Une des impasses du wokisme …
Il ne s’agit pas ici de critiquer les mouvements d’émancipation regroupés dans le mouvement woke, encore bien moins de contester la légitimité de leur démarche visant à revendiquer le respect et l’égalité des droits, pas davantage d’ignorer l’éclairage qu’ont pu apporter les études de genre sur la manière dont se construisent les discriminations, et non plus de porter un regard critique sur les personnes qui vivent des parcours de vie particulièrement difficiles comme la transition de genre.

Il s’agit de mettre en question une idéologie, un “isme” qui, au nom de la critique de stéréotypes, voudrait en imposer d’autres, et de voir comment certaines prises de positions dogmatiques font pour tenter de s’imposer.
Deux exemples : 1 Le livre de Judith Butler “Trouble dans le genre”, paru en 1990, qui est une des références obligées de la pensée woke, telle qu’elle nous arrive des USA. 2 L’exemple de la notice biographique de Mae Martin, artiste, scénariste, “personnalité canadienne non binaire”.

Dans Trouble dans le Genre, Judith Butler se propose de déconstruire les notions de sexe et de genre. Le genre c’est l’ensemble des caractéristiques socioculturelles qu’on attribue, soit aux hommes, soit aux femmes. Ce sont donc des patterns très différents d’une culture à l’autre, d’une époque à l’autre et même d’une sous-culture à l’autre. Le genre est fait de manières de s’habiller, de se coiffer, de se comporter et aussi des attitudes attendues de l’un et de l’autre sexe. Le mot “sexe” (selon le petit Robert né en 2013) désigne aussi bien les organes sexuels, les pratiques amoureuses, que “l’ensemble des hommes ou des femmes” ou les caractéristiques qui permettent de les distinguer. Il n’ y a pas de sexe en grammaire, même si les débats sur “l’écriture inclusive” semblent le suggérer. Mais il y a un genre, et ce genre est grammatical, il n’est pas sexué. Une table n’est pas une fille et un tabouret n’est pas un garçon.
Mélanger le genre et le sexe n’apporte rien de bon.

Tous les caractères qui définissent le genre sont des construits sociaux et culturels. En effet, comme le montrent les études de genre, ils ont tendance à conditionner les individus, à les faire entrer dans des modèles avec lesquels tout le monde n’est pas nécessairement à l’aise. Mais Judith Butler va plus loin. Elle affirme que la notion de sexe elle-même est un construit social et culturel. Et si c’est un construit, on peut le contester, on peut le déconstruire. Elle considère que l’identité sexuelle, ou identité de genre, se construit de manière “performative”, c’est-à-dire que c’est en l’expérimentant qu’on le construit. En me comportant comme un homme, je deviens un homme, en me comportant comme une femme je deviens une femme. Bref, si je m’affranchis des modèles imposés, je peux m’inventer moi-même comme je veux. Rien du sexe ou du genre n’existe en vrai, tout est “construit”. Ce formidable tour de passe-passe intellectuel vise sans en avoir l’air à nier le réel dans ce qu’il a de plus brut. Le réel, c’est ce qui résiste à mon fantasme de toute puissance. Oui le genre est un construit social. Oui la notion de sexe est un construit culturel. Mais pour autant il y a bien du réel derrière tout ça.

« On ne naît pas femme on le devient », disait Beauvoir. On le naît un peu quand même. Dès la conception, on est chromosome XY ou bien chromosome XX. Ce sont les caractères sexuels primaires. Garçon ou fille? A la naissance, on le détermine en général avec des organes sexuels masculins ou féminins, ce n’est pas un “construit”, c’est un “donné”, les organes sexuels sont les caractères sexuels secondaires. En découlent les caractères sexuels tertiaires qui sont physiques mais pas directement “sexuels” comme la musculature, la taille, la pilosité, la voix, etc. Autant d’attributs sur lesquels on peut agir par la médecine et la chirurgie, pour les transformer sans pour autant en changer la nature. C’est bien le problème des personnes transgenres. Quelqu’un qui est né homme puis est devenu femme continuera d’avoir jusqu’à la fin de ses jours des problèmes de santé liés à son identité masculine de départ : vieillissement, alopécie, risque de cancer du colon, de la prostate. On ne peut rien y changer. Freud disait : le destin, c’est la biologie. On n’échappe pas à sa biologie, parce que c’est le réel. Même si on peut jouer avec, dans une certaine mesure.
Judith Butler en arrive à nier le réel pour défendre une idéologie revendicatrice. Ce faisant, elle organise un brouillage des normes, des codes, des caractères qui servent à distinguer le masculin du féminin et, sous prétexte d’émancipation, elle rend le réel illisible. C’est une chose de jouer avec les codes, de créer des personnalités androgynes, unisexes, gender-fluids, c’est une autre chose d’affirmer que les codes n’existent pas. J’accepte volontiers qu’on utilise le pronom iel pour désigner des personnes qui se situent entre deux sexes, mais je ne veux en aucun cas qu’on me l’applique à moi qui ne me sens pas du tout dé-genré. Faut-il en arriver à falsifier le réel pour lui imposer une autre réalité ?

