lun 29 septembre 2025 - 21:09

La Prière, un pont spirituel en Franc-maçonnerie

Cet article s’appuie sur des sources historiques comme les Old Charges anglaises, des rituels datant du XVIIIe siècle, et des analyses contemporaines issues de blogs et sites spécialisés.

La Franc-maçonnerie, souvent perçue comme une institution à la croisée de la philosophie, de la spiritualité et de la fraternité, intègre dans ses rituels des prières qui jouaient un rôle central dans ses pratiques. On priait beaucoup, à quasiment tous les rites et à tous les degrés.
On continue de prier pour demander à Dieu la lumière, la connaissance, la fraternité, la vérité, tout ce qui peut rendre l’homme plus heureux et plus vertueux.

La prière est un acte de communication avec le divin ou le sacré.

Elle peut exprimer des émotions, des besoins, des remerciements ou une quête de sens. Selon le Dictionnaire Larousse (édition en ligne, consultée le 28 août 2025), la prière est définie comme « un acte par lequel on s’adresse à Dieu, à une divinité, pour offrir sa vénération, implorer une aide ou rendre grâce ». Dans certaines traditions, comme le bouddhisme, la prière peut être une méditation ou une réflexion visant à cultiver des qualités comme la compassion (ex. : prière de Metta).
Elle peut inclure des textes sacrés (comme le Notre Père dans le christianisme ou la Fatiha dans l’islam), des chants, des mantras, ou des pensées personnelles. Par exemple, dans l’islam, la salat est une prière rituelle effectuée cinq fois par jour (Sahih al-Bukhari, hadith 1.8).

La prière remplit plusieurs fonctions, selon les croyances et les contextes :

Connexion spirituelle : Elle permet de renforcer le lien avec une divinité ou une force spirituelle. Dans le christianisme, Jésus enseigne la prière comme un moyen de s’adresser à Dieu (Évangile selon Matthieu 6:5-13).
Expression de foi : Elle manifeste la croyance en une puissance supérieure et peut structurer la vie religieuse (ex. : prières quotidiennes dans le judaïsme, comme le Shema).
Demande ou intercession : Les prières peuvent inclure des demandes de protection, de guérison ou de guidance (ex. : du‘a dans l’islam, prière personnelle pour demander l’aide d’Allah, Qur’an 2:186).
Méditation et paix intérieure : Dans des pratiques comme le bouddhisme ou le yoga, la prière aide à calmer l’esprit et à développer la mindfulness (Dhammapada, verset 183).
Renforcement communautaire : Les prières collectives, comme à la mosquée ou à l’église, favorisent le sentiment d’appartenance (Qur’an 62:9-10 pour la prière du vendredi).
Gratitude et louange : Exprimer la reconnaissance pour les bienfaits reçus, comme dans les psaumes juifs ou chrétiens (Psaume 100).

En Franc-Maçonnerie, mouvement non confessionnel qui accueille des membres de toutes traditions religieuses, les prières sont conçues pour être inclusives et acceptables par tous. Elles s’adressent généralement au Grand Architecte de l’Univers (GADLU), une figure symbolique représentant une puissance bienveillante et transcendante. Contrairement aux prières religieuses qui pourraient viser des faveurs matérielles, celles de la Maçonnerie expriment des aspirations collectives : la gloire du GADLU, la lumière, la connaissance, la fraternité et la vérité.

Les prières visent à rendre l’homme plus heureux et plus vertueux, sans jamais solliciter un résultat concret ou pratique.

Origines Historiques des Prières Maçonniques

La première trace écrite de prières collectives en contexte maçonnique remonte aux loges anglaises médiévales. Lors de réunions occasionnelles de maçons opératifs – pas nécessairement liés au métier de bâtisseur –, on lisait des extraits des Old Charges, des documents anciens qui incluaient naturellement une prière d’ouverture avant les cérémonies.

