courants ont, avec des méthodes différentes un but commun : celui de l’amélioration matérielle et morale de l’Humanité, son émancipation progressive et pacifique.
Nous nous situons au sein du second courant, celui de la maçonnerie des Anciens, celle du REAA. Ce dernier peut être considéré comme l’Arche de Noé de la Tradition. Je vous invite à relire les Textes Fondateurs de notre obédience, sa Constitution et en particulier la Déclaration de Principes du Convent de Lausanne lue au début de l’initiation et vous constaterez que les principes contenus dans les Anciens Devoirs s’y retrouvent. Ceci ne nous étonne pas après tout ce qui a été dit plus haut et doit nous faire prendre conscience de la qualité du trésor initiatique reçu et de la nécessité de ne pas le galvauder : cela signifie de respecter le Rite et les rituels, de prendre conscience de la nécessité de transmettre, de la prise en considération de nos Devoirs et de notre mission. Nous pouvons nous appuyer sur les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie pour poursuivre l’œuvre tracée par les Anciens Devoirs. Souvenons-nous que dans l’expression VLS (Volume de la Loi Sacrée) c’est la Loi qui est sacrée, pas le volume. L’Evangile de Jean exprime la Loi, celle du GADLU (Grand Architecte de L’Univers) et nous guide pour avancer dans les voies qui nous sont tracées. Enfin, n’oublions pas que l’Ordre a une vocation humaniste, celle d’apporter sur terre la justice, la Paix et la Concorde Universelle. C’est à chacun se tracer sa voie, celle d’un mieux être pour un mieux faire au service de nos sœurs et de nos frères en humanité. Faisons notre la devise chevaleresque : « Fais ce que dois, advienne que pourra » tout en étant conscients que comme le dit une tradition, « il est plus facile de faire son devoir que de le connaitre » : soyons les transmetteurs d’une cause qui nous dépasse immensément nous ferons revivre par notre pratique de la Maçonnerie Ecossaise le message des Anciens Devoirs qui est d’Aimer et de Servir.
Conclusion.
Il existe de toute évidence un lien entre l’enseignement dispensé par les Anciens Devoirs et le message transmis par le REAA pratiqué par notre obédience spirituelle. Cela nous conforte dans l’idée que quelle que soit l’époque les Hommes ont toujours été à la recherche d’une plénitude d’être, d’une Sagesse et d’un art de la vie pour transcender leur finitude et franchir les portes de l’Orient Eternel avec sérénité.
Enfin une citation me permet de clore cette planche : elle est de François Rabelais, notre Frère : elle résume tout mais il est nécessaire de la comprendre dans son sens secret : je vous la livre : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme car Sapience n’entre point en âme malivole ». Alors mes SS et mes FF suivons le chemin tracé par les Anciens Devoirs, celui de la science célestielle et de la Beauté intérieure pour mieux rayonner dans ce monde qui a bien besoin de lumière. C’est à cette condition que nous serons en mesure de collaborer de manière consciente et effective à la réalisation du Plan du GADLU.
