dim 12 octobre 2025 - 16:10

Franc-maçonnerie : l’art de se construire soi-même

De notre confrère elnacional.com – Par Mario Múnera Muñoz

Dans un monde saturé de solutions miracles et de vérités préfabriquées, où les réseaux sociaux dictent souvent nos identités, la Franc-maçonnerie offre une voie singulière, à la fois ancienne et résolument moderne : celle de la transformation intérieure par ses propres efforts. Loin des clichés conspirationnistes qui la réduisent à des réunions secrètes et des symboles énigmatiques, cette institution fraternelle invite chaque individu à devenir l’architecte de sa propre personnalité. Plus qu’un mystère voilé, elle se révèle comme un atelier vivant où l’homme taille, pierre par pierre, la matière brute de son être.

Une initiation au-delà des apparences

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Pour le profane, le Franc-maçon évoque des images de cérémonies occultes, de rituels codés et de symboles cryptiques dévoilés seulement aux initiés. Pourtant, l’essence de cette tradition dépasse ces stéréotypes. Le mot « Maçon » tire son origine du français médiéval, désignant un artisan habile à modeler la pierre, tandis que « Franc-maçon » – du terme « Franc-maçon » – suggère une liberté de travailler en tout lieu, un écho de la conception démocratique qui anime cette confrérie. Dès le Xe siècle en Italie, les Maçons, d’abord « opératifs », bâtissaient des cathédrales et des châteaux avec des outils physiques. Avec le temps, ils ont troqué les marteaux et les ciseaux pour des outils symboliques, devenant « spéculatifs », dédiés à la construction d’un Temple intérieur.Ce Temple n’est pas de pierre ou de mortier, mais un édifice immatériel, façonné par la conscience et les vertus. Comme l’écrit un penseur maçonnique contemporain, « le Maçon est un bâtisseur de Temples, mais sans l’intervention de ses mains physiques : le Temple Intérieur ». Cette métamorphose reflète une évolution profonde : là où l’opératif polissait des blocs pour des édifices majestueux, le spéculatif utilise le symbolisme – sa « Sainte Écriture » – pour induire réflexion et méditation, ouvrant ainsi les portes de la conscience.

La pierre brute et l’art royal

Taille de la pierre cubique

Au cœur de ce cheminement se trouve la métaphore de la pierre brute. Dans le monde profane, l’homme est comparé à une pierre informe, marquée par des passions désordonnées, des préjugés, des dogmes et des vices. Cette matière première, bien que précieuse par son potentiel, est « irrégulière » et demande un labeur ardu. Avec des outils symboliques – l’équerre, le compas, le maillet –, le Franc-maçon s’attelle à tailler cette pierre, un processus qui exige discipline, persévérance et une volonté inébranlable. L’objectif ? Transformer cette rudesse en une pierre cubique parfaite, symbole d’une conscience élevée et d’une personnalité harmonieuse.

Ce travail, qualifié d’« Art Royal », est à la fois manuel et intellectuel. Sur le plan horizontal, l’homme travaille pour vivre ; sur le plan vertical, il vit pour travailler, élevant son Temple intérieur par la pratique des vertus. Chaque coup de ciseau symbolise un effort pour dompter l’ignorance, l’orgueil ou le fanatisme, tandis que le « salaire » promis n’est autre que le savoir et la sagesse acquis. En Franc-maçonnerie, ne pas s’investir dans cette tâche équivaut à « voler le nom de Maçon », une médiocrité que la confrérie réprouve. Le véritable ouvrier, en revanche, devient un temple de perfection, une œuvre d’art magistralement construite sur soi-même.

Un cheminement collectif et universel

Ce processus d’édification personnelle ne se vit pas en solitaire. L’atelier maçonnique, héritier des loges de tailleurs de pierre médiévales, est un espace de fraternité où les frères se soutiennent, se corrigent et s’inspirent mutuellement. Comme un échafaudage indispensable, cette solidarité renforce la délicate tâche de se façonner. L’objectif transcende le bien-être individuel : en cultivant la tempérance, la justice et la force d’âme, le Maçon devient un meilleur citoyen, contribuant à une société plus juste et éclairée.

La Franc-maçonnerie ne cherche pas à imposer une vérité unique, mais à encourager chaque initié à découvrir ses propres principes – Liberté, Égalité, Fraternité – par l’introspection et l’étude. Elle enseigne à bien penser, à développer l’intuition, à pratiquer le silence et à s’affranchir des dogmes. Ce chemin vers une « conscience ouverte » est un idéal, jamais pleinement atteint, mais toujours poursuivi. Comme le souligne un adage maçonnique, « être travailleur de soi-même est ce qui maintient la Franc-maçonnerie vivante depuis des siècles ».

Une réponse moderne à un monde en quête de sens

À une époque où l’on cherche des réponses rapides et une validation extérieure via les réseaux sociaux, l’approche maçonnique apparaît presque révolutionnaire. Alors que la société profane valorise les solutions instantanées, la Franc-maçonnerie insiste sur un travail intérieur, silencieux et constant. Son plus grand secret, accessible à tous mais rarement pratiqué, réside dans cette décision de devenir l’artisan de sa propre vie. En s’engageant dans cette quête, chaque Maçon nourrit spirituellement l’institution, tandis que ses efforts collectifs édifient une société meilleure, pierre par pierre.

Ainsi, loin des légendes obscures, la Franc-maçonnerie se révèle comme un art intemporel : celui de se construire soi-même, avec patience et humilité, pour mieux éclairer le monde.

Un appel à l’action qui, en 2025, résonne avec une urgence nouvelle dans un monde en quête de sens.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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