Le deuxième exemple concerne l’artiste Mae Martin, originaire du Canada. On sait que son âge est de 38 ans. Que ses débuts sont passés par le stand-up, puis par des séries TV à succès comme Outsider en 2016, et plus récemment en 2025, par la série Indociles, assurant à la fois le rôle principal d’Alex Dempsey et la réalisation. Et là, le lecteur est en train de se dire : “ça m’énerve, je n’arrive pas à savoir en lisant ces lignes si c’est un homme ou une femme. C’est que Mae Martin se définit justement comme une “personnalité bisexuelle” et “non-binaire”. Ce que pourquoi-pas. Et bizarrement sa notice biographique publiée par Wikipédia joue le jeu.
Toute la rédaction en sorte d’éviter tout genre grammatical. La plupart des phrases commencent par “Mae Martin” : “Mae Martin est une personnalité canadienne”, “Mae Martin naît le 2 mai 1987 à Toronto”, “Mae Martin commence sa carrière au Canada”… Jamais le rédacteur n’emploie le pronom personnel “il” ou “elle”, qui aurait pu vendre la mêche. Jamais non plus il n’utilise d’adjectif qualificatif qu’il aurait fallu accorder en genre. Le texte est entièrement toiletté de telle manière qu’aucun genre ne soit détectable. Conformément sans doute à la volonté de la personne dont il est question. Comme le font les cabinets de e-réputation quand ils sont chargés de contrôler l’image de leurs clients et qu’ils font modifier ou retirer jusqu’à la moindre virgule, sous menace de poursuites. Mais est-ce le rôle de la communauté encyclopédique de Wikipédia de céder à ces injonctions ou de laisser se développer des écrits qui à ce point là travestissent la réalité? Car Mae Martin a bien dû naître garçon ou fille, l’un ou l’autre. Puis a bien dû connaître un parcours où elle s’est installée dans cette identité non-binaire et a réussi à la faire accepter aux autres. Les choses ne sont pas allées de soi. Mae Martin n’est pas née non-binaire. Faut-il falsifier le réel pour lui faire dire ce qu’on a envie d’entendre ?

Quelle que soit l’identité sexuée que je me construise, elle est la résultante d’un compromis.Le psychanalyste Donald Winnicott parle d’un processus en “trouvé-créé”. La biologie c’est ce que je trouve à ma naissance, et le “créé” c’est ce que j’en fais. Je ne m’invente pas moi-même en totalité. Je suis ce que je suis à la naissance (mon phénotype), + ce que le désir de l’Autre voudrait que je sois, + ce que le réel m’a fait en me cognant dessus pour m’obliger à le prendre en compte, + les expériences de vie que j’ai rencontrées, + mon propre désir qui s’est construit à travers tout ce parcours, en variant au cours du temps et de mes expériences.

La résultante de tout cela, c’est moi à l’instant présent, et cela continuera de changer jusqu’à la fin. Je suis fait d’une grande partie de ce que je ne peux pas changer, d’une partie de ce que les autres ont fait de moi, et d’une partie aussi de ce que j’ai moi-même fait de moi. Et je ne suis pas seulement celui que je vois dans la glace, je suis aussi celui que les autres voient « mes FF et SS me reconnaissent comme tel ». Si je suis seul à me reconnaître, je suis sans doute fou. C’est pourquoi les personnes en recherche d’identité sexuée ont besoin d’une communauté pour se conforter.

S’il y en a qui sont bien placés pour appréhender cette construction complexe de l’identité, ce sont bien les francs- maçons qui ont accepté que le “vieil homme” meure pour que “l’homme nouveau” puisse advenir, mais qui n’ont pas effacé ni falsifié ce qu’ils étaient et qui ne prétendent pas non plus qu’ils peuvent se faire tout seuls. Et qui cherchent pas à falsifier le réel, parce qu’ils passent par le symbolique.
Ce qui semble préoccupant, à travers ces deux exemples, ce n’est pas tant le parcours individuel de deux personnalités singulières en construction de leur identité, c’est la volonté de dénier l’ordre du réel, et c’est la volonté d’imposer au collectif un schéma singulier qui serait une nouvelle norme. Renversement des normes, tentative de prise de pouvoir de la minorité sur la majorité pour établir de nouvelles normes. Et plus préoccupant encore : la réaction du collectif quand il accepte de se soumettre.

