mer 15 octobre 2025 - 19:10

Les deux visages du désir maçonnique : « Renaissance et Performance ! »

Tout mouvement sociétal est sous tendu par un désir ! Il peut s’agir de Réforme, d’Amour, de Foi ou de Découverte ou d’autres valeurs . L’histoire de la Franc-maçonnerie nous enseigne qu’en ce qui nous concerne une ambiguïté existe. La Franc-maçonnerie anglaise du début du XVIIIe siècle est assurément imprégnée de désir de convivialité et de recherche du lien social dans ce que l’on pourrait appeler un besoin de performance morale pour retrouver la paix sociale dans le contexte de la querelle des sectes.

La Franc-maçonnerie du XIXe siècle avec la pensée écossaise et ses deux rituels principaux, le REAA et le RER, et aussi sous l’influence de Jean-Marie Ragon (1781-1862) et de Oswald Wirth (1860 – 1943) a replacé l’ésotérisme de la Renaissance au premier plan.

I. Le désir de Renaissance — la soif d’être plus

Au cœur du parcours initiatique, le désir de renaissance est un appel intérieur : celui de se transformer sans se trahir, de mourir à l’ignorance pour naître à la conscience. C’est le désir ontologique, celui qui pousse à devenir plutôt qu’à paraître. Ce désir cherche à répondre à la question existentielle de notre devenir. Il s’exprime dans les symboles de la mort initiatique, de la lumière retrouvée, de l’acacia qui reverdit.

Il vise la transfiguration intérieure, non la réussite sociale.

Le maçon, dans cette voie, cherche à renaître à lui-même, c’est-à-dire à sortir du personnage pour rencontrer l’être. Cette renaissance n’est pas spectaculaire : elle est lente, silencieuse, fraternelle. C’est la victoire de la vérité vécue sur la simple posture morale.

« Se réformer soi-même, voilà l’œuvre véritable. » — Inspiré de Pindare et repris dans plusieurs rituels maçonniques

Le désir de renaissance est un désir vertical, ascendant : il relie le bas et le haut, la pierre brute et le temple achevé. C’est le souffle mystique du travail initiatique.

II. Le désir de Performance — la tentation du faire

Mais à côté de cette aspiration intime s’est glissé un autre désir, plus moderne : le désir de performance. Il naît de la volonté légitime d’être efficace, de réussir dans ses actions, ses projets, sa loge, sa vie profane.

La Franc-maçonnerie, longtemps société de pensée, s’inscrit désormais dans une culture du résultat et du visible.

Ce désir cherche à répondre à l’imperfection des sociétés humaines et en particulier à l’injustice qui y règne. Il a deux visages :

  • Le Positif : il structure, dynamise, incite à l’excellence. Il pousse à rendre la loge vivante, la parole claire, l’action utile. Il nécessite une expertise.
  • Le Négatif : il peut se muer en ego initiatique, en quête de grade, de reconnaissance, de supériorité symbolique. C’est classiquement la dérive obédientielle.

Quand le rituel devient performance, quand le discours maçonnique se mesure à l’applaudimètre, l’esprit du Temple se vide de son souffle.

Le danger n’est pas la compétence, mais la confusion entre perfection et performance. La première est une exigence intérieure ; la seconde, une tentation extérieure.

« Là où l’homme cherche à briller, il cesse d’éclairer. »

Maxime apocryphe maçonnique

III. L’alchimie du désir : unir l’être et le faire

Pour que la Franc-maçonnerie demeure une école vivante et non un théâtre de symboles, il faut réconcilier ces deux désirs.

  • Le désir de renaissance sans le faire s’épuise dans la rêverie.
  • Le désir de performance sans l’être devient vanité.

Le travail maçonnique consiste à faire du faire un être, à transformer l’action en geste conscient, la réussite en service, la perfection formelle en profondeur vécue. Dans cette perspective, la performance devient une renaissance incarnée : elle n’est plus un objectif mais une conséquence naturelle de la clarté intérieure.

Ainsi, chaque frère, chaque sœur peut devenir instrument de résonance entre ces deux polarités :

  • la renaissance (axe vertical de sens),
  • la performance (axe horizontal d’efficacité).

C’est leur croisement — la croix initiatique — qui donne naissance à la vraie œuvre.

IV. Pour conclure

Le désir maçonnique, avec ses deux visages, ne devrait pas être un objet de conflit mais une spécificité valorisante. La Renaissance répond au besoin d’authenticité ; la Performance, à celui d’utilité. L’une donne le souffle, l’autre la forme. L’initié qui agit sans oublier d’être, et qui est sans renoncer à agir, accomplit la seule performance qui vaille : renaître au réel sans le dominer.

Malheureusement aujourd’hui ces deux désirs alimentent une polémique et une compétition malsaine sous prétexte des dérives qui ont pu se manifester. On voit bien qu’aujourd’hui ce désir ambivalent et exigeant n’a pas de traduction organisationnelle ! C’est le drame de la franc-maçonnerie : Le Verbe n’est pas porté !

Aujourd’hui que nous soyons, une sœur ou un frère, à Paris ou à Bangkok, à Los Angeles ou à Cotonou, nous nous retrouvons dans la solitude de la loge pour prendre en compte cette dialectique et être capable d’en tirer le meilleur.

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Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre d'une loge du GODF à l'orient de Vichy Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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