mar 18 novembre 2025 - 13:11

L’acacia méconnu

L’acacia… un arbre que l’on croit connaître, mais qui, à bien y regarder, ne se laisse jamais vraiment saisir. Il est là, modeste, épineux, presque banal. Et pourtant, il traverse les âges, les mythes, les rites, les hallucinations. Un arbre qui ne parle pas, mais qui murmure à ceux qui savent écouter.

Comme l’aurait peut-être suggéré un philosophe néoplatonicien tel que Plotin : et si l’acacia, dans sa modestie apparente, portait en lui une vérité cachée ? Bois de menuisier, plante sacrée, il devient le symbole des initiés, des bâtisseurs, des rêveurs. Il ne s’impose pas, il se révèle à ceux qui savent voir au-delà des formes.

L’acacia méconnu… si, si !

Que fait l’être humain quand il se passionne pour l’étude et la recherche de la connaissance ? Quel instinct profond le tire vers le haut ou le bas ? Voici deux aspects d’une question qui semble anodine, mais qui cache en réalité un fait d’une importance capitale :

« L’acacia m’est connu ou méconnu ? » « Connaître » n’est pas « savoir ». Savoir, c’est apprendre de l’autre. Connaître, c’est apprendre de soi, dans le rapport avec l’autre. René Guénon disait de lui qu’il était arbre de dualité, arbre de mort par sa partie enterrée, et arbre de vie par sa partie aérienne, un trait d’union entre le zénith et le nadir, entre l’ombre et la lumière.

Cette connaissance se transmet le plus généralement de façon orale, visuelle, écrite ou manuelle. On est dans l’apprentissage. Pour Albert Einstein, « la principale source de connaissance est l’expérience ». Et parfois, l’expérience pousse sous forme de branches épineuses.

Acacia ou Érica ? Le duel botanique

Barque d’Isis

Dans tous les Mystères antiques, la plante sacrée était un symbole d’initiation, elle-même symbole de résurrection et d’immortalité de l’âme. Les Égyptiens avaient choisi l’érica, la bruyère, comme plante sacrée. Une légende raconte qu’Isis, à la recherche du corps d’Osiris, le retrouva près d’un buisson d’érica. Ce lieu devint sacré, et l’érica fut adoptée comme plante rituelle.

Mais l’acacia n’a pas dit son dernier mot. Dans l’iconographie funéraire égyptienne, l’ished « acacia » signifie « ce qui donne la félicité ». Thot et Seshat y inscrivaient les noms des pharaons pour leur souhaiter prospérité et longue vie. Dans le sarcophage d’Aménophis II, on découvrit une branche d’acacia sur le corps du défunt. Le Livre des Morts d’Ani contient une invocation : « Hommage à toi, ô seigneur de l’Acacia ».

Alors, acacia ou érica ? L’un pour la mémoire, l’autre pour la renaissance. Et si la franc-maçonnerie avait simplement choisi le plus piquant des deux pour éviter les confusions florales ?

 L’arbre des barques sacrées

Les bateaux découverts près de la pyramide de Khéops étaient faits d’acacia et de cèdre. La barge sacrée d’Osiris au temple de Thèbes était en acacia. Ce bois protégeait la momie pendant que l’âme s’unissait à l’univers. Les inscriptions l’appellent « le solitaire dans l’acacia », et les images montrent le dieu comme une momie abritée par l’arbre.

L’acacia devient alors gardien de la promesse de rédemption. Il incarne la renaissance qui suit la mort, la barque de la conscience qui traverse les eaux troubles de l’existence. Et comme chacun sait, mieux vaut un bon bois pour naviguer dans l’au-delà qu’un radeau de fortune.

L’acacia du Nil : spiritualité et chimie sacrée

L’Acacia nilotica pousse en abondance le long du Nil. Il contient de la DMT, une molécule hallucinogène utilisée dans les rituels chamaniques. Les prêtres égyptiens glorifiaient ses pouvoirs psychiques. Osiris, psychopompe, guide des âmes, est né sous un acacia. Les anciens Égyptiens utilisaient cet arbre pour obtenir l’illumination et parler aux dieux.

Et là, on peut se permettre un clin d’œil :

 Moïse, le buisson ardent… et le DMT

Le professeur israélien Ben Shannon pense que Moïse était sous l’effet de DMT quand Yahvé lui remit les Tables de la Loi. Le buisson ardent serait un Acacia nilotica, présent dans le Sinaï et la vallée du Jourdain. Le judaïsme primitif considérait l’acacia comme sacré : l’Arche d’Alliance était faite de ce bois, recouvert d’or.