Merci pour ce texte très pensé, mesuré et réaliste; il y a en effet un donné, le bilogique avec un réel qui cogne (Lacan); le wokisme est une idéologie qui clive et divise à l’encontre de l’universalisme maçonnique. Quant aux personnes qui se ressentent d’un troisième genre rien de nouveau sous les soleil avec le transsexualissme d’un chevalier d’Eon.
Maia je pense que les progrès de la médecine font que le réel biologique peut être transgressé au point que mon désir (mon caprice?) devienne néo-réalité. Pourquoi pas? Mais jusqu’où serait-il possible d’aller alors? J’avoue ressentir un certain malaise face à des dérives possibles où le trarnshumanisme rejoint les chimères de la scienc voire la tératologie.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Bonjour Gil. En effet la question est de savoir quand on est encore dans un jeu sur les codes (ce qui a toujours existé) ou bien quand on est entré dans un piège dont on ne peut plus sortir (caractère irréversible des actes chirurgicaux). C’est pourquoi les parcours de transition doivent être conduits avec une infinie précaution et uniquement avec les personnes qui sont réellement concernées. Notre société joue un jeu dangereux en encourageant le fantasme de toute-puissance : je peux m’inventer moi-même comme je veux, et il n’y a aucune limite ». il y a toujours une limite : le réel.
Accepter la différence des autres commence par s’accepter soi-même…
C’est bien la le travail de toute notre vie…
Ouvrez des portes mes frères, la peur n’est qu’un sentiment naturel de méconnaissance, alors d’un pas sage allez vers la lumière…
Tous les « ismes » sont dangereux lorsqu’ils veulent imposer leur idéologie et cela fini par se retourner contre eux même.
Il y a une différence (je schématise bien sur) entre accepter pleinement une personne, qu’elle soit il, elle, iel, ou autre, et le fait que cette personne veuille imposer sa vision des choses à l’humanité.
On a l’exemple aux US où cela a détruit des compagnies entières d’avoir voulu « jouer » là dessus (même si on sait la vision d’une partie des US).
En France on a l’écologie qui sur le même modèle est devenue tellement extrème qu’elle a fait fuir une grande partie de ses sympathisants modérés …
Bonjour Templar. En feffet. Sans compter que plus le discours militant se radicalise, plus il sort de sa « communauté » d’origine pour tenter de s’imposer à tous, plus il déclenche d’hostilité violente contre lui. ce qui explique l’agressivité des contre-mouvements Maga et masculinistes contre les LGBTIQ plus. “Explique” en partie, mais n’excuse pas.
Mon TCF,
Je viens de lire avec attention votre texte ci-dessus, dont l’analyse me fait comprendre comment vous-même vous pensez, et ce que vous pensez (vous l’exprimez très clairement), mais, contrairement à ce que vous écrivez, vos écrits n’exposent pas que des faits, mais un parti-pris (auquel vous avez bien sûr tout à fait droit), bien éloigné de la « vérité scientifique », et extrêmement dogmatique, donc choquant pour moi chez un Franc-Maçon particulièrement.
En effet, nous ne sommes pas, nous les humains, seulement soit hommes, portant une vingt-troisième paire de chromosomes XY, soit femmes, porteuses d’une vingt-troisième paire de chromosomes XX ; je m’explique : il existe de nombreuses « aberrations chromosomiques » concernant cette vingt-troisième paire, ce qui signifie qu’il existe une proportion réelle et chiffrable d’individus humains, et tout autant humains que les « XY » ou les « XX », qui ont un génotype différent, et peuvent avoir un phénotype (schématiquement, l’apparence corporelle que les autres voient) masculin, ou féminin, ou ambigu, selon des critères plus culturels que anatomiques. Donc, selon vos critères, ce ne sont ni des « hommes », ni des « femmes »…
Et votre description me semble bien manichéenne, schématique, partiale, et donc fausse.
Ce qui m’amuse (d’une certaine façon), car dans des Obédiences au recrutement strictement « masculin », la simple statistique (et connaissance de la génétique) scientifique montre qu’il doit y avoir un pourcentage « non négligeable », de dizaines ou centaines de « Frères » (selon le nombre de membres de l’Obédience), qui ne sont , génétiquement parlant, et selon votre critère (chromosome XY), pas des hommes ! Et réciproquement dans des Obédiences au recrutement « strictement féminin ».
Par ailleurs, il est bien certain aussi que tous, et toutes, en tant qu’humains, nous avons une part de masculin ET une part de féminin (pour reprendre des acceptions « classiques ») en nous, psychologiquement et mentalement parlant, quel que soit le sexe noté sur notre état civil, et/ou quels que soient les chromosomes de notre vingt-troisième paire (XY ou XX, ou autre).
