La dernière newsletter du CLIPSAS (Le Centre de Liaison et d’Information des Puissances maçonniques Signataires de l’Appel de Strasbourg ) vient de paraître et je vous propose son contenu. Rappelons que le CLIPSAS rassemble les principales obédiences maçonniques libérales du monde. Pour la France, sont membres entre autres la Grande Loge Féminine de France, la Grande Loge des Cultures et de la Spiritualité, la Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis.

Message du Président,
Chères Sœurs, Chers Frères,
C’est un honneur de m’adresser à vous à l’occasion de ce premier numéro du bulletin
de CLIPSAS. Notre récente Assemblée Générale à Bucarest a été une étape marquante
qui a réaffirmé la solidité de nos liens fraternels et tracé une direction claire pour notre
avenir. Avec l’adoption de la Déclaration de Bucarest, nous nous sommes engagés dans
des actions concrètes pour renforcer notre unité et notre impact à travers le monde.
En allant de l’avant, CLIPSAS met en œuvre de nouvelles initiatives — de l’autonomisation des jeunes et l’amélioration de la formation maçonnique à l’élargissement de notre coopération internationale, y compris une présence accrue auprès des Nations Unies. Ce bulletin s’inscrit dans cet élan renouvelé : il tiendra toutes les puissances membres informées, engagées et connectées dans nos trois langues de travail.
J’encourage chacun d’entre vous à participer activement à nos efforts communs. En
contribuant aux travaux de nos nouvelles commissions et en partageant vos idées et actualités pour ce bulletin, vous aiderez à donner vie aux engagements de Bucarest.
Ensemble, nous veillerons à ce que CLIPSAS continue de rayonner comme un phare de
nos valeurs sur la scène mondiale.
Merci pour votre dévouement et votre confiance.

Louis Daly
Résumé de l’Assemblée Générale de Bucarest 2025
L’Assemblée Générale 2025 de CLIPSAS s’est tenue à Bucarest, en Roumanie, gracieusement accueillie par nos frères roumains. Des délégations de plus de 50 puissances membres provenant de cinq continents y ont participé, en faisant l’une des assemblées les plus diversifiées de notre histoire. Au cours de plusieurs jours de réunions et de convivialité fraternelle, les participants ont mené des dialogues productifs sur l’avenir de notre alliance.
Parmi les principaux résultats de l’Assemblée de Bucarest figurent l’adoption à l’unanimité de la Déclaration de Bucarest, l’admission de deux nouvelles Grandes Loges (des Philippines et de la Bulgarie) dans la famille CLIPSAS, ainsi que d’importantes décisions de gouvernance.
L’Assemblée a approuvé la création de nouvelles commissions pour aborder les priorités stratégiques et a convenu de relocaliser le siège juridique de CLIPSAS afin d’améliorer la coordination internationale. Des élections ont eu lieu pour les postes de direction, le rapport financier et le rapport d’audit ont été présentés et approuvés, et des plans ont été établis pour les prochains événements et initiatives. Tout au long des travaux, un esprit d’unité et de fraternité a prévalu, soulignant la force des liens unissant tous les membres.
Déclaration de Bucarest
La Déclaration de Bucarest, adoptée à l’unanimité, est devenue une pierre angulaire pour les actions futures de CLIPSAS. Ce document majeur réaffirme les principes fondamentaux qui unissent notre alliance – tels que la liberté de conscience, la tolérance et la solidarité maçonnique – tout en abordant les défis et opportunités du monde actuel. Il met en avant notre engagement collectif à travailler plus étroitement ensemble et à rendre nos valeurs visibles dans le monde.
Ce qui distingue la Déclaration de Bucarest, c’est son orientation pratique. Au-delà de nobles déclarations, elle définit une feuille de route concrète d’initiatives pour les années à venir. La Déclaration préconise, entre autres, la création de programmes dynamiques pour l’engagement des jeunes, le renforcement de la communication et de la formation entre les puissances membres, ainsi qu’une présence plus active dans les forums internationaux comme les Nations Unies. Ces objectifs clairs guideront le travail des nouvelles commissions de CLIPSAS et fourniront à chaque obédience membre un cadre pour transformer notre vision commune en réalité.
Pourquoi le CLIPSAS importe-t-il ?
Pourquoi le CLIPSAS (Centre de Liaison des Puissances Maçonniques Signataires de l’Appel de Strasbourg) ? Pour tenter de répondre à cette question, il paraît utile de remonter à l’année 1723.
En effet, en 1723, le pasteur Anderson fut chargé par la Grande Loge d’Angleterre d’organiser son fonctionnement au moyen de ce que nous appelons traditionnellement les « Constitutions d’Anderson de 1723 ». L’Article 1 met en exergue « le Centre de l’Union, les maçons, tous égaux et unis dans la même Chaîne universelle ». En 1813, la Grande Loge Unie d’Angleterre (UGLE) ajouta à ces Constitutions l’obligation de croire en une religion révélée. En 1877, le Grand Orient de France (GOdF) supprima l’obligation, pour un maçon, de croire en Dieu et en l’immortalité de l’âme. À partir de ce moment, l’UGLE cessa de reconnaître le GOdF ainsi que toutes les autres Obédiences qui n’acceptaient plus cette injonction.