Au XVIIIe siècle, avec l’émergence de la Franc-maçonnerie spéculative, les prières s’institutionnalisent notamment au cours de l’obligation du récipiendaire.
Dès 1737 dans la Divulgation Hérault [1], il est rapporté que l’obligation se termine par : « Dieu soit en aide ». Après quoi on lui fait baiser l’Évangile.
En 1740, dans le Rituel de Berne, on trouve des formules comme « Ainsi Dieu me soit en Aide ».
En 1745, Le Sceau rompu remplace « Ainsi » par « Ainsi-soit-il ! »
En 1763 Le Rituel du Marquis de Gages utilise « Ainsi, Dieu me soit en aide et son Saint Évangile ».
En 1784, le Rituel du Duc de Chartres fait dire : « Ainsi, Dieu me soit en aide et son Saint Évangile. ».
Enfin, Le Régulateur du Maçon de 1802 formalise ces expressions par : Que le GADLU me soit en Aide .

Un exemple est une prière notée maladroitement sur une feuille volante signée par « Un serviteur dans la très noble, ancienne et honorable fraternité ».
Elle est considérée comme la première prière des francs-maçons français, datant du XVIIIe siècle a été remarqué par Pierre Mollier : « Dieu éternel le grand architecte et inventeur de l’univers créé ; fait que nous, tes serviteurs, qui sont déjà entrés dans la très noble, ancienne et honorable fraternité, que nous puissions être solides et pensifs et toujours avoir une souvenance des choses secrètes et bénies que nous avons appris sur nous ; et fait que cette personne qui se présente pour être fait maçon, qu’il soit un véritable frère parmi nous, fait que lui et nous tous vivions comme il convient aux maçons. Et vous, Ô Dieu, donnez-nous une intelligence en toutes nos entreprises, donnez-nous des forces pour supporter toutes difficultés, et beautés pour orner la grande loge dans le Royaume du Grand Jéhova. Amen »
Cette prière illustre déjà les thèmes récurrents : hommage au créateur, fraternité et invocation pour sagesse, force et beauté – les trois piliers maçonniques.

Remarquons le Moniteur officiel de la Grande Loge des Anciens Francs-Maçons Libres et Acceptés État du Texas de 1922 qui nous propose des modèles de discours et de prières pour diverses occasions. Par exemple une prière qui doit être lue à l’ouverture des travaux : «Très saint et glorieux Seigneur Dieu, Grand Architecte de l’Univers, dispensateur de tous dons et grâces, Tu as promis que là où deux ou trois sont réunis en Ton nom, Tu seras au milieu d’eux. En Ton nom, nous nous assemblons, Te suppliant très humblement de nous bénir dans toutes nos entreprises, afin que nous Te connaissions et Te servions correctement, et que toutes nos actions contribuent à Ta gloire et à notre avancement en connaissance et en vertu. Nous Te supplions, ô Seigneur Dieu, de bénir notre assemblée actuelle, d’illuminer nos esprits par les divins préceptes de Ta Sainte Parole, et de nous apprendre à marcher à la lumière de Ta face. Et, lorsque les épreuves de notre condition probatoire seront terminées, sois admis dans le TEMPLE « non fait de main d’homme, éternel, dans les cieux « . Amen.» Réponse : Qu’il en soit ainsi.

Utilisation des Prières dans les Rituels Maçonniques

Les prières sont principalement employées à l’ouverture et à la clôture des travaux en loge, pour exprimer hommages et bénédictions. Elles invoquent la gloire du GADLU et sont présentes aux serments, aux initiations et aux agapes. Elles ne demandent jamais de faveurs matérielles, mais synthétisent les attentes de la communauté : lumière, connaissance, fraternité et vérité.

Les prières maçonniques sont récitées en loge, souvent par le Maître de Loge ou un officier comme le chapelain, et sont associées à des ritèmes tels que la Chaîne d’Union – un ancien rite déplacé des agapes vers la loge pour marquer l’unité fraternelle. Elle est dite aussi à l’entrée et à la sortie des agapes, afin de marquer la différence entre un repas bourgeois et purement convivial et une agape vécue « par une société de frères », partageant entre eux des secrets mystérieux et faisant allusion à une réalité autre.

On prie à tous les rites et degrés.

