ven 07 novembre 2025 - 15:11

Le Tarot, quand âme et souffle sont rendus aux arcanes d’Oswald Wirth

Dans Le Tarot, miroir des symboles Études du Tarot d’Oswald Wirth (Éditions Le Livre de Ma Vie, 2025), Christophe Martin offre bien davantage qu’une étude érudite du célèbre Tarot d’Oswald Wirth. Il tisse une vaste méditation sur le langage sacré, les archétypes et la parole créatrice. Entre Kabbale, Franc-Maçonnerie et quête intérieure, son livre révèle le Tarot comme un alphabet vivant de l’âme, une architecture initiatique où chaque lame devient un acte de connaissance de soi. Un ouvrage lumineux, à la croisée du symbole et du Verbe.

Le Tarot miroir des symboles

Dans Le Tarot, miroir des symboles Études du Tarot d’Oswald Wirth, Christophe Martin ne livre pas une simple étude ésotérique du jeu de Wirth, il orchestre une véritable symphonie de correspondances entre langage, nombre, image et esprit. Ce livre s’inscrit dans la lignée d’une tradition hermétique, mais il la réanime avec une ferveur singulière, à la fois pédagogique et initiatique, érudite et intérieure. Rien ici du jargon fermé ou des formules abstraites. Le texte respire la clarté de la quête authentique, cette lumière lente des chercheurs de sens qui savent que chaque symbole n’éclaire que celui qui s’y laisse consumer.

Christophe Martin interroge le Tarot comme un miroir vivant de l’univers, une architecture du sens où chaque lame devient un degré de conscience. Loin de la divination, il en fait un itinéraire spirituel : un chemin d’éveil où l’image devient verbe, où le symbole devient acte. La puissance du propos réside dans ce refus de réduire le Tarot à un art de prédiction. Il le rend à sa dignité de livre muet, de « Bible universelle », selon le mot de Wirth. En cela, Christophe Martin accomplit un travail comparable à celui des hermétistes du XIXe siècle – Court de Gébelin, Éliphas Lévi, Papus, Stanislas de Guaita, Oswald Wirth – tout en l’ouvrant à une sensibilité contemporaine, moins dogmatique et plus intérieure.

Le numéro 4, l'Empereur, du jeu de Jean Dodal (début XVIIIe siècle)
Le numéro 4, l’Empereur, du jeu de Jean Dodal (début XVIIIe siècle)

Le cœur de son livre palpite d’une tension féconde entre raison et mystère. Il embrasse Spinoza et la Kabbale, Carl Gustav Jung et Oswald Wirth, la géométrie sacrée et la franc-maçonnerie, dans une respiration unique. Le divin n’y est pas une transcendance lointaine, mais la substance même du réel, le souffle invisible qui ordonne la matière. L’auteur rappelle que le Tarot, avant d’être un jeu, fut un alphabet spirituel, un langage total comparable aux lettres hébraïques. Chaque arcane devient dès lors un signe opératif, une lettre de feu qui participe à la création continue du monde. Le Bateleur, Aleph vivant, ouvre le cycle ; le Monde, Tav du couronnement, le clôt dans la transparence du Tout. Ce parcours des vingt-deux arcanes s’apparente à une montée initiatique, semblable à celle des degrés maçonniques : chaque carte est un travail de taille intérieure, un exercice de rectification où la matière de l’âme s’épure jusqu’à devenir lumière.

Ce qui traverse tout l’ouvrage, c’est la conviction que le symbole est vivant. Martin l’exprime avec un lyrisme contenu mais pénétrant. Le symbole n’est pas un code à déchiffrer, il est une rencontre à vivre. Il agit à la manière d’une pierre levée sur le chemin : repère, obstacle et seuil tout à la fois. Le lecteur est convié à cette lente ascension du regard, à cet apprentissage du voir. Car voir, ici, c’est comprendre que l’image pense. Et que penser, c’est déjà prier. Chaque arcane, dit l’auteur, agit comme un miroir de notre propre conscience, et sa lecture devient acte de connaissance de soi. L’homme ne contemple pas le Tarot : il s’y contemple, il y découvre le visage changeant de son âme en travail.

Le Tarot miroir des symboles

La structure du livre, d’une grande richesse, retrace l’histoire du Tarot depuis ses origines italiennes jusqu’à sa transfiguration par Wirth et ses héritiers. Mais cette érudition historique n’est jamais stérile. Elle éclaire le fil d’or d’une transmission spirituelle, celle d’une sagesse dissimulée sous les apparences du jeu. L’auteur montre comment chaque époque a ajouté une couche de sens sans effacer les précédentes, à la manière des bâtisseurs qui, en relevant une cathédrale, respectent les fondations invisibles. L’histoire devient herméneutique. Les cartes, depuis les Tarocchi de Milan jusqu’au Tarot de Marseille, apparaissent comme les vitraux successifs d’un même Temple de la Connaissance.

