De notre confrère anglais thesun.co.uk

Dans les brumes londoniennes d’octobre 2025, la Franc-maçonnerie, cette institution séculaire née au XVIIe siècle des guildes de tailleurs de pierre, se trouve à nouveau sous les feux croisés d’une suspicion institutionnalisée. Alors que la Metropolitan Police (Met) – plus grande force de police du Royaume-Uni avec 33 000 agents – envisage d’imposer la déclaration obligatoire des affiliations maçonniques à ses officiers, les Francs-maçons anglais font l’objet d’une stigmatisation renouvelée, mêlant scandales réels, perceptions amplifiées et un contexte sociétal tendu.

Ce n’est pas une chasse aux sorcières isolée, mais un signe des temps : dans une ère de défiance généralisée envers les institutions, de révélations post-#MeToo et de polarisation post-Brexit, la Maçonnerie incarne pour beaucoup un « club d’hommes blancs » opaque, symbole d’un establishment jugé corrompu. Pourtant, derrière les théories conspirationnistes, cette vague anti-maçonnique révèle plus sur les fractures de la société britannique que sur les loges elles-mêmes.
Un scandale déclencheur : l’affaire de l’agression sexuelle et les liens maçonniques

L’étincelle récente remonte à août 2025, lorsque cinq hauts gradés de la Met, basés dans l’ouest de Londres, ont été arrêtés pour suspicion de couverture d’une agression sexuelle. Un sergent-détective est accusé d’avoir molesté une collègue lors d’une fête de Noël ; la plainte, déposée par la victime, a été classée sans suite par une unité de déontologie locale, alimentant les soupçons de protection interne. Parmi les suspects, trois sont francs-maçons – dont l’agresseur présumé et deux complices allégués. Bien que les officiers nient toute irrégularité et que les enquêtes n’établissent pas (encore) de lien causal avec la Maçonnerie, un source policière anonyme confie à The Sun :
« Il n’y a pas de preuve que leurs liens maçonniques aient joué un rôle, mais cela crée une perception de faveurs accordées. »

Cette affaire s’inscrit dans une série de scandales à la Met, comme celui de la station de Charing Cross (2022), où des enregistrements secrets de la BBC ont révélé des propos sexistes et racistes chez des officiers, menant à neuf suspensions. Le commissaire Sir Mark Rowley, sous pression depuis son entrée en fonction en 2022, a réagi en annonçant un « durcissement des politiques sur les sociétés secrètes », visant explicitement la Franc-Maçonnerie. Fin septembre 2025, la Met lance une consultation pour ajouter la Maçonnerie à sa liste des « associations déclarables » – aux côtés des condamnations pénales ou professions comme le journalisme, susceptibles de compromettre l’impartialité. Le commandant Simon Messinger, chargé de la déontologie, justifie : « Nous recevons des rapports d’inquiétude sur l’impact potentiel sur les enquêtes, promotions et fautes disciplinaires. » Cette mesure, recommandée par le rapport Daniel Morgan de 2021 sur un meurtre non élucidé de 1987, pointe la Maçonnerie comme « source récurrente de suspicion et de méfiance dans les enquêtes ».
Une réponse maçonnique ferme : défense des droits et appel au dialogue

La Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA), bastion de la Maçonnerie britannique comptant 170 000 membres en Angleterre et au Pays de Galles, n’a pas tardé à répliquer. Le 11 octobre 2025, elle publie un communiqué exprimant sa « préoccupation » face à cette « obligation générale de déclaration [qui] constitue une violation des droits fondamentaux à la vie privée et à la liberté d’association ». La GLUA rappelle que ses membres doivent déjà signaler tout conflit d’intérêts professionnel, et insiste : « Depuis trois siècles, les francs-maçons sont fidèles aux principes immuables d’intégrité, d’amitié, de respect et de service. » Elle attend un « dialogue » avec la Met, tout en évoquant des recours légaux potentiels, comme en 2009 et 2016, quand des politiques similaires ont été invalidées par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour atteinte à l’article 11 de la Convention (liberté d’association). La Met Police Federation, syndicat des agents, se joint à la fronde : son secrétaire général, Matt Cane.
Un historique de suspicions : de Knight à Starmer, 40 ans de préjugés