Par exemple, dans le Grade d’Apprenti du Rit Ancien (1804) la prière adressée en faveur du récipiendaire : « Mes Frères humilions nous devant le souverain arbitre des mondes ; reconnaissons sa puissance et notre faiblesse ; contenons nos Esprits et nos cœurs dans les bornes de l’Équité ; et, en marchant dans des voies sûres, élevons nous jusqu’au Maître de l’univers ; il est un, il subsiste par lui-même, c’est à lui que tous les êtres doivent leur existence, il opère en tout et partout. Invisible aux yeux des mortels, il voit lui-même toutes choses, c’est lui que j’invoque, c’est à lui que j’adresse mes vœux et mes prières. Daigne, ô Grand Architecte de l’univers, je t’en conjure, protéger les ouvriers de paix que tu vois réunis ici ; échauffe leur zèle, fortifie leur âme de la lutte fatigante des passions, enflamme leurs cœurs de l’amour des vertus et décide de leurs succès, ainsi que celui de ce nouvel aspirant qui désire participer à nos augustes mystères . Prête à ce Candidat ton assistance et soutiens-le de ton bras puissant au milieu des épreuves qu’il va subir. Amen ».

Dans le Rite de Swedenborg (1870) : à l’ouverture des travaux : « Dieu est dans son Saint Temple. Que toute la Terre fasse silence devant lui !

Au moment où le récipiendaire s’agenouille devant l’autel : « Tout Puissant Dieu, Créateur de l’Univers visible et invisible, nous t’adorons ! Nous te prions ! Et nous cherchons l’aide et les conseils de Ton Esprit et la lumière de Ton Être. »

Ces exemples montrent comment les prières renforcent l’unité et préparent spirituellement les Frères.

Diversité des Prières par Rites Maçonniques

Examinons maintenant la richesse des prières à travers les principaux rites. Chaque rite apporte une tonalité unique, souvent influencée par le christianisme, mais toujours universelle.

Exemples de Prières issues des rituels répertoriées par Thomas Dalet que je reproduis partiellement ici. Je vous invite, bien évidemment, à lire l’intégralité du texte ici

Régime Écossais Rectifié (1782) : Codifié par Jean-Baptiste Willermoz, ce rite intègre des textes officiels empreints de spiritualité chrétienne. Exemple d’ouverture : « Grand Architecte de l’Univers, Être éternel et infini, qui es la bonté, la justice et la vérité même, ô toi qui par ta parole toute puissante et invincible as donné l’être à tout ce qui existe, reçois l’hommage que les frères réunis ici en ta présence t’offrent pour eux-mêmes et pour les autres hommes ; bénis et dirige toi-même les travaux de l’ordre, et les nôtres en particulier ; daigne accorder à notre zèle un succès heureux, afin que le temple que nous avons entrepris d’élever pour ta gloire, étant fondé sur la sagesse, décoré par la beauté, et soutenu par la force qui viennent de toi, soit un séjour de paix et d’union fraternelle, un asile pour la vertu, un rempart impénétrable au vice, et le sanctuaire de la vérité ; enfin, pour que nous puissions tous ÿ trouver le vrai bonheur dont tu es l’unique source, comme tu en es le terme à jamais. Ainsi soit-il ».

Et une prière de clôture :
« Architecte suprême de l’Univers, source unique de tout bien et de toute perfection, ô toi qui as toujours voulu et opéré pour le bonheur de l’homme et de toutes tes créatures, nous te rendons grâce de tes bienfaits paternels, et nous te conjurons tous ensemble de nous les accorder suivant tes desseins sur nous et selon nos propres besoins. Répands sur nous et sur tous nos Frères ta céleste lumière ; fortifie dans nos cœurs l’amour de nos devoirs, afin que nous les observions fidèlement. Puissent nos assemblées être toujours affermies dans leur union par le désir de te plaire et de nous rendre utile à nos semblables. Qu’elles soient à jamais le séjour de la paix et de la vertu, et que la chaîne d’une amitié parfaite et fraternelle soit désormais si forte entre nous que rien ne puisse jamais l’altérer.
Ainsi soit-il. »

