sam 18 octobre 2025 - 16:10

Le processus d’individuation en 6 étapes de Carl Gustav Jung : (6/6) « Dialectique du moi et de l’inconscient archétypal »

Dans la précédente étape du processus d’inviduation, l’amour humain et l’amour cosmique se jouent des tours, déclenchant « tour à tour » les retrouvailles et la séparation d’Orphée et d’Eurydice. L’amour humain déclenche la descente d’Orphée vers Eurydice, captive de la nuit du subconscient, mais c’est l’amour cosmique qui fixe les règles de leur remontée vers la lumière du jour, dans une dimension où tout est absolu et rien n’est relatif, où l’élan initial ne supporte aucun retour en arrière. C’est ainsi qu’en se retournant vers Eurydice, Orphée transgresse cette règle et brise le lien d’amour cosmique qui les reliait absolument.

Le Pontife de Cadmée, 56è degré de la Maçonnerie égyptienne illustrant cette sixième et dernière étape du processus d’individuation, s’applique à revivifier ce lien « numineux » d’amour à la fois humain et cosmique, et déclenche par ailleurs des élans d’allégresse insoupçonnables par la raison. Car ces bonnes ondes sont insaisissables par les pensées conceptuelles qui demeurent muettes et « interdites » devant les récits de ces déferlements inqualifiables de bonnes ondes de joie et les tiennent sous silence.

Cette étape de la « dialectique du moi et de l’inconscient » anime désormais de manière équilibrée l’être binaire qui se reconnaît et s’accepte comme tel. Cette nature binaire se manifeste à tous les niveaux de la vie physique, mentale, et spirituelle, et la dialectique du moi et de l’inconscient sert de révélateur aux autres dialectiques et aux couples de forces matérielles et spirituelles à l’œuvre en permanence dans tous les domaines de l’existence. Tous les systèmes qui régulent les équilibres du corps, comme les systèmes nerveux et endocriniens, sont binaires, de même que les champs électromagnétiques de nos corps subtils évoluant dans l’espace et le temps, la matière et l’énergie…, jusqu’au premier de tous révélé dans l’Évangile de Thomas : « … Quel est le signe de votre Père qui est en vous ? Dites- leur : c’est un mouvement et un repos. »

Mais la finalisation de l’œuvre d’individuation, qui est une fin « en Soi », ne signe pas la fin du développement et de l’épanouissement spirituel, car cette nature binaire est appelée à déployer ses ailes et à transporter l’être au-delà de soi-même dans des champs de conscience inimaginables qui surgissent en soi-même comme par enchantement. Le Pontife de Cadmée incarne cette métamorphose des initié(e)s vécue avec allégresse, qui fait jaillir de leurs deux chakras du « plexus solaire » et du « cœur » une source de joie pleine d’énergie redonnant à chaque instant des couleurs et du sens à la vie.

Sous ce prisme perceptif surdéveloppé, chaque perception pare de couleurs étonnantes le sens donné à l’existence à chaque instant, ce qui bouleverse les pensées en noir et blanc stockées en mémoire, et a fortiori les pensées grisâtres des académies du savoir. Tous les objets de pensées qui naissent en soi-même ou loin de soi sont saisis à présent globalement et intégralement, avant d’être dissociés en particules élémentaires et digérés comme une nourriture par les fonctions primaires de la psyché définis par C.G. Jung :

la sensation, l’intuition, le sentiment, et la pensée.

Dans ces états de conscience revivifiés, l’intuition qui désigne une fonction psychique se métamorphose en verbe d’action de la conscience qui « intuitive » tout globalement. Cette saisie globale préalable à toute analyse est déclenchée par l’intégration harmonieuse en conscience de toutes les informations émanant de soi et du monde environnant, réalisée par les deux moitiés de l’être dont les natures contraires sont à présent alliées et démultiplient la puissance des quatre fonctions primaires de la psyché.