Par ailleurs, il est de plus en plus démontré, et évident, que notre fonctionnement psychique, et relationnel avec les autres ou avec nous-mêmes, dépend beaucoup plus de l’éducation que nous avons reçue, et du milieu culturel dans lequel nous avons évolué dans notre jeunesse, et continuons dans la vie, que de ce qui est inscrit comme « sexe » sur notre état civil.
Par ailleurs, je ne vois pas du tout où peut être le problème (pour les autres…, à moins d’un niveau de tolérance et d’acceptation bien bas !) lorsqu’un individu, quelle que soit son apparence première, se sent mieux dans sa tête (et dans son corps) en changeant de genre.
J’ai ressenti un côté « caporal », puisque vous utilisez ce terme, et un côté intolérant, et bien plus encore, une vraie erreur scientifique, dans le texte que vous avez écrit ci-dessus.
Pour information, je suis dans une Obédience « masculine », depuis plus de quarante-trois années, et par ailleurs médecin.
Fraternellement vôtre,
Jérôme Lefrançois
Mon très cher frère qui lisez dans mes pensées des choses qui n’y ont jamais été. On trouve bien dans un texte ce qu’on a envie d’ y mettre. Par exemple je n’ai jamais émis de jugement moral sur les personnes, surtout pas moi qui milite avec les mouvements LGBTIQ depuis 1976. Mon propos est de montrer comment pour défendre une position militante, on en arrive à falsifier le réel pour se donner raison. Le wokisme est passé d’un éveil de conscience à une phase d’études de genres, puis à une phase militante, et enfin (pour une partie de lui) à une doxa qui tend à imposer sa vision du monde à tous, bien qu’ultra minoritaire, même au sein du mouvement LGBTI. C’est ce que montre d’ailleurs Jean-François Braunstein dans : “la religion woke”.
“Il y a deux sexes” comme l’écrit Antoinette Fouque, psychanalyste, fondatrice du MLF. J’ai fait appel à un modèle de construction de l’identité sexuelle basé sur 4 types de caractères sexuels pour distinguer justement ce qui relève du genre sans nier ce qui relève du sexe. La différence est fondée génétiquement, physiologiquement, psychologiquement, anthropologiquement. S’il y a des erreurs scientifiques dans ce texte dans l’un de ces quatre domaines, il va falloir me dire où ? Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a rien entre les deux pôles bien au contraire. C’est à partir de ces deux sexes que peuvent se construire toutes les identités intermédiaires ou hybridées, mais le pavé mosaïque n’est pas fait de nuances de gris, il est fait de carreaux noirs et blancs et c’est avec des carreaux qu’on construit toutes les nuances de gris. C’est avec les règles qu’on fait des exceptions et pas l’inverse. Qu’en pensez-vous ?
Sans vouloir stigmatiser ce mouvement en pleine expansion, je me dois de rappeler aux défenseurs du respect de l’égalité des droits et des Libertés individuelles que les lois cosmiques existent bel et bien et régissent l’ensemble de la création , et aucune falsification ou déformation n’est possible.
Le Réel est ce qui est et sera, c’est l’immuable et aucune contrefaçon ne viendra perturber l’ordre des choses.
Avant de se permettre quelque action, revenons toujours à la Source de Vie éternelle au risque d’opposer un déni au Principe Créateur de toute chose.
Très respectueusement…
Merci, Pierre, pour ce texte net, argumenté, salubre.
Tu dis avec mesure ce que l’époque n’aime plus entendre : aucune cause, si légitime soit-elle, ne gagne à maquiller le réel. Le wokisme, lorsqu’il devient idéologie, remplace une grammaire du monde par une police du langage, érige la performativité en absolu et transforme le débat en orthodoxie. On finit par confondre l’attention aux personnes avec l’effacement des repères, la délicatesse avec la censure, la nuance avec la faute morale.
Oui, les discriminations existent et doivent être combattues. Oui, les trajectoires individuelles exigent respect et délicatesse. Mais non, on n’émancipe pas en décrétant que les faits sont négociables. Le réel résiste : il n’est ni une injure ni un verdict, il est ce socle sur lequel la liberté se dresse.
Quand une minorité prétend imposer son lexique comme nouvelle norme universelle, elle substitue un dogme à un autre et fabrique du ressentiment plutôt que du commun.
Ton rappel est précieux : l’identité se tisse entre ce que l’on trouve et ce que l’on crée, entre le donné et l’œuvre. La juste voie n’est ni la brutalité des stéréotypes ni l’illusion performative qui dissout tout. Elle est un art des limites : reconnaître les faits, accueillir les personnes, refuser les intimidations et les réécritures moralisatrices.
La liberté n’a pas besoin de caporaux – du genre un nouveau grand maître qui, par faiblesse, pète du galon – ; elle a besoin de courage – et de courageux avec une autorité toute naturelle – , de vérité et de symboles partagés.
Merci d’y contribuer, à ta manière, avec clarté.
TAF