Prières spécifiques pour des objets rituels :

Pour la croix :
« Seigneur Dieu tout-puissant, qui as voulu sauver le monde et délivrer le genre humain de l’esclavage de l’ancien ennemi de ta gloire et de son bonheur, par la vénérable croix sur laquelle ton Fils notre divin Seigneur Jésus-Christ a répandu son précieux sang pour notre salut ; nous Te prions d’attacher les vertus de ta sainte bénédiction sur cette croix, qui est destinée pour ton serviteur notre Frère afin qu’elle lui soit un signe de ta divine protection contre les attaques du démon, un aiguillon pour sa foi, un salutaire ressouvenir des fruits de la rédemption, et par là un moyen de force et de consolation dans tous les dangers de sa vie temporelle ; par notre Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne dans les siècles des siècles. » Amen.

Pour l’épée :
Seigneur Dieu tout-puissant, Dieu de justice et de clémence, Toi qui ordonnes et disposes seul de toutes choses ; qui as permis sur la terre l’usage du glaive pour réprimer la malice des méchants et pour faire régner la justice ; qui as armé Toi-même du glaive tes serviteurs que tu as élus pour les faire triompher des ennemis de ta gloire ; exauce nos prières et daigne bénir cette épée dont ton serviteur, notre Frère …… désire d’être armé pour s’en servir au besoin pour la défense de la foi chrétienne, de sa patrie, et de ses Frères dans l’Ordre, et pour la protection des faibles et des opprimés ; bénis-la, Seigneur, pour qu’elle lui soit principalement un signe de la vertu puissante de l’homme que Tu as confirmé dans la foi, contre ses ennemis visibles et invisibles et ceux de Ton Saint Nom. Nous Te prions aussi, Seigneur, de répandre tes saintes bénédictions sur ton serviteur notre Frère, qui va bientôt être ceint de ce signe de la noblesse chrétienne, qu’il a acquise par ses vertus, et qu’elles demeurent éternellement sur lui ; par notre Seigneur Jésus-Christ. » Amen.

Exemples de prières dans différents rites

Rite Écossais Ancien et Accepté (1804) : Ce rite inclut des textes officiels pour l’ouverture et la clôture : « O toi, Grand et Éternel Dieu, Père de la Lumière, de la vie et des mondes, Suprême Architecte qui, de ton trône de pureté céleste vois tous les peuples de la terre, entends et reçois les prières et les pétitions de tes indignes serviteurs maintenant prosternés devant toi; grave dans nos cœurs la connaissance de ton éternelle parole et permets que le but de notre institution puisse être gouverné par les principes de la vertu et de la justice ; défends nous ô Dieu, des pièges des méchants et contre les mauvais desseins de nos ennemis ; donne nous la force de vaincre ceux qui sont armés contre nous, et l’honneur en sera attribué à ton saint et puissant Nom, maintenant et à jamais ». Tous les FF ajoutent « Ainsi soit-il. »

Rite Standard d’Écosse : Centré sur la géométrie sacrée.
« Avant d’ouvrir la Loge au Deuxième Degré, supplions le Grand Géomètre de l’Univers de nous éclairer des rayons de Sa Divine lumière pour nous éclairer dans les sentiers de la vertu et de la science »
«  Toi Dieu Éternel et Omnipotent, qui apparut à ton serviteur Moïse dans un éclair de feu au milieu d’un buisson, nous te supplions d’embraser nos cœurs d’une divine dévotion, de l’amour pour nos Frères et de la charité envers tout le genre humain. Conforte-nous et tout ton peuple de ta divine grâce, guide-nous et aide-nous à construire un Second Temple a Ton Saint Service. Accorde-nous l’entrée dans le Saint des Saints quand se déchirera pour nous le voile du Saint Tabernacle où tu règnes pour les Siècles des Siècles. Amen. »

