lun 22 septembre 2025 - 22:09

La Pierre d’Ac

Chronique d’une mort annoncée

Ce récit n’est pas une rupture soudaine. C’est le fruit d’un glissement lent, d’un effacement discret, d’une parole ignorée. Il est né dans les prémices d’une discussion, là où les silences pèsent plus que les discours. Il ne raconte pas une démission, mais une transmutation. Celle d’un frère devenu Ombre, non par choix, mais par nécessité.

I – La Rencontre au Zénith : Dialogue entre l’Ombre et le Gardien des Silences

Dans la pénombre feutrée du convent, là où les colonnes semblent écouter plus qu’elles ne soutiennent, l’Ombre avance. Elle ne cherche pas la lumière, elle la soupçonne. Et surtout, elle cherche la pierre d’Ac, cette assise spirituelle que l’on dit inébranlable, mais que nul ne semble avoir vue sans détour.

Au zénith, glisse Le Gardien des Silences. Sa démarche est incertaine, mais son regard est fixe. Il ne vole pas, il suggère. Il ne parle pas, il consigne.

Il est le scribe du convent, celui qui consigne les silences et archive les soupirs. Mi-ombre mi-lumière, mi-solennel mi-sarcastique, il connaît les rituels, les phrases qui ne veulent rien dire mais qui font consensus.

L’Ombre : « Empereur, je viens chercher la pierre d’Ac. On dit qu’elle est ici, quelque part entre les minutes du convent et les interlignes du silence. »

Le Gardien des Silences (avec un sourire qui ne quitte jamais le coin de son bec) : « La pierre d’Ac ? Elle est là, bien sûr. Juste derrière le rideau des intentions. Mais attention, elle glisse. Comme moi. »

L’Ombre : « Est-ce une épreuve ? Une énigme ? Un jeu ? »

Le Gardien des Silences : « C’est un peu tout cela. Et surtout, c’est une illusion bien réelle. Tu la verras quand tu ne la chercheras plus. Tu la tiendras quand tu accepteras de la perdre. »

Le Silence

La pierre d’Ac, posée là entre eux, ne dit rien. Elle est témoin. Elle absorbe les mots, les regards, les silences. Elle ne juge pas, mais elle pèse. Elle est le centre invisible autour duquel tourne toute la scène.

L’Ombre : « Alors je dois glisser aussi ? »

Le Gardien des Silences : « Non. Tu dois apprendre à tomber avec élégance. C’est tout l’art du convent. »

II – Interlude : L’Apparition du Grand Pingouin

Alors que l’Ombre s’apprête à saisir la pierre, un frisson traverse les colonnes. Un être étrange glisse entre les interlignes du convent. Il ne marche pas, il patine. Il ne parle pas, il ponctue. C’est le Grand Pingouin.

Son jabot est brodé de devises oubliées, son regard est fixe, mais son esprit semble ailleurs, peut-être dans les archives, peut-être dans les marges.

Le Grand Pingouin : « Tu cherches une réponse. Mais tu n’as reçu qu’un écho. Une formule creuse, un “du moment que tu payes tes capitations”… Voilà ce que j’ai consigné. »

L’Ombre : « Tu es le gardien ? »

Le Grand Pingouin : « Non. Je suis le témoin. Celui qu’on ne convoque jamais, mais qui apparaît quand le verbe se dérobe. »

Il tourne autour de la pierre d’Ac, la frôle sans la toucher. Puis il s’arrête, et dans un souffle presque imperceptible :

Le Grand Pingouin : « La lumière visible ne convient pas à tous. Certains naissent dans l’ombre pour y tailler leur vérité. »

Et comme il est venu, il repart. Sans bruit. Sans trace. Mais son passage a laissé une fissure dans le silence, celle d’un aveu que nul n’a voulu formuler.

III – La Transmutation de la Pierre

Vieil alchimiste dans son laboratoire
Vieil alchimiste dans son laboratoire

Le Soleil est un réacteur à fusion naturel qui transmute les éléments légers en éléments plus lourds

La pierre d’Ac repose entre eux. Elle semble d’abord brute, rugueuse, indomptée. L’Ombre l’observe, hésite à la toucher, comme si elle pouvait le brûler ou le révéler.

