Sous la forme d’un conte lumineux, Le Dernier Arcane – Les Compagnons d’Horus de Michel Auzas-Mille déploie une méditation sur la conscience et le mystère du vivant. L’auteur, peintre et hermétiste, y tisse un dialogue entre alchimie, physique quantique et sagesse des Anciens. Liane, l’enfant aux dons psychiques, devient le symbole de la connaissance originelle, de cette innocence cosmique que la modernité a reléguée dans l’ombre. En mêlant Hermès, Isis et le feu du volcan, Michel Auzas-Mille rappelle que la vraie transmutation n’est pas celle des métaux, mais celle de l’âme : un passage du plomb de la peur à l’or de la reliance. Entre mythe, science et initiation, ce Dernier Arcane offre une expérience de lecture qui relève moins du récit que du voyage intérieur – une œuvre d’éveil où la poésie devient philosophie et la fiction, un acte de Lumière.

Le Dernier Arcane – Les Compagnons d’Horus de Michel Auzas-Mille s’inscrit dans cette lignée d’ouvrages qui ne se contentent pas de raconter, mais transfigurent le récit en acte de conscience. Sous l’apparente douceur d’un conte, s’y déploie une véritable cosmogonie initiatique, où le feu du mythe éclaire les arcanes de la matière et les ressorts les plus secrets de l’âme humaine. Tout y respire la lente respiration des âges et la brûlure de la quête : celle de l’homme, de la lumière et du Verbe, dans un univers où chaque symbole devient seuil et chaque parole, passage.

Michel Auzas-Mille est de ces chercheurs d’absolu qui dessinent, peignent et écrivent comme on prie. Né en 1947, il explore depuis plus d’un demi-siècle les territoires de l’image, du mythe et du signe. Illustrateur de figures majeures de la pensée symbolique – d’Annick de Souzenelle à Jean-Pierre Bayard – il a poursuivi son œuvre en tissant, à travers la parole et le trait, une même méditation sur le visible et l’invisible. Ses ouvrages, de Un si long hiver – conte alchimique à Aset l’Egyptienne – Par-delà les portes du temps, de Les 22 Portes (du Tarot) à En To Pan – Le Livre de Mel Akmon, ami d’Hermès,forment une constellation où se croisent l’alchimie, la kabbale, le tarot et la mémoire des anciens mystères. Le Dernier Arcane vient naturellement s’y inscrire, comme une somme poétique et vibratoire, un livre d’images écrites où la fiction devient l’alphabet du sacré.
Dans cette fable d’apparence simple, l’auteur réunit la science et le mythe, le cosmos et l’intime. Liane, l’enfant aux dons psychiques, n’est pas un personnage : elle est l’allégorie même de la conscience naissante, cette part d’innocence cosmique que la modernité a oubliée sous le bruit des machines et l’arrogance du savoir. Elle porte en elle la mémoire des anciens mondes et l’intuition du futur et marche, comme Hermès, entre les plans de l’être. Par son regard s’ouvrent les dimensions non locales de la réalité – ces univers parallèles dont la physique quantique n’est que la traduction scientifique d’un mystère immémorial. Le conte prend alors la forme d’une transmutation spirituelle. Celle de la conscience humaine appelée à passer du plomb de la peur à l’or de la reliance.

Tout au long du récit, les dialogues entre les initiés, les apparitions de Mel Akmon ou d’Hermès, les visions sur l’île de La Réunion et les réminiscences d’Égypte tissent un maillage subtil entre microcosme et macrocosme. L’éruption du Piton de la Fournaise devient le miroir de la combustion intérieure, l’épreuve du feu de l’Athanor, ce moment où la matière se défait pour laisser paraître la lumière. Chaque scène, chaque parole, semble répondre à un plan invisible, une architecture de correspondances où la physique quantique rejoint la théologie hermétique. Le Multivers évoqué ici n’est pas seulement concept scientifique : il devient symbole du Grand Œuvre, ce travail de l’Esprit sur lui-même où les mondes s’emboîtent comme les sphères d’un temple intérieur.