Ainsi, au cours des décennies suivantes, la franc-maçonnerie — supposée universelle — se trouva divisée entre les Obédiences reconnues par l’UGLE, qui avaient opté pour une philosophie fondée sur un dogme métaphysique, et les autres Obédiences, devenues persona non grata, pratiquant la liberté de pensée qui conduit à la liberté absolue de conscience, principe éminemment individuel.
Mais comment fonctionne, dans ses grandes lignes, l’UGLE ? Quelles conditions faut-il remplir pour être considéré comme « régulière » ? Il faut être reconnu par l’UGLE et respecter les Constitutions d’Anderson : d’où les célèbres Landmarks. Ces Obédiences sont conservatrices, immuables dans leurs conceptions et pratiques maçonniques ; elles se fédèrent entre elles, notamment dans des pays à structure étatique ou fédérale comme, par exemple, les États-Unis, le Brésil ou l’Inde.
Leur évolution est peu apparente : pas d’ouverture sociétale dans le travail en loge ; elles vivent, pour ainsi dire, hors du temps, tout en étant très impliquées en dehors de la loge dans ce que l’on appelle communément la bienfaisance, avec un fort engagement civique à titre individuel.
Il s’agit d’un pouvoir tutélaire qui implique hiérarchie et autorité au bénéfice de l’UGLE. Les mêmes règles sont respectées au sein des Obédiences appartenant à une famille éritablement unique, à savoir les Constitutions d’Anderson susmentionnées.
Ces deux conceptions de la franc-maçonnerie en vinrent à s’ignorer ; la séparation fut consommée. Nous devons donc nous résoudre à considérer qu’aujourd’hui la franc-maçonnerie est plus que jamais divisée en deux mondes : l’un ne reconnaît plus l’autre comme maçonnique. Il n’y a même plus de concurrence, si ce n’est pour le recrutement de nouveaux adeptes.
À titre d’exemple concret : la cessation de la reconnaissance de la Grande Loge Nationale Française (GLNF) comme « régulière ». Il fallut des années et des efforts considérables pour recouvrer sa « respectabilité maçonnique » ; d’une part sur le plan juridique, et d’autre part en acceptant des sanctions pour rentrer dans le rang…
Les Obédiences libérales et adogmatiques, entièrement autonomes et indépendantes, n’entretiennent entre elles aucun lien hiérarchique. Elles prônent la liberté de conscience et œuvrent à l’amélioration de la condition humaine. Cependant, malgré leurs différences, elles jugèrent utile de se fédérer. Ainsi apparut en 1889 le Bureau International des Relations Maçonniques (BIRM), qui s’éteignit en 1921.
Le BIRM fut suivi en 1921 par l’Association Maçonnique Internationale (AMI), qui prit également fin en 1950. En 1954 naquit une nouvelle association, l’« Alliance Fraternelle », qui, le 22 janvier 1961, donna naissance au futur CLIPSAS. Il Tout ce qui précède montre que les Obédiences libérales et adogmatiques ont constamment cherché un moyen de rétablir la Chaîne d’Union universelle, au moins entre elles. Les échecs successifs évoqués, dus à des événements historiques ou à des exclusions, n’ont pas entamé le courage ni la volonté de celles et ceux qui voulaient créer une entité, un groupe, une association (devenue mixte — sœurs et frères — en 1983) ; le mot importe peu, seule compte l’idée : nous retrouver ensemble au-delà des différences, par-delà les mers et les frontières.
Comment toutes ces Obédiences se sont-elles fédérées ? Comment peuvent-elles unir leurs forces ? Elles se sont réunies en 1961 au sein d’une association appelée CLIPSAS. C’est, en quelque sorte, le pendant de cette maçonnerie multinationale dite « régulière » que représente l’UGLE et les Obédiences qu’elle reconnaît comme régulières. Mais à certaines conditions : le CLIPSAS ne peut jouer son rôle qu’à la condition — incontournable — de défendre et de pratiquer la liberté absolue de conscience à l’intérieur et à l’extérieur des loges.
Qu’est-ce que le CLIPSAS ? Beaucoup en parlent sans savoir de quoi ils parlent ; nombreux sont ceux qui le dénigrent en flagrante contradiction avec son RG (Règlement Général), qu’ils n’ont pas toujours pris la peine de lire. Qu’il doive être amélioré, c’est évident ; cela signifie-t-il pour autant qu’il faille le quitter ou tenter de le briser ?
Les hautes valeurs énoncées dans l’Appel de Strasbourg pour le 35e anniversaire du CLIPSAS — et rappelées par le T∴R∴F∴ Marc-Antoine Cauchie — « … seule la liberté de conscience, la tolérance, le respect et l’acceptation de l’Autre permettent d’atteindre la Chaîne d’Union universelle, à condition de ne pas nous contenter de la proclamer, mais de la pratiquer avec le cœur », ne sont-elles pas supérieures aux petits intérêts de petites personnes qui ne sont grandes que par leur titre ? Comment imaginer qu’un bon cent d’Obédiences, différentes par leur géographie, leurs cultures, leurs rites, leurs langues, puissent s’entendre sans accrocs occasionnels, sans malentendus conjoncturels, sans batailles d’ego préjudiciables à ce qui doit être dépassé, comme nous l’enseigne et nous y invite l’initiation maçonnique universelle ?