Rite York : Influencé par des promesses bibliques.
« Très Saint et très glorieux Seigneur Dieu, Grand Architecte de l’Univers, dispensateur de tous bienfaits et de toutes grâces, tu as promis que  lorsque deux ou trois se rassembleront en ton nom, tu seras au milieu d’eux pour les bénir. C’est en ton nom que nous nous sommes assemblés et c’est en ton nom que nous désirons agir dans tout ce que nous entreprenons. Fais que les sublimes principes de la Franc-maçonnerie soumettent toute passion discordante en nous, harmonisent et enrichissent nos cœurs de ton propre amour et de ta propre bonté afin que cette Loge, en cet instant, reflète humblement cet ordre et cette beauté qui règnent à jamais devant ton trône. Amen. »
« Suprême Grand-Prêtre des Cieux et de la terre, nous Te prions humblement d’accorder Ta bénédiction aux buts de notre présente assemblée. Accorde-nous la sagesse pour entreprendre, la force d’âme pour soutenir et la beauté de l’harmonie pour administrer les affaires de ce Chapitre afin que, tous nos actes soient agréables à Ta face. Amen. »
« Ô Toi, Éternel, Omniprésent J.H.V.H., le glorieux et éternel « JE SUIS », permets à Tes créatures frêles, subordonnées et nécessiteuses, d’approcher Ta Divine Majesté. Nous adorons humblement et rendons grâce à Tes perfections ineffables, à Ta bonté et à Ta bienveillance sans limites. Nous T’adorons pour que, au milieu des peines et des calamités de ce monde, nous soient accordés bien des moyens de repos pendant que nous parcourons les sentiers tortueux de la vie. Ô Toi qui, il y a bien longtemps, apparut à Ton serviteur Moïse, dans les flammes du feu qui jaillit d’un buisson, allume, nous T’en supplions, au cœur de chacun d’entre nous, la flamme de la dévotion à Ton Nom, de l’amour entre nous et de la charité envers tout le genre humain. Puisse la solennité des cérémonies de notre institution se graver dans notre esprit et avoir un effet heureux et durable sur notre vie. Enfin, Ô Père miséricordieux, fais que lorsque nous aurons passé les voiles extérieurs de ces parvis terrestres, nous puissions gagner le Saint des Saints, En‑ Haut pour y être admis à l’audience du Grand Conseil Céleste, où le Grand‑ Prêtre Suprême préside et règne à tout jamais. Amen ».
Une prière de guidance : « Puissions-nous être guidés par la Sagesse du Suprême Grand Prêtre, soutenus par Sa Force et incités par la beauté de la vertu à remplir les obligations qui nous sont enjointes ici, de garder inviolés les mystères qui nous y sont dévoilés et, sans faillir, de pratiquer, hors de ce Chapitre, tous les devoirs qui y sont enseignés. » Amen.

Stricte Observance : Rite templier avec invocations trinitaires.
Le Supérieur: -” Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit” Les assistants: -” Amen.” Le Supérieur: -” Au nom du Grand Précepteur, du Grand Prieur et du Supérieur de cette maison, je tiens audience conformément à nos lois.” Les assistants: -” Conformément à nos lois.” Le Supérieur: -” Seigneur, viens à mon aide.” Les assistants: -” Seigneur, hâte-toi de me secourir.” Le Supérieur: -” Gloire au Père et au Fils.” Les assistants: -” Et au Saint-Esprit.” Le Supérieur: -” Comme il en était au commencement et maintenant et à jamais.” Les assistants: -” Et dans les siècles des siècles. Amen.”

Élus Cohens : Rite mystique de Martinez de Pasqually.
« Seigneur ouvre mes lèvres ; et ma bouche annoncera tes louanges. O Dieu ! Viens à mon aide ! Seigneur, Hâte-toi de me secourir. Gloire soit au père, au fils et au Saint-Esprit, comme elle était au commencement, comme elle est maintenant et comme elle sera toujours dans les siècles des siècles. Amen. O Verbe divin! O Jésus ! O Sauveur du monde, je me réunis dans cette heure et dans cet instant, à tous les esprits de la création, qui composent ta céleste cour ; et qui dans ce moment ou tu parcours tous les cercles de l’univers pour y manifester ta gloire, ta justice et ta miséricorde, répètent dans une admirable harmonie, ce cantique : SAINT! SAINT ! SAINT! LE SEIGNEUR LE DIEU DES ARMÉES : LES CIEUX ET LA TERRE SONT REMPLIS DE TA GLOIRE : HOSANNA AU PLUS HAUT DES CIEUX »

Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm avec une particularité : une indéniable influence hindouiste au 26e degré.
«  O très puissant Créateur, plus grand que Brahmâ, nous nous inclinons devant Toi comme Créateur initial, éternel Dieu d’entre les Dieux, Temple du Monde. Tu es l’incorruptible Essence, distinct de toutes les choses éphémères. Tu étais avant tous les Dieux, l’antique Principe, et Tu es la Cause unique de l’Univers. Tu es le Temple suprême et par Toi, ô Forme infinie, l’Univers put connaître son expansion. »
Une explication cosmologique accompagne cette prière en évoquant la Trinité hindouiste (Brahmâ, Vishnu, Shiva) et des symboles numérologiques.

Dénominations du Divin dans les Prières Maçonniques

Le dieu invoqué est généralement présenté comme tout-puissant et éternel, source de bonté, justice et vérité; il est invoqué comme être qui voit tout et à qui l’on adresse ses vœux et prières. Différentes formulations nomment Dieu comme le Créateur, le Père céleste, la source de tous biens et le dispensateur de la vérité.
Le vocabulaire utilisé pour nommer le divin montre une approche humaine et anthropomorphique destinée à faciliter la compréhension et la relation personnelle avec le divin par les maçons.
Ces dénominations reflètent une vision transcendante, bienveillante et universelle du divin, influencée par les religions du Livre (judaïsme, christianisme, islam) et parfois par d’autres traditions.

En voici une recension des termes que j’ai pu répertorier, listés par ordre alphabétique pour plus de clarté.