Cette stigmatisation n’est pas nouvelle ; elle est cyclique, alimentée par un mélange de faits avérés et de mythes conspirationnistes. Dès 1984, le livre The Brotherhood de Stephen Knight popularise l’idée d’un « réseau maçonnique secret » infiltrant police, justice et prisons pour couvrir crimes et promotions indûes – une thèse reprise dans des films comme From Hell (2001) liant les Maçons à Jack l’Éventreur. Des allégations similaires ont visé le naufrage du Titanic ou la catastrophe de Hillsborough (1989, 96 morts), sans preuves.
Les politiques anti-maçonniques officielles culminent en 1997-2009 sous le ministre Jack Straw : une déclaration obligatoire pour policiers et juges, coûtant des millions en ressources, est abrogée en 2010 après une victoire maçonnique à la CEDH. En 2016, le maire de Londres Sadiq Khan bloque un plan similaire à la Met pour « violation des droits humains ».
Pourtant, en 2025, sous le gouvernement travailliste de Keir Starmer, la boucle se referme : le rapport Daniel Morgan relance le débat, et des enquêtes comme celle de Channel 4 (janvier 2025) sur le scandale des grooming gangs de Rotherham accusent l’Independent Office for Police Conduct (IOPC) d’avoir minimisé des fautes pour protéger des officiers maçonniques présumés.
Des études parlementaires, comme celles du Home Affairs Committee (1997-1999), confirment un « problème de perception » sans preuves systémiques de corruption, mais soulignent des risques de biais dans les nominations judiciaires ou enquêtes policières. En 2017, Steve White, ex-président de la Police Federation, démissionne en accusant une « cabale maçonnique secrète » de bloquer ses réformes – une allégation vite démentie comme vengeance personnelle. Sur X, les débats s’enflamment : un post du 2 octobre 2025 lie la Met à un « contrôle maçonnique » empêchant l’avancée des femmes et minorités, tandis que d’autres, comme @Jam_RadioUK, titrent « La Loge dans la Loi : la Met confronte enfin la poigne de la Maçonnerie ». Symptôme des temps : défiance institutionnelle et quête de transparence

Pourquoi cette résurgence en 2025 ? Elle reflète les tensions d’une époque en crise : post-pandémie, la confiance dans la police britannique est au plus bas (seulement 60 % selon un sondage YouGov de septembre 2025), érodée par des scandales comme Rotherham ou les meurtres de Sarah Everard (2021) par un officier Met. Le rapport Casey (2023) sur la culture toxique à la Met dénonce des « WhatsApp groups » d' »old boys’ clubs » – une métaphore qui colle à la Maçonnerie, perçue comme un bastion blanc, masculin et élitiste (malgré ses efforts de diversification : 20 % de nouveaux membres ethniquement divers en 2024, via TikTok pour attirer les jeunes).

Le Brexit (2016) et l’ère Starmer amplifient cela : un gouvernement progressiste promettant « réformes radicales » cible les symboles d’opacité, mais risque de verser dans la discrimination. Comme l’écrit The Spectator (cité dans 450.fm), « Il y a quelque chose de vulgaire chez les francs-maçons » – une phrase qui cristallise un préjugé culturel, où la Maçonnerie oscille entre « rituels absurdes d’hommes âgés » et « société secrète manipulatrice ».
Aux États-Unis, l’anti-maçonnisme a culminé au XIXe siècle ; en Europe, il persiste, avec des lois restrictives en Italie ou Belgique. Les implications sont graves : déclaration forcée expose les Maçons à des représailles – licenciements, accusations infondées, harcèlement. La Met, avec ses taux de refus de recrutement doublés (de 5 % en 2020 à 11 % en 2024), risque une action en justice de la CEDH, comme en 2010. Des experts comme ceux de Legal Lens (2025) avertissent : sans preuves systémiques, cela mine la confiance publique plus qu’il ne la renforce, perpétuant un « cycle de suspicion ».
Vers une résolution ? Un appel à la nuance