Cette alliance androgyne, évoquée et célébrée dans les étapes précédentes du processus d’individuation, est à présent à l’œuvre comme une fonction supplémentaire rassemblant les moitiés de soi-même qui auparavant se tournaient le dos. Le corps et l’esprit, le masculin et le féminin, entrecroisent à présent spontanément leurs vertus complémentaires pour donner naissance à une troisième nature parée des vertus de ses géniteurs, et surtout dotée de vertus propres mises en œuvre par les Mages au 57è, par les Brahmanes au 58è, et par les Pontifes au 59è degré de la Maçonnerie égyptienne.

Gottfried Wilhelm von Leibniz

Le corps et l’esprit se nourrissent mutuellement car, selon Leibniz, l’esprit n’est pas supérieur au corps, ni le corps supérieur à l’esprit, ils sont parallèles l’un à l’autre verticalement, ce qui renverse la pensée religieuse traditionnelle où la morale est une entreprise de domination du corps par l’esprit. La pensée doit juste replacer l’esprit et le corps l’un en face de l’autre, et l’être pensant face à lui-même en son intégralité, ce qui lui permet désormais de se connaître et se rectifier de soi-même comme tous les Maçonnes et Maçons, physiquement, mentalement, et spirituellement, sans devoir au préalable en référer à une autorité morale supérieure.

Le Pontife de Cadmée sait jouer comme un musicien ou un yogi hindouiste de ces deux cordes corporelle et spirituelle et les fait vibrer, leurs notes jaillissant indépendamment les unes des autres tout en étant en phase, les événements physiques et psychiques constituant, selon Leibniz, deux séries causales parallèles qui tendent à faire correspondre leurs effets en vertu d’une « harmonie préétablie ». Ainsi Cadmée (dérivé latin du grec ancien Kadmos, Κάδμος, Cadmos), personnage central du 56è degré de la Maçonnerie égyptienne, est marié dans la mythologie grecque à la déesse Harmonie, fille de Hadès et d’Aphrodite, dans un drame sacré célébré à Samothrace (50è degré).

Cadmée

Cadmée est Pontife en ce qu’il relie comme un pont les mystères célébrés à Samothrace (50è degré) et à Éleusis (62è et 69è). Mais il est beaucoup plus qu’un intermédiaire fonctionnel entre deux étapes du processus initiatique, car il porte le titre souverain de Pontife repris par les Papes catholiques pour se désigner comme autorité suprême en matière de rites et de religion. Il incarne ce qui relie à l’essence religieuse et spirituelle de l’existence, et à la racine latine « relegio » du mot religion, lui-même « relié » selon les auteurs à « relego, relegere » (rassembler de nouveau, recueillir de nouveau), ou à « religo, religare » (lier, attacher). En somme, il est ce qui relie à nouveau, comme un processus cyclique qui se renouvelle semblable à l’Ouroboros, le serpent-dragon qui se mord la queue des degrés précédents.

Cadmée se délivre également de ce processus cyclique en tuant le dragon, comme le relate la mythologie grecque. Il peut alors consacrer son énergie à devenir soi-même, en découvrant les yeux grands ouverts ce que la vie lui réserve et ce qu’il en fera en toute conscience. Ces yeux sont ceux des statues égyptiennes et grecques, les yeux des scribes égyptiens assis en lotus, ouverts sur un univers intérieur en mouvement plein de voies offertes aux êtres en recherche. En alchimie, le dragon est de nature double et veille à la porte du Jardin des Hespérides, et « tuer le dragon » signifie le faire disparaître quand sa nature double se résoud en une seule. Alors, « la porte du Jardin est ouverte, et on peut y cueillir sans crainte les pommes d’or, comme l’expliquent les livres des vrais Philosophes Spagyriques. » (Dom Pernety, Dictionnaire Mytho-Hermétique)

Les grecs attribuent à Cadmus l’introduction en Grèce de l’alphabet phénicien, ancêtre des alphabets grec et latin, copte et syrillique en Égypte. Le 56è degré symbolise par cet évènement la transformation du substantif « introduction » en verbe « introduire », une conversion grammaticale de mot-substantif en mot-verbe qui traduit l’animation de l’être pensant au moment où sa pensée passe du repos au mouvement. Le corps et l’esprit, représentés par un substantif et un verbe, sont ici aussi debout l’un en face de l’autre comme le souligne l’étymologie du mot « substantif », du latin « substantia » substance, de « substare » être dessous, composé du préfixe latin « sub, sous » et du verbe latin « stare, être debout, se dresser ».