Comme toutes nos religions actuelles, le judaïsme a été influencé par le DMT et sa connexion au monde des esprits. À la Mecque, avant l’Islam, la déesse Al-Lat était aussi identifiée à l’Acacia nilotica. Sa religion était tout à fait conforme aux croyances égyptiennes, celtes et hébraïques.

 L’Afrique subsaharienne : entre cosmogonie et quotidien

Chez les Dogons du Mali, l’acacia est lié à la création du monde. Ses branches relient le ciel et la terre, et son bois sert à sculpter les masques rituels et les portes des greniers à mil, symboles de protection et de fertilité. L’arbre n’est pas seulement sacré : il est aussi pratique, résistant, et omniprésent dans la vie quotidienne.

Un arbre qui protège les récoltes, les âmes, et parfois les secrets de famille. L’acacia, c’est un peu le coffre-fort végétal de l’Afrique.

 L’acacia en Asie : entre médecine, spiritualité et esthétique

Chine et médecine traditionnelle

•  L’acacia est utilisé dans la pharmacopée chinoise, notamment pour ses propriétés astringentes et antiseptiques.

•  Le Gummi arabicum (gomme d’acacia) est parfois intégré dans des préparations pour calmer les inflammations et favoriser la cicatrisation.

•   Sur le plan symbolique, les arbres épineux sont souvent associés à la résilience et à la protection contre les mauvais esprits.

Inde et spiritualité védique

•   Bien que le neem et le banyan dominent les récits sacrés, certaines espèces d’acacia (comme Acacia catechu) sont utilisées dans les rituels ayurvédiques.

•   Le catechu, extrait de l’acacia, est considéré comme purificateur, utilisé dans les soins buccaux et les encens.

•   Dans les textes védiques, les arbres à épines sont parfois vus comme gardiens de seuils, entre le monde matériel et le monde spirituel.

L’acacia dans les traditions amérindiennes : entre terre, ciel et guérison

Symbolisme chez les peuples du Sud-Ouest

•   Les Navajos et Pueblos utilisent des bois résistants comme l’acacia pour fabriquer des objets rituels.

•   L’acacia est parfois associé à la force du désert, à la résistance à l’adversité, et à la connexion avec les ancêtres.

Médecine et spiritualité

•   Acacia farnesiana, aussi appelée cassier, est utilisée par certaines tribus pour ses propriétés médicinales : traitement des fièvres, des infections et comme plante de purification.

•   Les fleurs odorantes sont parfois brûlées pour inviter les esprits bienveillants ou accompagner les rites de passage.

Cosmologie et artisanat

•   Dans certaines légendes bambara (Afrique de l’Ouest, mais avec des échos dans les diasporas amérindiennes), l’acacia est lié à la création du monde par le son, serait né de ses branches « Le rhombe est un instrument à vent de la famille des aérophones se servant du frottement de l’air ambiant pour produire un son.

•   Ce lien entre vibration, bois et spiritualité se retrouve dans les tambours sacrés et les flûtes utilisées dans les cérémonies chamaniques.

Le rhombe

Vers une synthèse symbolique

L’acacia, arbre-monde, présent dans les rites de guérison, les objets sacrés, les mythes de création et les pratiques initiatiques. Qu’il pousse le long du Nil, dans les vallées du Gange ou sur les plateaux du Nouveau-Mexique, il incarne :

•   La résistance (épines, bois dur)

•   La transmission (rituels, médecine)

•   La connexion (visible/invisible, ciel/terre)

•   Et parfois… la transcendance hallucinée (merci la DMT)

Lien entre les mondes

L’acacia est le symbole du lien entre le visible et l’invisible. Il est l’analogue de l’aubépine, de la croix chrétienne, de la lettre hébraïque Vav, le lien. Il est gage d’immortalité. René Guénon note que les plantes sacrées sont souvent épineuses : rose, chardon, acanthe… L’acacia, « épine d’Égypte », est un symbole solaire.

Et comme tout bon symbole solaire, il pique un peu, mais éclaire beaucoup.

Cycle solaire et renaissance

L’acacia évoque le cycle du soleil : floraison en boules dorées, feuilles qui se ferment la nuit et s’ouvrent au matin. Le drame d’Osiris devient un rite solaire : mort et renaissance, comme le jour et la nuit. Les graines d’acacia retrouvées dans les tombes pharaoniques témoignent de cette symbolique.

