dim 05 octobre 2025 - 22:10

Le processus d’individuation en 6 étapes de Carl Gustav Jung : (4/6) « Anima – Animus »

Le processus initiatique est sous-jacent au processus d’individuation de C.G. Jung, sans trop apparaître au grand jour, les alchimistes spirituels demeurant à tort des « souffleurs » la plupart du temps dans la mémoire collective. Malgré les chasses aux sorcières orchestrées depuis 2000 ans en occident par les pouvoirs civils et religieux pour occulter et faire disparaître l’alchimie, l’Art Royal n’a jamais cessé de ressurgir depuis Hermès Trismégiste à toutes les époques sous les traits de grands alchimistes.

Leurs œuvres ont marqué la mémoire collective et suscité des vocations à des aspirants encore confrontés à leurs démons intérieurs, des zones d’ombres impénétrables et des problèmes que des rencontres, des lectures, et des prises de conscience, tendent peu à peu à éclairer et résoudre.

Le bien-être général, à la fois corporel, moral, mental, et spirituel immense qui en résulte est le premier viatique d’un questionnement qui se transforme vite en quête spirituelle, et en prises de conscience d’états d’être qui se vivent et se ressentent avant de se raconter, les seuls mots nécessaires dans cette quête intérieure initiatique se réduisant à quelques mots clés. Dans le processus qui mène à l’individuation de C.G. Jung, ces mots sont le trauma, la persona, la différenciation, et les ombres, correspondant aux 51é, 52è, et 53è degrés de la Maçonnerie égyptienne. Il s’agit à présent de découvrir et d’activer les mots clés des 54è, 55è, et 56è degrés, générateurs de l’énergie nécessaire à la conscience pour se propulser dans son propre cosmos intérieur.

Avec le couple anima/animus, C.G. Jung conduit les hommes et les femmes à reconnaître et accepter en eux-mêmes la présence dans leur inconscient d’une marque féminine en l’homme et masculine chez la femme, afin de se délivrer des effets négatifs de leur reniement sur leur psyché, et en contrepartie de bénéficier du surcroît d’énergie généré par leur acceptation et leur intégration en conscience. L’anima est une image innée de la femme chez l’homme, l’animus une image innée de l’homme chez la femme. Contenus inconscients d’une grande puissance énergétique, l’anima et l’animus sont des complexes dont le degré d’autonomie varie avec la distance qui sépare le conscient et l’inconscient. Si cette distance est très grande, le conscient est, soit fasciné par une figure d’anima ou d’animus ressentie comme merveilleuse et sublime, soit au contraire effrayé par une figure mauvaise, perverse, et moralement inférieure.

« Un travail de prise de conscience de leurs contenus devient alors nécessaire pour les « intégrer » et les « réaliser » par le sujet, qui s’expose dans le cas contraire à connaître de graves anomalies psychiques, en particulier la présence en soi-même de quelque chose d’inconnu s’appropriant une part plus ou moins considérable de la psyché. Ce quelque chose d’inconnu impose imperturbablement son existence, au premier abord nocive et repoussante, malgré les plus grands efforts de bonne volonté, de compréhension, d’énergie et de raison, démontrant ainsi la puissance des plans inconscients de l’être en face du conscient. On ne saurait trouver de meilleure expression que le mot possession ».

« Avec l’archétype de l’anima, nous entrons dans le domaine des dieux. Tout ce qui touche à l’anima est numineux » (c’est-à-dire doté d’une puissance énergétique sans commune mesure avec les forces du conscient) … Tout ce qui touche à l’animus est également numineux, c’est pourquoi la confrontation avec les figures intérieures de l’anima ou de l’animus est un travail très exigeant … À l’inverse, si la relation à la conscience s’établit, leurs contenus sont intégrés, et l’emprise de ces figures sur la psyché disparaît. L’anima ou l’animus devient alors une simple fonction de relation avec le monde intérieur, une manière de passerelle qui mène à l’inconscient … L’homme laisse sourdre son œuvre, son auto-création dans sa totalité à partir de son monde intérieur féminin où l’anima le guide. L’animus de la femme est aussi un être créateur, une matrice où se crée quelque chose que l’on pourrait appeler un Logos spermatikos, un Verbe fécondant. (C.G. Jung, Dialectique du moi et de l’inconscient)

Cette confrontation avec les figures de l’anima ou de l’animus, après les expériences intérieures du trauma, de la persona, et des ombres, est aussi une initiation progressive à l’expérience du Soi. Non seulement leur emprise sur la psyché disparaît, mais leurs marques imprimées en mémoire se transforment en structures positives d’action, disponibles désormais pour résoudre les conflits de même nature à venir. Ces victoires intérieures remportées sur des adversaires dissimulés dans les méandres de la psyché, outre l’expérience des combats et les sentiments de délivrance qu’ils procurent, structurent la psyché et lui confèrent l’énergie nécessaire pour s’engager plus avant dans cette expérience du Soi.

Il ne s’agit plus désormais de concevoir l’existence du Soi, mais d’en faire l’expérience et de s’appuyer sur ces structures désormais à l’œuvre dans la psyché pour délivrer la pensée de ce qui entrave sa libre circulation, de ce qui la paralyse et l’endort. Ces structures donnent le sentiment d’être conférées par la nature aux êtres courageux qui osent affronter leurs démons, tels les héros des mythes et des légendes qui reproduisent sous forme symbolique dans leurs récits ce que la nature a depuis toujours prévu d’offrir aux héros, car ils le méritent.

