sam 27 septembre 2025 - 23:09

Le pardon en Franc-maçonnerie est soit une illusion, soit un mensonge

En Franc-maçonnerie, le pardon est souvent évoqué comme un idéal de fraternité, une vertu permettant de surmonter les conflits et de renforcer l’harmonie au sein de la loge. Pourtant, en s’inspirant de la pensée de Baruch Spinoza, telle qu’exposée dans une récente vidéo pédagogique sur L’Éthique (partie IV, proposition 54), on peut se demander si le pardon, tel qu’il est traditionnellement conçu dans la pensée chrétienne, n’est pas une illusion, voire un mensonge, qui entrave la quête maçonnique de vérité et de perfectionnement.

Examinons pourquoi, selon une perspective spinoziste, le pardon pourrait être incompatible avec les principes fondamentaux de la Franc-maçonnerie.

Le pardon : une entrave à la raison

Dans L’Éthique, Spinoza affirme que :

« le repentir n’est point une vertu, ou ne naît point de la raison ; mais qui se repent de ce qu’il a fait est deux fois malheureux, ou, ce qui est la même chose, impuissant ».

Cette idée, expliquée dans la vidéo, suggère que le pardon, qu’il soit demandé ou accordé, repose sur une conception erronée de la liberté humaine. Spinoza rejette l’idée d’un libre arbitre absolu : nos actes sont déterminés par des chaînes de causes et d’affects. Se repentir ou exiger un pardon revient à s’enfermer dans un cycle de tristesse et de culpabilité, des affects passifs qui diminuent notre puissance d’agir.

Tailleur de Pierres
Tailleur de Pierres

En Franc-maçonnerie, où la recherche de la vérité et l’amélioration de soi par la raison sont centrales, cette critique résonne profondément. Le maçon est invité à « tailler sa pierre brute », c’est-à-dire à travailler sur ses passions pour atteindre une compréhension plus lucide du monde et de lui-même. Le pardon traditionnel, qui repose sur la culpabilité ou la pitié, risque de détourner cet effort. Par exemple, un conflit en loge – une parole maladroite ou une offense – pourrait être abordé par une demande de pardon. Mais, comme l’explique Spinoza, cela ne résout rien :

Le repentir amplifie la tristesse, et le pardon accordé peut n’être qu’une façade, un acte de condescendance qui maintient une hiérarchie émotionnelle entre le « coupable » et le « juge ».

Une illusion qui freine l’harmonie maçonnique

La Franc-maçonnerie prône l’égalité fraternelle et l’union des cœurs dans la quête d’un idéal commun. Pourtant, le pardon classique, tel que décrit dans la vidéo, peut être une illusion qui perturbe cette harmonie. Lorsqu’un frère demande pardon, il se place dans une position d’infériorité, renforçant l’idée d’une faute librement choisie – une fiction selon Spinoza, car nos actions sont toujours déterminées par des causes extérieures et intérieures. De même, accorder le pardon peut sembler généreux, mais Spinoza y voit une forme de pitié, un affect passif qui ne libère ni le donneur ni le receveur.

Ce rituel maintient les parties dans une dynamique de pouvoir, incompatible avec l’idéal maçonnique d’égalité et de compréhension mutuelle.

Imaginons un maçon qui, lors d’un débat en loge, offense un frère par une critique trop vive. La réponse traditionnelle serait une demande de pardon pour apaiser le conflit. Mais Spinoza propose une alternative : comprendre les causes de l’offense – les passions, les malentendus, les idées inadéquates – et agir pour transformer cet affect négatif en une dynamique positive. En loge, cela pourrait se traduire par une discussion ouverte, où l’on analyse l’incident sans jugement moral, pour en tirer une leçon collective. Le pardon, en comparaison, apparaît comme un mensonge : il prétend effacer la faute sans en traiter la cause, laissant les tensions sous-jacentes intactes.