 Bois sacré et usage pratique

Dur, imputrescible, riche en tanins, le bois d’acacia résiste aux parasites. Il servait à fabriquer des coffres à momies, des secrétaires à papyrus, des malles. Il est lié à la vie et à la mort, à la transformation et à l’immortalité.

Et en bonus, il fait de très bons piquets de vigne. Comme quoi, même les arbres sacrés ont une vie agricole.

L’Arche d’Alliance et le Tabernacle

Dans l’Exode, l’acacia est omniprésent : arche, table, autels, piliers… tout est en bois de shittim. Ce bois était choisi pour sa résistance, mais aussi pour sa symbolique. Il abritait la présence de Yahvé pendant la traversée du désert.

 Bien que la Bible ne spécifie pas le matériau exact dont était fait le bâton d’Aaron, la tradition juive et chrétienne suggère généralement qu’il s’agissait d’un bâton en bois d’acacia.

Tout y était en acacia : l’Arche d’Alliance, la table des pains, les barres de transport, les piliers, les autels. Une vraie maison en bois sacré. On pourrait presque dire que Yahvé avait un faible pour le mobilier rustique.

L’Arche d’Alliance

Exode 25, 10 : « Ils feront une arche de bois d’acacia, sa longueur sera de deux coudées et demie, sa largeur d’une coudée et demie, et sa hauteur d’une coudée et demie. »

Conclusion : l’acacia, arbre total

L’acacia est un arbre paradoxal : modeste et sacré, utilitaire et mystique, enraciné dans la terre et tourné vers le ciel. Il relie les civilisations, les croyances, les métiers et les mythes. Il est le témoin silencieux des rites anciens, le compagnon des bâtisseurs, le confident des initiés.

Il ne parle pas, mais il inspire. Il ne bouge pas, mais il relie. Il ne brille pas, mais il éclaire. Et parfois, il fait halluciner, ce qui, dans le monde des symboles, revient à peu près au même. Et s’il ne parle pas, il inspire, parfois jusqu’à l’extase. Ou du moins jusqu’à ce que Moïse entende des voix.

Aujourd’hui on a un peu perdu de vue les vertus hallucinogènes de l’acacia. Pourtant son culte a survécu, mais de façon purement symbolique, rassurez-vous ! On imagine mal les vénérables tabliers de cuir se rouler des pétards d’acacia du Nil. Quoique …

Postface

« Et si, dans un monde qui numérise tout, il fallait réapprendre à écouter les arbres ? L’acacia, lui, n’a jamais cessé de parler. »

Bibliographie indicative

  • René Guénon, Le symbolisme de la croix, Éditions Traditionnelles, 1931.

Pour la pensée initiatique et la symbolique du lien entre ciel et terre.

  • Jules Boucher, La symbolique maçonnique, Dervy, 1948.

Une référence incontournable sur les symboles maçonniques, dont l’acacia.

  • Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Gallimard, 1965.

Pour comprendre la place du végétal dans les rites et les mythes.

  • Plotin, Ennéades, trad. Émile Bréhier, Les Belles Lettres.

Source de la citation sur la forme visible et la vérité cachée.

  • Albert Einstein, Comment je vois le monde, Flammarion, 1934.

Pour la citation sur l’expérience comme source de connaissance.

  • Ibn Sina (Avicenne), Le Canon de la médecine, traduction partielle, divers éditeurs.

Pour les usages médicinaux de l’acacia dans la tradition arabe.

  • Kamal el-Mallakh, The Khufu Boat, Cairo University Press, 1954.

Étude sur la découverte des barques funéraires près de la pyramide de Khéops.

  • Ben Shannon, (hypothèse contemporaine sur Moïse et la DMT)

Mentionné dans des articles de recherche sur les interprétations psychotropes des récits bibliques.

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Gérard Lefèvre
Gérard Lefèvre
En parlant de plume, savez- vous que l’expression “être léger comme une plume” signifie ne pas peser plus lourd qu’une plume et pouvoir soulever quelqu’un ou quelque chose avec une grande facilité ? C’est une belle métaphore pour exprimer la légèreté et la facilité. Et puis, être une plume peut aussi signifier autre chose. On n’est pas seulement « plume », on est « plume de… ». Parfois, on propose à quelqu’un qui a une audience, un public, et pas forcément le temps, ou parfois pas forcément la compétence d’écrire pour être compris et convaincant à l’oral. Alors, que choisir? Être ou ne pas être une plume ? Gérard Lefèvre Orient de Perpignan

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