En résumé, de quoi s’agit-il avec le CLIPSAS ? Peut-être plus que dans toute autre association, il s’agit de fédérer un monde obédientiel dispersé ou, comme on le proclame si souvent, de « réunir ce qui est dispersé ». La banalité de cette expression — éminemment maçonnique — que l’on répète mécaniquement, sans la questionner, demeure un défi parfait, car la vraie question est de savoir si ce qui est dispersé souhaite réellement être réuni. Ce n’est pas si évident. Alors que tous sont en quête de la Vérité, nous sommes certains de la posséder — ce qui est contraire à l’engagement maçonnique. Voilà le cœur du problème : nul n’est mandaté pour tenter de façonner l’autre à son image ; nous plaidons donc pour le respect des particularités de chacun plutôt que pour un système qui prétendrait régir de manière identique toutes les relations humaines. Au CLIPSAS, il s’agit de créer des temps et des espaces de dialogue et d’échange favorisant le débat d’idées, en donnant la priorité aux valeurs plutôt qu’aux personnes.
Ces échanges divers et variés, ce travail collectif et individuel, sont des facteurs de fraternité. Certains posent la question : quelles sont les actions concrètes du CLIPSAS ? On peut en rappeler quelques-unes : le travail mené par l’« Observatoire de la dignité humaine », brillamment conduit et concrétisé par la publication de deux ouvrages ; le travail remarquable sur l’état de la bioéthique dans le monde ; l’action auprès de l’ECOSOC, attirant son attention sur les réfugiés climatiques… et bien d’autres encore ; on ne peut toutes les énumérer. Le fait est clair : au CLIPSAS, nous
travaillons.
Respecter l’idéal maçonnique de chacun selon sa culture, son histoire, selon les conditions précises de ce qui nous unit ; imposer un respect authentique de l’autre dans sa différence à l’échelle planétaire, sans préjugés ni discriminations : telle est la vocation du CLIPSAS. C’est un véritable pari sur nous-mêmes, qui ne saurait en aucun cas être — en permanence — un long fleuve tranquille…
Le monde maçonnique international continuera d’avancer. Le rôle émancipateur de la maçonnerie libérale et adogmatique — qui souhaite pratiquer Liberté, Égalité, Fraternité à l’intérieur et à l’extérieur de nos Temples — a toutes les chances de porter haut et fort son message humaniste, sans oublier cependant qu’elle est et doit rester, avant tout, initiatique.

Mireille Raunet
Fédération Ouest Africaine du Droit Humain International
Jeunesse et initiatives de formation
Les réunions de Bucarest ont souligné l’importance d’impliquer la prochaine génération de francs-maçons. CLIPSAS a donc mis un fort accent sur les initiatives en matière de jeunesse et de formation. Une nouvelle Commission Jeunesse et Éducation a été créée spécifiquement pour élaborer des programmes visant à attirer et à responsabiliser les jeunes frères et sœurs au sein de nos juridictions. L’une des idées discutées est la création d’un « Forum des Jeunes Maçons » international au sein de CLIPSAS, qui faciliterait le réseautage, des programmes d’échange et des ateliers de développement du leadership pour les membres les plus récents.
En outre, des plans sont en cours pour améliorer les ressources de formation. CLIPSAS va compiler et partager des matériaux éducatifs – allant de planches et travaux de recherche aux meilleures pratiques en gestion de loge – avec l’ensemble de ses membres. Des webinaires et séminaires sont envisagés pour permettre aux frères de différents pays d’apprendre ensemble. En investissant dans la jeunesse et la formation, CLIPSAS entend assurer la continuité de nos traditions et doter les futurs leaders des outils dont ils ont besoin pour faire progresser la fraternité.
Directives pour les contributions au bulletin
- Nous invitons l’envoi d’articles ou d’informations d’intérêt provenant des puissances membres. La longueur suggérée est d’environ 200 à 300 mots, et les textes peuvent être soumis en français, en anglais ou en espagnol (notre équipe peut aider à la traduction).
- Il est recommandé d’inclure des photographies pour accompagner les articles (veuillez inclure des légendes et le crédit du photographe le cas échéant, et assurez-vous que les images sont de bonne résolution).
- Veuillez envoyer vos contributions par courriel au Secrétariat de CLIPSAS (newsletter@clipsas.org) avant le 15 du mois précédant la parution pour une inclusion dans le prochain numéro.
- Le Comité de Rédaction se réserve le droit de réviser les textes pour des raisons de clarté et de longueur. Le contenu doit être en lien avec la mission de CLIPSAS et d’intérêt pour un public maçonnique international.
- Nous encourageons toutes les Obédiences membres à contribuer avec des nouvelles sur des événements, initiatives ou anniversaires importants, car ce bulletin est une plateforme pour partager notre diversité et renforcer nos liens.