Architecte suprême de l’Univers: Désigne le divin comme source unique de tout bien et de toute perfection, opérant pour le bonheur de l’humanité et des créatures ; apparaît dans des prières du Régime Écossais Rectifié, soulignant l’aspect créateur et bienveillant.
Créateur de l’Univers visible et invisible : Référence au divin comme Tout-Puissant Dieu, invoqué pour aide et lumière ; issu du Rituel du Rite de Swedenborg (1870), mettant l’accent sur la création des mondes physiques et spirituels.
Dieu bienveillant : Utilisé dans des prières quotidiennes maçonniques (ex. : prière du soir), évoquant un dieu miséricordieux qui protège et accorde la paix.
Dieu de justice et de clémence : Présente le divin comme ordonnateur suprême qui permet l’usage du glaive pour la justice ; apparaît dans une prière pour l’épée dans le Régime Écossais Rectifié, symbolisant équilibre entre punition et miséricorde.
Dieu éternel et inventeur de l’univers créé : Terme ancien de la première prière des francs-maçons français (XVIIIe siècle), décrivant le divin comme architecte et créateur, invoqué pour solidité et mémoire des secrets maçonniques.
Dieu éternel et Omnipotent : Désigne le divin apparu à Moïse dans un buisson ardent ; utilisé dans le Rite Standard d’Écosse, pour enflammer les cœurs de dévotion et charité.
Dieu éternel et tout-puissant : Fréquente appellation pour le Père céleste, source de tous biens et dispensateur de vérité ; présente dans le Régime Écossais Rectifié et d’autres rites, soulignant la création et la sanctification.
Dieu Omnipotent, Omniscient, et Omniprésent : Évoque un dieu pour qui rien n’est caché, purifiant les cœurs ; apparaît dans des prières anglo-saxonnes (Rites Emulation), centrée sur la transparence spirituelle.
Dieu Tout-Puissant et Éternel : Source du bien, de la paix et de la lumière ; invoqué dans le Régime Écossais Rectifié pour remplir les devoirs et exemplifier les vertus.
Dieu Très Miséricordieux : Référence à un dieu clément, utilisée dans des prières anglo-saxonnes pour exemplifier les leçons de la vie et mort du Christ.
Être éternel et infini : Décrit le divin comme bonté, justice et vérité, donnant l’être à tout par sa parole ; central dans le Régime Écossais Rectifié (1782) et le Rite Écossais Ancien et Accepté (1804).
Éternel : Appellation simple et transcendante, souvent associée à J.H.V.H. ou « JE SUIS » ; apparaît dans le Rite de York, symbolisant l’éternité divine.
Éternel, Omniprésent J.H.V.H., le glorieux et éternel « JE SUIS » : Référence biblique (Exode) au nom divin ineffable ; utilisée dans le Rite de York pour approcher la majesté divine.
Glorieux Commandeur des Cieux et de la Terre : Présente le divin comme ordonnateur absolu ; invoqué dans les Rites Emulation pour commémorer des événements bibliques comme le Déluge.
Grand Architecte de l’Univers : La dénomination maçonnique la plus courante (GADLU), symbolisant une puissance créatrice et transcendante ; apparaît dans de nombreux rites (ex. : Rit Ancien 1804, Régime Écossais Rectifié), invoqué pour lumière, fraternité et vertu.
Grand Architecte du Ciel et de la Terre : Variante du GADLU, donateur de dons et grâces ; utilisée dans des prières pour assemblées en son nom.
Grand Emmanuel : Référence christique (« Dieu avec nous ») ; apparaît dans des prières anglo-saxonnes comme capitaine céleste.
Grand et Éternel Dieu : Père de la lumière, de la vie et des mondes ; invoqué dans le Rite Écossais Ancien et Accepté pour graver la parole éternelle dans les cœurs.
Grand Géomètre de l’Univers : Symbolise le divin comme maître de l’ordre géométrique ; utilisé dans le Rite Standard d’Écosse pour éclairer les sentiers de la vertu.
Grand Surintendant de l’Univers : Désigne un superviseur bienveillant ; présent dans les Rites Émulation pour bénir les assemblées et travaux.
Mystérieuse et éternelle Trinité : Référence chrétienne à la Trinité (Père, Fils, Saint-Esprit) ; invoquée dans des prières anglo-saxonnes pour bénir les travaux et accorder foi et zèle.
O Verbe divin ! O Jésus ! O Sauveur du monde : Invocation explicitement chrétienne ; issue des Élus Cohens, unissant les esprits de la création en harmonie.
Rédempteur miséricordieux de l’humanité mortelle : Figure christique promettant présence aux assemblés ; utilisée dans des prières anglo-saxonnes pour diriger les travaux par amour.
Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de Sabaoth : Citation biblique (Isaïe) glorifiant le divin ; apparaît dans les Rites Emulation, remplissant les cieux et la terre de gloire.
Seigneur Dieu tout-puissant : Dieu de justice et clémence, armant les serviteurs ; invoqué dans le Régime Écossais Rectifié pour bénir épées et croix.
Seigneur, notre Père Céleste : Appellation chrétienne comme Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs ; utilisée dans des prières anglo-saxonnes pour favoriser un souverain.
Souverain arbitre des mondes : Désigne le divin comme maître absolu ; présent dans le Rit Ancien (1804), pour humilier les maçons devant sa puissance.
Souverain éternel de l’Univers : Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs ; invoqué dans des prières anglo-saxonnes pour bénir un conclave.
Souverain et Tout-Puissant ordonnateur de toutes choses : Évoque un dieu unificateur ; utilisé dans les Rites Émulation pour accorder la foi et reconstruire le temple.
Suprême Grand-Prêtre des Cieux et de la terre : Image sacerdotale du divin ; apparaît dans le Rite de York pour accorder sagesse, force et harmonie.
Tout Puissant Dieu : Créateur visible et invisible ; invoqué dans le Rite de Swedenborg pour adoration, prière et lumière.
Très glorieuse Trinité dans l’Unité : Variante de la Trinité chrétienne ; utilisée dans des prières anglo-saxonnes pour accorder sagesse et compréhension.
Très puissant Créateur, plus grand que Brahmâ : Rare référence hindouiste au divin comme essence incorruptible et temple du monde ; issue du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm (26e degré).
Très Saint et Glorieux El Shaddaï : Nom hébraïque (« Dieu Tout-Puissant ») ; invoqué pour assemblées en son nom, promettant présence divine.
Très Saint et très glorieux Seigneur Dieu : Grand Architecte dispensateur de bienfaits ; présent dans le Rite de York, citant la promesse biblique de présence.