À travers cette trame, Michel Auzas-Mille célèbre une philosophie de l’unité. Le feu de la Terre, la vibration des étoiles, la parole des anciens maîtres, la voix des enfants – tout converge vers une même conscience d’appartenance. La phrase se déploie avec la lenteur du souffle, entre incantation et révélation, et l’on sent derrière chaque mot la fidélité à une tradition qui n’enseigne pas, mais éveille. Comme dans les plus beaux récits hermétiques, la matière du conte devient le miroir d’une ascèse : il s’agit moins de comprendre que de se laisser traverser. L’initiation est ici poétique, non doctrinale. Elle invite à la participation, à l’écoute du vivant, à la présence silencieuse dans le tumulte du monde.
Ce livre s’inscrit dans la longue mémoire des textes où la fiction rejoint le rituel. Hermès Trismégiste, Isis, la pierre philosophale, le feu du volcan, la vision de l’enfant… Tout est symbole d’un unique mouvement, celui du retour à la Source. L’auteur ne cherche ni à convaincre ni à enseigner, mais à rappeler, avec douceur, que la connaissance véritable n’est jamais conquête, mais réminiscence. Sous le voile de l’imaginaire, c’est la parole des anciens mystères qui se fait entendre, ce murmure qui dit que l’univers est un seul être, et que chaque homme, s’il s’éveille, en porte la clef.

Dans Le Dernier Arcane, la poésie s’allie à la science, la métaphysique à la tendresse. L’écriture d’Auzas-Mille, d’une limpidité presque orphique, restitue à la pensée hermétique sa fonction première : unir ce que la raison sépare. Les dialogues entre les mondes, les voyages dans le temps, les correspondances entre l’humain et le cosmique, tout cela renvoie à la grande tradition de l’hermétisme, mais aussi à la Franc-Maçonnerie lorsqu’elle se comprend comme un art de la construction intérieure. Le feu du volcan répond au feu du cœur ; la pierre engloutie de la Chapelle de Rosemond rappelle la pierre brute que le compagnon doit dégrossir ; et la petite Liane incarne cette lumière d’enfant que tout initié porte en lui comme promesse de transfiguration.

Ainsi, ce conte se lit comme une parabole du monde contemporain. Face à la sixième extinction évoquée par l’auteur, face au règne d’Apophis, symbole du chaos et de la dévoration, la seule issue réside dans le réveil de la conscience. Non celle des savoirs accumulés, mais celle qui s’ouvre à la résonance, à la beauté, à la fraternité cosmique. Michel Auzas-Mille fait de la littérature un acte alchimique : chaque phrase devient pierre philosophale, chaque image, un sceau de passage. Et dans ce livre, rare est la frontière entre l’ésotérisme et la poésie : l’un nourrit l’autre, comme le feu nourrit la lumière.

Au terme de la lecture, demeure une impression de réconciliation : entre la Terre et le Ciel, la science et la foi, la raison et l’imaginaire, le mythe et l’enfant. C’est là sans doute le plus beau fruit du Dernier Arcane : rendre à l’âme contemporaine la mémoire du sacré, rappeler que l’univers n’est pas à comprendre mais à contempler, et que toute vie, si humble soit-elle, participe de la grande symphonie du vivant. Dans ce texte, la transmutation alchimique n’est pas chimère : elle est chemin d’humanité. Et c’est à ce passage, de l’obscurité à la conscience, que Michel Auzas-Mille, peintre des symboles et compagnon d’Hermès, nous convie avec une ferveur qui réenchante la pensée.

Le dernier arcane – Les Compagnons d’Horus-Conte hermétique
Michel Auzas-Mille – Éd. L.O.L., coll. Mystères Initiatiques, 152 pages, 15,50 €
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