mar 14 octobre 2025 - 08:10

Le Réel : le souci des « Rencontres Ecossaises 2025 »

Reportage : Claude Lucène

Dans un monde où la réalité semble se dissoudre entre écrans et illusions, les 41e Rencontres Écossaises ont choisi de plonger au cœur du « Réel ». Cette manifestation a réuni près de 600 participants au Centre de Congrès Jean Monnier d’Angers, les 11 et 12 octobre derniers. Organisée par le Suprême Conseil pour la France du Rite Écossais Ancien et Accepté (SCPLF-REAA), cette manifestation annuelle, née en 1984, continue d’incarner un espace unique d’échanges spirituels, philosophiques et ésotériques.

Sans distinction d’obédience, de juridiction ou de genre, elle rassemble francs-maçons, chercheurs et curieux autour d’une quête commune : démêler le tangible du subtil, le mesurable de l’insaisissable.

Samedi : entre poésie, philosophie et rigueur scientifique

Photographie de Bertrand Vergely lors du congrès « soigner l’Homme sauver la Terre » à Aix-les-bains » (Crédit image : Nicolas Abraham)

La journée s’est ouverte sur un accueil courtois de Gérard Audouin, président du SCPLF, qui a posé les bases d’un week-end enrichissant. Premier intervenant, le philosophe Bertrand Vergely – habitué des lieux et complice d’un public friand de ses envolées lyriques – a exploré le « Réel au Réellement Réel ». Avec verve et poésie, il a disséqué la perception humaine, refusant de voir dans le réel un adversaire « méchant ». Pour Vergely, la réalité n’est pas une prison, mais une invitation à l’émerveillement, une danse entre le visible et l’invisible qui élève l’âme sans la figer dans le dogme. Son intervention, rythmée d’anecdotes et de métaphores, a captivé l’assemblée, rappelant pourquoi il est l’un des piliers intellectuels de ces Rencontres.

Patrick Peter, physicien

Le contraste n’aurait pu être plus frappant avec Patrick Peter, physicien et ancien directeur de l’Institut d’Astrophysique de Paris, qui a succédé au philosophe. Pas d’envolées lyriques ici, mais une démonstration implacable : pour la science, depuis Galilée, le réel est objectif, forgé par l’observation, l’expérimentation et la modélisation.

« Le réel scientifique, c’est le monde tel qu’il fonctionne, non tel qu’on le ressent »

a-t-il martelé avec humour et empathie. L’expérience, reproductible et mesurable, nous rapproche du réel sans jamais l’atteindre pleinement – d’où l’importance des conditions précises et des instruments. Quant à la mécanique quantique, elle bouleverse tout : plus de « ou » binaire, mais un « et » entrelacé, où particule et onde coexistent. Patrick Peter, avec son bagage de chercheur au CNRS, a maintenu cette rigueur tout au long de la journée, répondant aux questions d’un public fasciné par les galaxies et l’univers primordial, tout en tempérant les ardeurs avec une pointe d’ironie bien dosée.

Françoise Michaud, du Suprême Conseil Féminin de France – partenaire fidèle des Rencontres depuis plusieurs années –, a apporté une touche introspective. Pour elle, la prise de conscience du réel passe par un regard attentif, silencieux et respectueux : un regard intérieur, profond, désintéressé.

« Une contemplation pour se fondre dans la présence du réel, toujours imprévisible et neuf »

a-t-elle décrit. Cette approche, ancrée dans la tradition écossaise, invite à une fusion entre sujet et objet, loin des certitudes rigides.

L’après-midi a marqué un temps fort avec la 4e édition du Prix littéraire des Rencontres Écossaises, fondé par le SCPLF en partenariat avec le site La Griffe. Après une sélection rigoureuse parmi des ouvrages publiés entre avril 2024 et mars 2025 – mêlant philosophie, spiritualité et ésotérisme –, deux lauréats ont été couronnés : Heinz Wismann pour Lire entre les lignes (Albin Michel), un essai sur les traces de l’esprit européen, et Robert Redeker pour Descartes – Le miroir aux fantômes (Cerf) qui s’est vu remettre le prix par Antoine Sénanque, lauréat 2024.