Cependant l’intégration de ces contenus psychiques n’est pas sans risque au début. Dans la tradition alchimique, les premiers temps de ce processus se traduisent par un accroissement de l’athanor, le four où s’opèrent les opérations de transmutation, sous l’action du propre feu de l’alchimiste. Car à ce moment-là, le feu est difficilement contrôlable et peut déborder l’être. En termes psychiques, le Moi est investi d’une arrivée soudaine d’énergie qui, non canalisée peut aboutir à une perte de conscience du réel. Jung illustre cette situation par des moments de vie de prophètes ou d’artistes (William Blake, Gérard de Nerval) n’ayant pu intégrer psychiquement ces manifestations. Jung nomme cet état l’inflation du Moi qui se traduit par un orgueil et une imprudence démesurés. Les mythes traduisent aussi cet état initial sous la forme d’une possession diabolique.

L’intégration de ces contenus de nature contradictoire conduit aussi à l’exploitation positive dynamique de leurs structures paradoxales, et à leur conversion en matériaux susceptibles de produire par croisement de pensées des étincelles d’esprit dans tous les domaines de connaissances. Il ne s’agit plus de chercher à neutraliser leurs effets psychiques a priori négatifs, mais d’exploiter comme une source puissante d’énergie les paradoxes et les contradictions de l’être mis en valeur par l’ombre, la persona, l’anima et l’animus. Pour y parvenir, la conscience doit réussir non seulement à s’accommoder de leur présence en gardant l’œil ouvert sur leurs manifestations, mais elle doit aussi mentalement prendre du recul tel un artiste en création en accommodant son regard pour contempler son œuvre avec plus ou moins de précision, ou un photographe modulant la focale de son appareil pour s’attacher à ce que la vie lui offre à contempler dans l’instant.

Le Sublime Scalde, au 54è degré de la Maçonnerie égyptienne, a déjà intégré comme un alchimiste ses parts d’ombre en soi-même au 53è degré pour les convertir en matériau de combustion pour son athanor, ce qui caractérise l’Œuvre au noir, la première phase de transmutation de ses métaux. Il est à présent au terme de la deuxième phase, l’Œuvre au blanc, le temps du REBIS maçonnique, androgyne accompli un compas en main droite et une équerre en main gauche. Il prend alors du recul et du temps pour contempler son œuvre en cours, et souffle juste assez sur les braises pour entretenir son feu dans l’athanor.

L’anima chez l’homme et l’animus chez la femme se sont ainsi dévoilés peu à peu tout en s’intégrant véritablement en conscience, métamorphosant symboliquement les hommes et les femmes qui le souhaitent en êtres doubles symboliquement androgynes, désormais aptes à jouir des prérogatives des êtres spirituels qui se laissent pousser des ailes et sont aspirés avec délice en leur propre dimension cosmique. Cet état d’esprit androgyne annonce le dépassement définitif du modèle patriarcal, la réintégration du principe féminin, et la restauration d’une totalité spirituelle d’essence à la fois humaine et divine.

Les six degrés de la Maçonnerie égyptienne (51è au 56è) illustrant les six étapes du processus d’individuation sont extraits des 60 degrés (34è au 93è) développés dans le livre Méditations du Sphinx de Patrick Carré, Éditions GAMAYUN)

Patrick Carré donne rendez-vous à ses lecteurs devant la Fontaine Saint-Michel le samedi 11 octobre 2025 à 10h30

(décalage d’une demi-heure par rapport à l’horaire prévu), pour une conférence interactive (durée 2h). L’article de l’auteur déjà paru sur 450.fm à cette adresse (cliquez ici) prépare activement à cette conférence. Venez nombreux !

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Patrick Carré
Patrick Carré
Patrick Carré est un poète, philosophe et franc-maçon français, connu pour son œuvre mêlant littérature, spiritualité et symbolisme maçonnique. Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, passé membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, il est à présent à l'OIAPMM (Ordre Initiatique Ancien et Primitif de Memphis Misraïm) membre de la Loge de recherche Imhotep à l'Orient de Nice, Souverain Grand Inspecteur Général (33è degré), et Sublime Prince de la Maçonnerie, Grand Régulateur Général de l'Ordre (87è degré).. Son travail explore l’initiation traditionnelle et la quête spirituelle, notamment à travers des poèmes et textes philosophiques. En 2023, il publie L’épopée alchimique des Maçons et Maçonnes (LiberFaber, 228 pages, 25 €), un recueil de plus de 1000 vers qui retrace les degrés maçonniques du premier au dix-huitième, accompagné d’un CD de textes lus et mis en musique par Gérard Berliner. Patrick Carré a également écrit d’autres ouvrages maçonniques, comme Francs-Maçons Alchimistes et Nous sommes tous androgynes, enrichis de contenus multimédias sur le tarot (chaîne youtube Le Tarot de la Renaissance, 12h de vidéos et 800 illustrations). Son œuvre met en lumière les liens entre franc-maçonnerie et alchimie, célébrant la transformation personnelle et spirituelle. Il fut Itinérant en 1980 durant 6 mois à l'Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis, et Potier tourneur 5 ans dans une poterie artisanale et Artisan créateur indépendant.

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