mer 24 septembre 2025 - 22:09

Il regrette d’avoir incendié les Temples maçonniques : condamné à 3 ans et 4 mois de prison

De notre confrère canadien cbc.ca – Par Nick Wells

Benjamin Kohlman, 43 ans, a plaidé coupable en septembre à des accusations d’incendie criminel pour avoir allumé trois incendies en une heure.

Dans les rues brumeuses de Vancouver, une ville où la modernité côtoie les vestiges d’une histoire associative discrète, un fait divers tragique a secoué la communauté au printemps dernier. Le 30 mars, en l’espace d’une heure seulement, trois temples maçonniques emblématiques de la région métropolitaine ont été la cible d’incendies criminels, causant plus de 2,5 millions de dollars canadiens de dommages. L’auteur présumé, Benjamin Kohlman, un homme de 43 ans originaire de la Colombie-Britannique, a été condamné lundi dernier à 40 mois de prison – soit trois ans et quatre mois – par la Cour provinciale de Vancouver.

Ce verdict, prononcé par la juge Laura Bakan, met un point final provisoire à une affaire qui mêle tragédie personnelle, troubles mentaux et vandalisme contre des institutions séculaires. Au-delà du châtiment, cette histoire interroge la fragilité des esprits vulnérables et la résilience des communautés touchées.

Des dégâts sont constatés dans une salle maçonnique de Lynn Valley, à North Vancouver, le 30 mars. (Ben Nelms/CBC)

Une matinée de chaos : le déroulement des faits

Tout a commencé aux premières lueurs du jour, à 6h45 heure locale, lorsque les pompiers de North Vancouver ont été appelés pour un incendie à la Lynn Valley Lodge, un temple maçonnique niché dans les collines verdoyantes de ce quartier résidentiel. Les flammes ont rapidement dévoré une partie du bâtiment historique, forçant son évacuation totale et causant des dommages structurels irréparables. Moins d’une heure plus tard, un second feu a éclaté dans un autre centre maçonnique de North Vancouver, endommageant gravement ses installations. Le troisième et dernier brasier s’est allumé à Vancouver proprement dit, au Park Lodge Masonic Centre, situé près de la rue Rupert et de l’avenue 29e, un lieu chargé d’histoire pour les Frères de la franc-maçonnerie locale.

Les autorités ont rapidement relié ces sinistres : les feux portaient la marque d’un pyromane méthodique, avec des accélérants inflammables utilisés pour maximiser les dégâts. Le bilan est lourd : des artefacts irremplaçables, des bibliothèques entières réduites en cendres, et une perte estimée à plus de 2,5 millions de dollars. Heureusement, aucun blessé n’a été à déplorer, les temples étant vides à cette heure matinale. Mais la peur s’est installée : comment un seul homme a-t-il pu semer un tel chaos en si peu de temps ?

C’est un coup de chance – ou plutôt un réflexe héroïque – qui a permis d’identifier le suspect. Un policier en repos, passant par hasard près du Park Lodge, a aperçu un homme fuyant les lieux, les mains noircies par la suie. Tentant une arrestation immédiate, l’agent s’est retrouvé aux prises avec Kohlman, qui l’a agressé avant de s’échapper dans les rues adjacentes. Traqué par les caméras de surveillance et les patrouilles, le fugitif a été appréhendé quelques heures plus tard à Burnaby, une banlieue voisine. Sur les images granuleuses diffusées par la police, on voit un homme hagard, guidé non par la rage haineuse, mais par une conviction délirante : stopper, selon ses propres mots rapportés plus tard, l’emprise des « Illuminati » via un contrôle mental.

Portrait d’un pyromane tourmenté : l’histoire de Benjamin Kohlman

Benjamin Kohlman

Benjamin Kohlman n’est pas un criminel endurci sorti des bas-fonds de Vancouver. Né et élevé à Nelson, une petite ville minière nichée dans les Rocheuses de la Colombie-Britannique, il a grandi dans l’ombre d’un traumatisme familial dévastateur. À l’âge de cinq ou six ans, son père autochtone a assassiné sa mère avant de se suicider, laissant l’enfant orphelin et confié à la garde de sa tante et de son oncle. « C’est à ce moment que tout a basculé« , confiera plus tard son avocate, Jessica Dawkins, lors de l’audience. Dès 13 ans, Kohlman sombre dans l’alcool et les drogues dures, un refuge précoce contre les démons intérieurs.

À 18 ans, il migre vers Vancouver, la grande ville tentaculaire, où il trouve un semblant de stabilité professionnelle. Pendant deux décennies, il exerce le métier de poseur de plaques de plâtre et de peintre en bâtiment, un labeur physique qui lui permet de subvenir à ses besoins. Sans casier judiciaire avant ces événements, Kohlman passe pour un homme discret, presque invisible dans la mosaïque multiculturelle de la côte Ouest. Mais sous la surface, les voix intérieures gagnent du terrain. Les experts psychiatriques évoqueront une schizophrénie exacerbée par une consommation chronique de substances – méthamphétamines et opioïdes, selon les rapports du tribunal. « Il croyait agir pour le bien commun, pour briser un complot mondial », expliquera la procureure de la Couronne, Jonas Dow, soulignant que les actes n’étaient motivés ni par la vengeance ni par une haine anti-maçonnique, mais par une « situation de santé mentale aggravée par l’abus de substances ».

Lors de l’audience de plaidoyer en septembre, Kohlman, apparaissant par visioconférence depuis la prison, a décliné de s’adresser directement à la cour. À travers son avocate, il a exprimé un remords sincère : « Il m’a dit, sans ambages, qu’il mérite d’être puni« , témoigne Jessica Dawkins. « C’était pour attirer l’attention, pas pour blesser quiconque. » Une déclaration qui a ému la salle, mais qui n’a pas effacé la gravité des faits.