Ces prix soulignent l’engagement des Rencontres pour une littérature qui éclaire le réel sans le figer

Retour au thème central avec Emmanuel Kessler, qui, en trente minutes chrono, a tressé un fil rouge entre Descartes et Bergson. Le doute cartésien comme outil pour penser, l’optimisme bergsonien comme élan vital : « Vivre, c’est agir », a-t-il rappelé. Face au réel lacanien – « ce qui cogne » – ou à la définition dickienne – « ce qui demeure même quand on cesse de croire en lui » –, Kessler a plaidé pour un espoir revigorant : le réel n’est pas une vue de l’esprit. L’esprit cherche à connaitre et il s’établit alors une relation dynamique entre sujet et monde.

Pour terminer cette première journée de réflexion sur le Reel dans le cadre des Rencontres Ecossaises, les deux dernières interventions se complétaient : celle de Jean Michel Poughon  sur les façons de penser le  corps et le spirituel et celle d’ Annick Lucas sur notre vécu de la démarche initiatique à travers les rituels Ecossais.

René Descartes

Jean Michel Poughon, professeur émérite de droit public  a présenté ce qu’il en était du réel à travers une fine analyse historique du corps comme réalité spirituelle et matérielle. Il a analysé le corps comme réalité duale : spirituelle et matérielle, mécanique – « une machine qui se meut par elle-même », dixit Descartes – mais aussi sacrée, à protéger (le code maçonnique interdit les actes dégradants, tout en autorisant les dons ciblés). L’intervenant a évoqué la reliance corps-machine, les hybridations cérébrales pour réparer les failles et l’Homme augmenté comme horizon prométhéen : fascinant, paradoxal, potentiellement dangereux dans un présent tourmenté par les disruptions technologiques. Une réflexion qui interroge…

Annick Lucas, Représentante de la juridiction écossaisie féminine, avec patience et justesse, a alors appelé l’attention sur ce qu’il en était du dévoilement du réel lors de l’initiation. Celle-ci est par essence une illumination salvatrice, une naissance à une perception renouvelée. Le réel n’est pas que extérieur (les choses du monde), mais intérieur (la conscience éveillée). C’est ce « moment exquis où se rétablit une alliance d’amour », révélé par le rituel qui traverse, transforme et habite.

Dimanche : synthèse et perspectives

Francis Bardot

Francis Bardot – devenu l’historien officieux des Rencontres et gardien de leur mémoire a précisé ce qu’il en était de la réalisation spirituelle au Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA). Avec son style oratoire fluide et apprécié, il a tracé le chemin parcouru, reliant passé et présent dans une fresque inspirante.

Deux tables rondes ont suivi, animées par les intervenants de la veille. Ces échanges, capturés en direct pour l’émission radiophonique Témoignages Écossais du SCPLF, permettront aux absents de les réécouter et de prolonger la réflexion.

Les conclusions officielles, prononcées par Gérard Audouin, ont salué la richesse des débats et annoncé les 42e Rencontres à Grenoble en octobre 2026.

Un moment d’émotion : l’hommage à Alain Chaize

Une tristesse partagée lors de ces 41e Rencontres et un fort moment d’émotion  :  l’annonce de la cessation de l’activité de « Maitre des Cérémonies » de notre bien aimé Frère Alain Chaize, après 36 ans passés dans la direction et l’organisation de ces Rencontres publiques du Suprême Conseil Pour la France. 

Les 41e Rencontres Écossaises, une fois de plus, ont prouvé leur vitalité : un carrefour où science, philosophie et spiritualité dialoguent pour mieux appréhender le réel, ce mystère qui nous émerveille et nous élève.

Rendez-vous à Grenoble pour la suite de cette quête infinie.

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