L’un des aspects les plus féconds de l’étude réside dans la correspondance que Christophe Martin établit entre les arcanes majeurs et la morphologie des contes analysés par Vladimir Propp. Ce rapprochement entre science du récit et symbolisme initiatique révèle que le Tarot ne se contente pas de représenter le monde : il raconte la métamorphose de l’âme. Le héros des contes traverse les mêmes épreuves que le voyageur des arcanes, de la naïveté du Bateleur à la transfiguration du Monde. Cette lecture narrative renouvelle profondément l’approche du Tarot, en le replaçant dans l’horizon universel des mythes de passage. La lame devient épisode, l’épreuve devient symbole, et le tirage, une dramaturgie du destin.

Mais c’est surtout dans sa méditation sur la Parole et sur l’écriture sacrée que le livre atteint sa pleine dimension initiatique. Christophe Martin rappelle que la lettre hébraïque n’est pas un signe arbitraire, mais un acte créateur, un souffle matérialisé. Il retrouve ici l’intuition maçonnique selon laquelle la Parole perdue n’est pas absente, mais voilée, et que chaque geste de connaissance la ressuscite. L’alphabet devient l’échelle de Jacob du langage, chaque lettre un degré reliant terre et ciel. En reliant le Tarot à cette tradition des alphabets sacrés, l’auteur propose une vision unifiée du monde : tout y est langage, tout y est signe, tout y est communication entre visible et invisible. Ainsi, le Tarot n’est pas seulement un miroir, mais un verbe incarné, un instrument d’écriture de soi.

La prose de Christophe Martin se distingue par sa limpidité et son rythme apaisé. Elle refuse l’effet spectaculaire pour privilégier la lenteur méditative, la précision des enchaînements, la lumière intérieure des mots. C’est une écriture de pèlerin, non de démiurge. Elle guide sans imposer, elle éclaire sans aveugler. Sous sa simplicité apparente, elle recèle une profonde maîtrise du langage symbolique, et une capacité rare à en révéler la cohérence. L’auteur n’est pas seulement un exégète : il est un passeur, au sens initiatique du terme. Il traduit la langue des symboles en langage du cœur, et restitue à l’étude du Tarot sa vocation première : unir science et sagesse, savoir et amour, géométrie et âme.

Christophe-MARTIN

Christophe Martin s’inscrit dans la filiation d’Oswald Wirth, mais il en prolonge l’esprit plutôt qu’il ne le répète. Là où Oswald Wirth cherchait à ordonner la symbolique, Martin cherche à l’habiter. Son approche est moins doctrinale que vivante : elle respire la liberté du chercheur qui ne craint pas de croiser Spinoza, Jung, la Kabbale, la Franc-Maçonnerie ou la mythologie grecque pour tisser un réseau de correspondances universelles. Dans cette vision, le Tarot devient un organisme spirituel où se rencontrent toutes les traditions. L’alchimiste y reconnaît ses transmutations, le maçon ses degrés, le psychologue ses archétypes, le mystique sa prière.

L’auteur vit dans le Var, où il se consacre depuis plusieurs années à l’étude du symbolisme et à la transmission des sciences spirituelles. Christophe Martin partage une réflexion patiente et exigeante sur la pensée initiatique et la symbolique universelle, en fidélité aux grands héritages hermétiques et à l’enseignement d’Oswald Wirth, avec une attention constante à la clarté, à la justesse et à l’expérience intérieure.

Ses publications précédentes, consacrées à la symbolique des nombres et aux mystères de la lumière, témoignent déjà de cette volonté d’unir l’ésotérisme savant et la quête existentielle.

Le Tarot, miroir des symboles n’est pas un manuel de plus dans la bibliothèque des curieux de l’occulte. C’est un livre qui engage celui qui le lit. Vendu sans jeux de cartes, il nous rappelle que la connaissance véritable ne consiste pas à accumuler des notions, mais à consentir à une métamorphose intérieure. En cela, il rejoint la tradition maçonnique : celle du travail sur la pierre brute, où chaque symbole devient un outil de rectification. Le Tarot, tel que Christophe Martin nous l’offre, n’est ni un objet de savoir ni un instrument de pouvoir, mais une lampe de l’âme, un miroir où se réfléchit la part divine de l’homme. À travers lui, nous apprenons que le symbole ne sert pas à comprendre le monde, mais à le transfigurer. Et c’est peut-être là le plus haut secret que ce livre transmet silencieusement, à qui sait lire entre les lignes de lumière.

LLDMV

Le Tarot miroir des symbolesÉtudes du Tarot d’Oswald Wirth

Christophe MartinÉdition LLDMV, 2025, 218 pages, 25 € – Frais de port France métropolitaine 7,20 € lettre suivi La Poste

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Chroniqueur littéraire, animé par sa maxime « Élever l’Homme, éclairer l’Humanité », il est membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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