Les substantifs et les verbes s’apparentent ainsi par paires où ils s’affirment les uns par les autres. Les verbes propulsent les substantifs dans l’action, et en retour les substantifs recentrent les verbes sur leurs racines, permettant à l’un et à l’autre de rester attachés à leur raison d’être commune, d’éviter de se disperser et perdre leur énergie par des réflexions et des actions « hors-sujet », préservant à la fois l’efficience du choix d’un substantif dans une pensée et l’efficacité du verbe en action qui lui est apparenté. La « verbalisation » est ainsi une expression verbale où le choix des mots et leur mode d’expression sont les plus efficients et efficaces, les Maçons et Maçonnes Apprenti(e)s en faisant l’expérience dans le silence pour apprendre à « se verbaliser » soi-même et se tenir debout physiquement, moralement, mentalement, et spirituellement.

Ils s’appuient à des degrés ultérieurs sur cette discipline pour « verbaliser » avec cœur et raison sur tous les sujets, jusqu’à laisser surgir d’eux-mêmes leurs émotions et les laisser filtrer à l’extérieur. Cette « catharsis » (du grec κάθαρσις, katharsis, purification) permanente effectuée par l’expression intégrale de soi-même, développe la soif de connaître et transforme en outils de perfectionnement les connaissances puisées en orient et en occident, tout en s’inspirant de la structure du nombre 56 du degré lui-même.

Car (56 = 23 x 7) est le produit de la structure binaire active des initié(e)s et des éléments groupés par 7 dans tous les domaines de la Nature évoqués dans les degrés précédents, notamment les sept chakras et leurs mantras-sons, autre forme de verbalisation, et les sept glandes endocrines aux rôles complémentaires maintenant l’équilibre de l’être aux trois niveaux matériel, mental, et spirituel.

Cadmus en action est symbolisé dans cette équation par le signe « x« , symbole du croisement par les Pharaons du sceptre Héqa et du flagellum Nekhekh, les bras croisés sur la poitrine.

Les six degrés de la Maçonnerie égyptienne (51è au 56è) illustrant les six étapes du processus d’individuation sont extraits des 60 degrés (34è au 93è) développés dans le livre Méditations du Sphinx de Patrick Carré, Éditions GAMAYUN)

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Patrick Carré
Patrick Carré
Patrick Carré est un poète, philosophe et franc-maçon français, connu pour son œuvre mêlant littérature, spiritualité et symbolisme maçonnique. Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, passé membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, il est à présent à l'OIAPMM (Ordre Initiatique Ancien et Primitif de Memphis Misraïm) membre de la Loge de recherche Imhotep à l'Orient de Nice, Souverain Grand Inspecteur Général (33è degré), et Sublime Prince de la Maçonnerie, Grand Régulateur Général de l'Ordre (87è degré).. Son travail explore l’initiation traditionnelle et la quête spirituelle, notamment à travers des poèmes et textes philosophiques. En 2023, il publie L’épopée alchimique des Maçons et Maçonnes (LiberFaber, 228 pages, 25 €), un recueil de plus de 1000 vers qui retrace les degrés maçonniques du premier au dix-huitième, accompagné d’un CD de textes lus et mis en musique par Gérard Berliner. Patrick Carré a également écrit d’autres ouvrages maçonniques, comme Francs-Maçons Alchimistes et Nous sommes tous androgynes, enrichis de contenus multimédias sur le tarot (chaîne youtube Le Tarot de la Renaissance, 12h de vidéos et 800 illustrations). Son œuvre met en lumière les liens entre franc-maçonnerie et alchimie, célébrant la transformation personnelle et spirituelle. Il fut Itinérant en 1980 durant 6 mois à l'Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis, et Potier tourneur 5 ans dans une poterie artisanale et Artisan créateur indépendant.

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