En conclusion, la stigmatisation actuelle des francs-maçons en Angleterre n’est pas un complot, mais un miroir des anxiétés sociétales : quête de transparence dans un monde post-vérité, lutte contre les inégalités, et érosion de la confiance institutionnelle. Comme le note The Week (7 octobre 2025), la GLUA nie « tirer les ficelles » et s’ouvre via des campagnes numériques pour « démystifier » son image. Le vrai défi ? Équilibrer légitime vigilance et droits fondamentaux, sans céder aux chimères conspirationnistes. Dans cette « traque sous les lits », la Maçonnerie britannique, fidèle à ses vertus d’intégrité, pourrait bien émerger plus résiliente – à condition que le dialogue l’emporte sur la défiance.
Sources
- The Sun – « Met cops arrested over sex assault ‘covered up by Freemasons’ » (https://www.thesun.co.uk/news/36962085/met-cops-arrested-sex-assault-freemasons/) – Article rapportant l’arrestation de cinq officiers de la Met en août 2025 pour suspicion de couverture d’une agression sexuelle, avec des liens maçonniques examinés.
- 450.fm – « Scotland Yard traque à nouveau les maçons jusque sous leurs lits » (https://450.fm/2025/10/07/scotland-yard-traque-a-nouveau-les-macons-jusque-sous-leurs-lits/) – Article principal du 7 octobre 2025 détaillant la consultation de la Met sur la déclaration obligatoire des affiliations maçonniques.
- 450.fm – « La GLUA répond à la proposition de la Police Métropolitaine sur les déclarations de franc-maçonnerie » (https://450.fm/2025/10/11/la-glua-repond-a-la-proposition-de-la-police-metropolitaine-sur-les-declarations-de-franc-maconnerie/) – Article du 11 octobre 2025 sur la réponse de la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA) à la proposition de la Met.
- Ilkeston Life – Article du 2 octobre 2025, cité dans l’article de 450.fm du 11 octobre, fournissant des détails sur la position initiale de la GLUA.
- YouGov – Sondage de septembre 2025 sur la confiance dans la police britannique (60 % mentionné), utilisé pour contextualiser la défiance institutionnelle.
- Rapport Casey (2023) – Rapport officiel sur la culture toxique à la Met, mentionné comme contexte des scandales internes.
- Channel 4 (janvier 2025) – Enquête sur le scandale des grooming gangs de Rotherham, citée pour des allégations d’influence maçonnique à l’IOPC.
- Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA) – Statistiques sur les 170 000 membres en Angleterre et au Pays de Galles, tirées de sources officielles GLUA (via 450.fm).
- Home Affairs Committee (1997-1999) – Études parlementaires britanniques sur les perceptions de corruption maçonnique dans la police et la justice.
- Legal Lens (2025) – Analyse d’experts sur les implications juridiques de la déclaration forcée, citée pour son commentaire sur le « cycle de suspicion ».
- The Spectator – Citation indirecte via 450.fm sur la perception culturelle des francs-maçons comme « vulgaire » ou « absurde ».
- The Week (7 octobre 2025) – Article mentionnant les efforts de la GLUA pour « démystifier » son image via des campagnes numériques.
- X (ex-Twitter) – Posts datés du 2 octobre 2025 et autres, reflétant les débats publics (ex. @Jam_RadioUK sur « La Loge dans la Loi »).
- Rapport Daniel Morgan (2021) – Rapport officiel recommandant des mesures contre les influences maçonniques dans les enquêtes policières.
- Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) – Références aux décisions de 2009 et 2010 invalidant des politiques de déclaration forcée.
- Met Police Federation – Déclarations de Matt Cane, secrétaire général, sur les risques de violation des droits humains.
- BBC (2022) – Enregistrements undercover sur les scandales de la station de Charing Cross, contextualisant la crise de confiance à la Met.
- Stephen Knight – The Brotherhood (1984) – Livre conspirationniste popularisant les théories sur la Maçonnerie dans la police.
- Sadiq Khan (2016) – Déclaration du maire de Londres abandonnant un plan similaire pour atteinte aux droits humains.
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