Le verdict : une peine équilibrée entre justice et espoir de réhabilitation

Lundi, dans une salle d’audience bondée du palais de justice de Vancouver, la juge Laura Bakan a prononcé la sentence : 40 mois de détention fédérale. Après décompte du temps déjà passé en cellule depuis son arrestation – environ 18 mois –, il ne reste à Kohlman qu’une vingtaine de mois à purger. La procureure Jonas Dow avait réclamé jusqu’à cinq ans, arguant de la préméditation et des dommages colossaux. La défense, elle, plaidait pour deux à trois ans, insistant sur l’absence d’intention homicide et le profil réhabilitable de l’accusé.

Incendie Vancouver

Dans son jugement, la magistrate a salué l’empathie naissante de Kohlman : « Cela montre qu’il a au moins une certaine conscience du grand préjudice causé. » Elle a toutefois averti des risques de récidive si les addictions n’étaient pas traitées en profondeur. « J’espère qu’il s’attaquera à ses problèmes d’addiction pendant son incarcération« , a-t-elle ajouté, enjoignant les autorités pénitentiaires à un suivi thérapeutique rigoureux. Les autres chefs d’accusation – trois intrusions par effraction, une agression sur agent et un refus d’obtempérer – ont été ajournés, évitant un cumul de peines.

Ce verdict reflète l’approche nuancée du système judiciaire canadien face aux crimes liés à la santé mentale. Contrairement à des affaires plus sensationnelles impliquant des motifs haineux, celle-ci met l’accent sur la prévention plutôt que sur la punition pure. Kohlman, qui pourrait être libéré sous condition en 2027, devra alors naviguer un programme de probation strict, incluant des thérapies obligatoires et une interdiction de proximité avec tout site maçonnique.

Les victimes invisibles : le choc des communautés maçonniques

Au cœur de cette affaire, ce sont les Frères de la franc-maçonnerie de Colombie-Britannique qui paient le prix fort. La Lynn Valley Lodge, fondée il y a plus d’un siècle, n’est plus qu’un squelette calciné, forçant ses membres à se disperser dans des locaux temporaires. Le Park Lodge, bastion de traditions philanthropiques, a vu ses archives – des documents remontant à l’ère coloniale britannique – partir en fumée.

« Ces temples ne sont pas de simples bâtiments ; ce sont des sanctuaires de fraternité, d’entraide et de réflexion philosophique« 

confie un membre anonyme de la Grande Loge de Colombie-Britannique, contacté par notre journal. Avec 2,5 millions de dollars de pertes, l’obédience locale, qui compte des milliers d’adhérents, fait face à une crise financière majeure. Des collectes de fonds ont été lancées, soutenues par la communauté juive et autochtone de Vancouver, soulignant l’engagement caritatif historique des Maçons.

Cette vague d’incendies n’est pas isolée dans l’histoire trouble de la franc-maçonnerie, souvent cible de théories conspirationnistes. Aux États-Unis, des attaques similaires ont visé des loges soupçonnées d’être des nids d' »Illuminati« . À Vancouver, une ville cosmopolite où la Maçonnerie compte sur sa discrétion pour prospérer, cet épisode ravive les peurs. « Nous reconstruirons, plus forts« , assure le Grand Maître provincial dans un communiqué sobre. Mais le traumatisme persiste :

des veillées silencieuses ont été organisées, et des experts en sécurité recommandent désormais des mesures renforcées pour ces lieux symboliques.

Au-delà des flammes : réflexions sur une société fragile

Ce fait divers, loin d’être un simple titre en Une, éclaire les fissures d’une société où la santé mentale et les addictions forment un cocktail explosif. Au Canada, où un adulte sur cinq souffre de troubles psychiques, les Kohlman pullulent : des âmes perdues, ballottées par un système de santé surchargé. La Colombie-Britannique, avec sa crise des opioïdes – plus de 2 500 morts en 2023 –, amplifie ces drames. « C’est une situation de santé mentale provoquée par l’abus de substances de M. Kohlman », martèle Jonas Dow, appelant à plus de ressources préventives.

À l’international, cette affaire résonne avec les débats sur la criminalisation des actes délirants. En France, où la franc-maçonnerie féminine ouvre justement ses portes ce week-end pour un « Temple Ouvert » à Paris – une invitation à la transparence et au dialogue –, on suit l’événement avec inquiétude.

« La Maçonnerie, partout dans le monde, est un phare d’humanisme ; attaquer ces lieux, c’est nier la quête de lumière« , commente un initié parisien.

Pour Vancouver, la cicatrice reste vive. Tandis que les travaux de reconstruction débuteront sous peu, Benjamin Kohlman entame son chemin vers la rédemption. Espérons que, des cendres de ces temples, naîtra une vigilance accrue pour protéger non seulement les pierres, mais les esprits fragiles. Un rappel poignant :

Dans l’ombre des complots imaginaires, c’est la solidarité réelle qui triomphe.

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Pierre d’Allergida
Pierre d’Allergida
Pierre d'Allergida, dont l'adhésion à la Franc-Maçonnerie remonte au début des années 1970, a occupé toutes les fonctions au sein de sa Respectable Loge Initialement attiré par les idéaux de fraternité, de liberté et d'égalité, il est aussi reconnu pour avoir modernisé les pratiques rituelles et encouragé le dialogue interconfessionnel. Il pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté et en a gravi tous les degrés.

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