Écoutez une autre façon de recenser les noms selon leurs attributs et objectifs (en deux parties)

Toutes ces dénominations convergent vers une représentation du divin comme source de lumière, de vertu et d’unité fraternelle

Au-delà des rituels, des prières quotidiennes existent, inclusives et universelles.

· Prière du matin : « Dieu tout-puissant et miséricordieux, donne-nous la force de travailler à la perfection de notre être et de construire notre temple intérieur en harmonie avec les principes de la franc-maçonnerie. Aide-nous à être toujours plus proches de la vérité, de la justice et de la paix. Amen. »
· Prière du soir : « Dieu bienveillant, nous te remercions pour les bénédictions de la journée qui s’achève. Nous te prions de nous protéger pendant la nuit et de nous donner la paix pour que nous puissions nous reposer en toute sécurité. Amen. »
· Prière de la fraternité : « Dieu miséricordieux, nous te prions pour que nous soyons unis dans la fraternité maçonnique et que nous travaillions ensemble pour construire un monde meilleur. Aide-nous à être des instruments de ta paix et de ta justice. Amen. »

Ces prières renforcent la communion fraternelle ; prononcer une prière, c’est assumer une solidarité avec les autres. Prier le « suis » n’est-ce pas pour l’essentiel de se sentir en communion et c’est déjà une manière d’assumer  « je suis bien » avec les autres qui se sentent aussi bien.

Évolution, Controverses et Influences Spirituelles

Le Régulateur du Maçon de 1801, instituant le Rite Français, supprime les prières. De même, dès 1801, les serments se prêtent « sur les statuts de l’Ordre » et « sur cette épée, symbole de l’honneur ». Cela reflète une sécularisation sous l’influence du Grand Orient de France, avec une déchristianisation des rituels et la suppression du GADLU dans certains contextes. Cependant, cela ne reflète pas toute la tradition française antérieure.
Malgré cela, l’influence des Écritures vétéro- et néo-testamentaires persiste : Noé, Melchisédech, Moïse, David, Salomon, Saint Jean, Jésus-Christ… donnent corps aux textes. La Franc-maçonnerie conserve son âme spirituelle, même dans les rites laïcisés (voir l’article Pourquoi les Francs-Maçons du XVIIIe siècle ont accordé une importance particulière à l’Ancien Testament ?).

Les prières en Franc-maçonnerie sont une tradition spirituelle profonde, historique et diverse, reliant les Frères à une quête universelle de vertu et d’unité. Malgré les évolutions laïques, elles préservent l’essence sacrée de l’Ordre, influencée par les religions du Livre et ouverte à d’autres horizons. « Nos prières sont des actes de recherche menant à la connaissance du Divin », comme l’affirme Thomas Dalet à travers ses nombreux articles de recherche sur le sujet.

Il est important de noter que la Franc-maçonnerie est un mouvement non-confessionnel et que les membres peuvent venir de différentes traditions religieuses. Les prières sont donc souvent conçues de manière à être inclusives et à être acceptables pour les membres de toutes les croyances.

Avons-nous besoin d’un transcendant dominant ? Peut-être pas, mais la prière offre un espace de communion fraternelle, sans menace pour rester des cherchants.

[1] La plus ancienne description en langue française d’une initiation maçonnique fut imprimée à Paris par le lieutenant de police René Hérault, seigneur de Fontaine-l’Abbé et de Vaucresson, en décembre 1737 sous le titre Réception d’un Frey-Maçon. Il en aurait obtenu communication par une actrice de l’Opéra, Mlle Carton, dont la correspondance des Maçons français de l’époque assure qu’elle l’avait extorquée d’un Anglais en échange de ses charmes.

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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