mer 24 septembre 2025 - 22:09

Le mot du mois : « Préambule »

Préambule. *prae-, *ambulare. aller devant, précéder. À bonne allure, avec allégresse et alacrité. Peut-être un préalable à une réflexion nourrie ?
Quitte à courir ? Un prodrome ? Tel le vent du Nord-Est ainsi désigné, dans l’Antiquité, comme précurseur des temps de canicule ?
Ou bien « ce qui est dit avant », préface, prolégomènes, prologue ?
Autant de comportements préliminaires, qui s’arrêtent à la limite, sur le seuil.

On serait sans doute tenté de les prendre pour synonymes, mais leurs nuances sont délicates.

Certes, ces mots déclinent la nécessité d’anticiper un événement majeur, en littérature, en politique, par exemple. Avec des intentions diverses. La « chose » ainsi annoncée et devancée est jugée d’une importance fondamentale. Novatrice, inouïe. Dérangeante, qui sait ? Risque-t-elle de soulever des vagues de réticence, de protestation, de refus ? Jugerait-on bon alors de désarmer en amont les préventions ? Quelque « haut-le-corps » ?

Mais l’introduction ne serait-elle pas presque superflue si on veut aller sans détours au cœur du sujet ? Pourquoi certains préambules ont-ils à ce point retenu l’attention que le développement subséquent s’en est vu amoindri, voire délaissé ?

Ainsi en est-il du Préambule de la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, que rédige Olympe de Gouges en 1791. Ou de celui de la Constitution de 1848, qui proclame les principes fondamentaux concernant les droits et les libertés.

Y verrait-on une essentielle solennité ?

Une préface, un prologue, remplissent-ils la même fonction ? Ils conditionnent la lecture à venir, par la louange quasi obligée rédigée par un autre auteur, en général célèbre, ami, connaisseur. Voire par l’auteur lui-même qui prône la démarche qui a présidé à son écriture théâtrale. Avec conviction et fougue, tel Victor Hugo dans sa Préface de Cromwell.

Bien plus qu’une introduction ! De quoi dérouler le tapis rouge qui donnera un lustre certain à « ce qui va suivre »…, avec le risque de plonger dans l’ombre, voire l’oubli, le texte même qui l’a suscitée !

Qui connaît, de nos jours, la tragédie de Cromwell ?

Tout dans le préambule est affaire de mouvement, comme son nom même l’indique.

Est-ce ce qui arrête, retarde, distrait, conditionne ce qui va suivre ? Ce qui met en appétit le lecteur, ou le rassasie ? Une manœuvre d’approche ? Une invitation à l’action ?

On explique sans dévoiler, on titille les papilles. Voici un art très subtil de suggérer le plaisir et l’intérêt en attente, sans la sécheresse d’une table des matières.

Par le Clavecin bien tempéré, Jean-Sébastien Bach offre une alternance de préludes et de fugues. Comme si on « jouait d’abord », avant de prendre la « fuite » ! À chacun de nourrir l’interstice qui l’enchantera…

Poésie si parlante des mots….

Annick DROGOU


Que dire en préambule de ce mot qui invite à l’ambulatoire ? Il n’annonce pas seulement ce qui précède, il ouvre le passage, marche devant nous pour nous introduire. Prologue, prélude, préliminaire, parvis : le préambule n’est pas encore le texte, mais déjà une marche. Il prépare l’oreille et l’esprit, comme l’ambulatoire du temple prépare le regard au sanctuaire. Non pas un décor, mais un seuil. Un point d’appui avant le départ.

Ce préambule, c’est ce que je veux vous dire avant de parler ou écrire, avant de dérouler mon exposé, mes arguments, ma démonstration. Il faut que vous sachiez pourquoi je vais dire ou écrire cela. Après ce préambule, nous pourrons cheminer et je pourrai commencer en « premier lieu », comme faisaient les anciens orateurs qui pratiquaient l’art de la mémoire, et visualiser les différentes parties de leur discours en les localisant.

Dans les lois et les traités, le préambule expose les raisons, dessine l’intention. Dans nos vies, il est ce temps de suspension, l’instant où l’on s’avance avant le franchissement.

Le préambule est un pas qu’on retient et déjà oriente, un détour nécessaire avant l’essentiel. Car on ne va pas droit au centre : il faut marcher autour, prendre force tout en laissant venir.

Et si toute vie n’était qu’un long préambule, une marche d’approche vers un mystère qui toujours nous précède ?

Jean DUMONTEIL

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Annick Drogou
Annick Drogou
- études de Langues Anciennes, agrégation de Grammaire incluse. - professeur, surtout de Grec. - goût immodéré pour les mots. - curiosité inassouvie pour tous les savoirs. - écritures variées, Grammaire, sectes, Croqueurs de pommes, ateliers d’écriture, théâtre, poésie en lien avec la peinture et la sculpture. - beaucoup d’articles et quelques livres publiés. - vingt-trois années de Maçonnerie au Droit Humain. - une inaptitude incurable pour le conformisme.

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