Une alternative spinoziste : la générosité et la joie

Spinoza

Spinoza, comme l’explique la vidéo, propose de remplacer le pardon par des affects actifs : la générosité et la joie. En Franc-maçonnerie, ces notions résonnent avec l’idée de travailler à l’édification du temple intérieur et collectif. Plutôt que de s’enliser dans la culpabilité ou la pitié, le maçon peut adopter une approche rationnelle : comprendre pourquoi un conflit a émergé et agir pour le transformer en une opportunité de croissance. Si un frère offense un autre, il ne s’agit pas de demander pardon, mais de réparer par des actes concrets – une écoute sincère, une proposition d’amélioration, un engagement à mieux comprendre l’autre. Cette démarche augmente la « puissance d’agir » de chacun, un concept clé chez Spinoza, et renforce la fraternité maçonnique par la raison plutôt que par des rituels émotionnels.

Deux hommes dans la dispute
Deux hommes dans la dispute

La vidéo illustre cela avec un exemple profane : un couple qui, au lieu de s’enfermer dans le cycle du pardon, choisit de comprendre les causes de leurs actions pour avancer ensemble. En loge, ce principe s’applique encore plus fortement. La franc-maçonnerie, en tant que voie initiatique, valorise la transformation intérieure par la connaissance de soi et des autres. Le pardon, en s’appuyant sur une vision moralisante du bien et du mal, est un obstacle à cette transformation. Comme Spinoza le souligne, la vertu naît de la raison, pas du regret.

Le pardon : un mensonge face à la vérité maçonnique

Enfin, le pardon peut être vu comme un mensonge dans le contexte maçonnique, car il contredit l’engagement de chercher la vérité. En Franc-maçonnerie, la vérité n’est pas un dogme, mais un processus de dévoilement progressif, obtenu par le travail symbolique et la réflexion. Or, le pardon traditionnel obscurcit ce processus : il prétend résoudre les conflits par un acte symbolique, sans exiger la compréhension profonde des causes. Spinoza nous enseigne que la vérité réside dans la connaissance des déterminismes qui régissent nos actes. En loge, cela signifie reconnaître que les erreurs ou les offenses ne sont pas des fautes absolues, mais des manifestations de nos limites humaines, qu’il faut dépasser par l’intellect et l’action.

Ainsi, le maçon spinoziste ne pardonne pas : il comprend, il agit, il transforme. Si un frère manque à la fraternité, l’idéal n’est pas de lui accorder un pardon qui le maintient dans la culpabilité, mais de l’accompagner dans une réflexion sur les causes de son acte, pour qu’il devienne plus libre et plus fort. Ce processus, loin d’être une illusion ou un mensonge, est au cœur de l’initiation maçonnique : construire, ensemble, un édifice plus solide par la raison et la joie.

Vers une Franc-maçonnerie sans pardon ?

En conclusion, la pensée de Spinoza, telle que décryptée dans la vidéo, invite les Francs-maçons à repenser le pardon. Loin d’être une vertu, il est une illusion qui entretient la tristesse et un mensonge qui masque la vérité. En loge, où l’on cherche à dépasser les passions pour atteindre la lumière, le pardon classique n’a pas sa place.

À sa place, Spinoza propose la générosité, la compréhension et l’action rationnelle – des valeurs qui résonnent avec l’idéal maçonnique d’une fraternité éclairée. Comme le dit Spinoza :

« qui se repent de ce qu’il a fait est doublement malheureux ». Le maçon, lui, choisit la joie active, celle qui unit et élève, sans jamais se mentir.

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Pierre d’Allergida
Pierre d’Allergida
Pierre d'Allergida, dont l'adhésion à la Franc-Maçonnerie remonte au début des années 1970, a occupé toutes les fonctions au sein de sa Respectable Loge Initialement attiré par les idéaux de fraternité, de liberté et d'égalité, il est aussi reconnu pour avoir modernisé les pratiques rituelles et encouragé le dialogue interconfessionnel. Il pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté et en a gravi tous les degrés.

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