mer 19 novembre 2025 - 13:11

La pierre et la parole

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

La responsabilité alchimique est l’art d’assumer la responsabilité de ses actes de manière prévisible et juste, en mêlant liberté et devoir de façon à transformer l’individu et la communauté. En Franc-maçonnerie, cet art devient une discipline vivante : le franc-maçon façonne son intention, met sa parole en pratique et laisse les principes modeler ses œuvres.

La responsabilité, au sens originel de « respondere » , est un dialogue entre la conscience et le monde : être interpellé et savoir comment répondre. Il ne s’agit pas simplement de rendre des comptes, car ce n’est pas seulement « qui a fait quoi », mais « qui choisit comment et pourquoi », assumant le poids de l’avenir inhérent à chaque décision.

C’est une liberté située, qui reconnaît les limites comme cadre du bien et le temps comme matière première de l’action ordonnée. En ce sens, elle est déjà « alchimique » : elle transmute l’impulsion en volonté, la volonté en forme, la forme en exemple.

Dans la pensée maçonnique, la responsabilité est l’éthique de la liberté : le compas sans l’équerre devient caprice, l’équerre sans le compas est rigidité. Le Franc-maçon est appelé à faire le lien entre le temple intérieur et la cité : ce qu’il comprend au-delà des symboles doit se traduire concrètement dans ses actions profanes. Il ne suffit pas de croire au bien ; il faut en faire une pratique.

La règle ne mortifie pas mais guide, le rite n’emprisonne pas mais éduque, le silence ne cache pas mais prépare la parole juste.

Les devoirs d’un franc-maçon découlent de ce noyau : dire la vérité et la mettre en pratique ; respecter les lois, les statuts et les serments ; être constamment présent ; faire preuve de discrétion ; honorer sa parole ; s’élever moralement, intellectuellement et spirituellement ; privilégier le bien commun au gain personnel.

Des maximes comme

Legum omnes servi sumus, ut libera esse possimus

Et

Pacta sunt servanda

Ce ne sont pas des slogans, mais des critères de travail : la liberté se nourrit de modération, le pacte crée la confiance, la confiance rend possible toute grande œuvre.

La transition subtile par laquelle un Franc-maçon devient véritablement « responsable » se produit lorsque son intention se transforme : du désir d’être reconnu au désir d’être digne de confiance ; du désir d’avoir raison à la décision de rechercher ce qui est juste ; de parler pour briller à parler pour édifier.

Le centre de gravité se déplace : les excuses cèdent la place à l’engagement, les alibis à la guérison, la réactivité devient réponse. C’est une transformation intérieure : la vanité du geste disparaît, seule la noblesse de l’action demeure.

L’avertissement est alors compréhensible.

Des faits, pas des mots

Benjamin Franklin

Les faits ne sont pas la réfutation de la parole, mais son accomplissement. Cette responsabilité se traduit concrètement dans la vie séculière : fiabilité au travail, continuité familiale, citoyenneté active et une approche sobre et tenace des conflits. Le Franc-maçon responsable compose, il ne complique pas ; il construit, il n’occupe pas ; il donne de son temps et de son expertise, pas seulement de ses opinions.

Benjamin Franklin se souvient :

Si vous avez du temps, ne le perdez pas.

C’est une éthique de la ponctualité du bien.

Voltaire avertissait que la décision quotidienne d’être de bonne humeur est déjà un acte de courage moral : l’attitude précède l’action et la rend possible.
Mark Twain a observé que le courage est la résistance à la peur, et non son absence : la responsabilité est précisément ce courage discipliné.

Mais lorsque le cœur du Franc-maçon se dérobe à la responsabilité et sombre dans l’irresponsabilité, le symbole devient ornement, le rituel habitude, la parole donnée vaine. L’ambition remplace le service, la faction la fraternité, l’exception personnelle l’emporte sur la règle commune. Il en résulte une perte de crédibilité, une confiance qui s’effrite et la fragmentation de l’Œuvre. L’irresponsabilité a toujours un prix : isolement, méfiance, conflits stériles, occasions manquées et, parfois, des sanctions justifiées et proportionnées aux manquements. C’est une caricature du parcours initiatique : beaucoup de paroles, peu d’actes ; beaucoup de fuite, peu d’ascension.

Les conséquences d’un comportement responsable, en revanche, mûrissent lentement et profondément : une solide réputation, des relations solides, une autorité tacite, une satisfaction intérieure tranquille. La responsabilité engendre un capital symbolique et social : chaque fois qu’une parole donnée est tenue, la ville devient un peu plus vivable. Chaque fois que la médiation est préférée à la vengeance, la logique du Temple se répand dans les rues. Chaque fois qu’on réfléchit avant de juger, une mèche s’éteint et une lampe s’allume.

Un clin d’œil discret à la politique maçonnique : la responsabilité authentique est la seule voie vers une carrière digne. Ce n’est pas l’accumulation de titres qui forge le caractère, mais la patience au service des autres, la capacité à promouvoir des positions, le refus des raccourcis et la neutralité face aux factions lorsqu’elles menacent l’Œuvre.

L’art de gouverner, au sein de la Loge comme à l’extérieur, est l’art de l’équilibre : écouter sans chercher à plaire, décider sans humilier, déléguer sans abdiquer, en gardant à l’esprit que

ius est ars boni et aequi.

Non pas un pouvoir à exercer, mais une justice à pratiquer. La responsabilité est l’alchimie de la liberté. Elle transforme la promesse en action, l’impulsion en volonté, le talent en service. Chez le franc-maçon, cette alchimie devient style : choisir la juste mesure, respecter l’engagement, honorer le temps, concrétiser par les actes ce que le cœur a compris.

Facta superant verba.

Les actes sont plus éloquents que les paroles, et chaque pierre cubique répond au monde par une forme de bien.

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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