Le Gardien des Silences (avec un ton presque cérémoniel) : « Elle est brute, comme toi. Comme moi. Comme tout ce qui commence sans savoir où ça finit. »

L’Ombre : « Et comment devient-elle pierre finie ? »

Le Gardien des Silences : « Par le choc. Par le doute. Par le silence. Elle ne se taille pas à coups de certitudes, mais à l’aide d’un ciseau forgé dans l’humilité. »

L’Ombre tend la main. La pierre semble changer sous ses doigts. Elle n’est plus tout à fait la même. Elle s’adoucit, se polit, comme si elle reconnaissait le geste. Ou peut-être est-ce l’Ombre qui change, et la pierre ne fait que suivre.

Le Gardien des Silences : « Tu vois… elle ne glisse plus. Elle s’ancre. Elle devient ce qu’elle doit être. Pas ce que tu voulais qu’elle soit. »

Un murmure traverse les colonnes. Rien d’articulé, juste une vibration. La pierre d’Ac, désormais taillée, reflète une lumière douce, celle qui ne vient ni du zénith ni du nadir, mais du centre, là où l’Ombre devient passage.

IV – La Chute des Masques

Plume sur table

La pierre d’Ac, désormais taillée, renvoie une lumière douce. Pas celle du zénith, mais celle du dedans. L’Ombre la contemple, et dans son éclat, quelque chose se fissure.

Le Gardien des Silences recule d’un pas. Son bec tremble légèrement. Il ne glisse plus. Il vacille.

L’Ombre : « Elle te regarde aussi, tu sais. Elle ne distingue pas les titres, seulement les visages. »

Le Gardien des Silences (la voix moins assurée, presque humaine) : « Je ne suis pas le zénith. Je suis un point de passage. Une plume dans le vent du convent. »

Il retire son jabot. Il ne reste qu’un frère, un homme, un être en quête, un initié sans costume, mais non sans chemin. L’éminence grise devient « gris » tout court. Et dans ce gris, il y a de la vérité.

L’Ombre : « Alors tu n’étais pas le gardien ? »

Le Gardien des Silences : « Non. Juste le scribe. Celui qui écrit ce que les autres taisent. Celui qui glisse pour éviter de tomber. »

Un silence. Mais cette fois, ce n’est pas un silence codé. C’est un silence vrai. La pierre d’Ac pulse doucement, comme si elle respirait.

L’Ombre : « Et maintenant ? »

Le Gardien des Silences : « Maintenant, je tombe. Mais je tombe droit. »

V – L’Intervention du GADLU

Le convent s’est figé. Ni Ombre ni Gardien ne bougent. La pierre d’Ac pulse doucement, comme si elle appelait. Et dans ce silence qui n’est plus vide, un souffle descend. Il ne vient ni du zénith ni du nadir. Il vient du centre. Du point sans lieu. Du nom sans forme.

Une voix s’élève. Elle n’a pas de timbre, mais elle résonne dans chaque colonne, chaque interligne, chaque fibre du convent.

Le GADLU : « Frères, Ombres, Gardiens, déchus… Vous avez joué avec les masques, taillé la pierre, glissé entre les mots. Mais avez-vous lu le rituel ? Non pas pour le réciter, mais pour l’entendre. »

Un frisson traverse les voûtes. Le Gardien des Silences baisse les yeux. L’Ombre se redresse.

Le GADLU : « Le rituel n’est pas un manuel. C’est un miroir. Il ne vous dit pas quoi faire. Il vous montre ce que vous êtes quand vous croyez savoir. »

La pierre d’Ac s’illumine brièvement. Non pas d’une lumière éclatante, mais d’un reflet discret, celui d’un mot oublié.

Le GADLU : « Vous cherchez la vérité dans les titres, dans les rôles, dans les phrases codées. Mais la vérité ne se cache pas. Elle se tait. Elle attend que vous cessiez de parler pour exister. »

Un silence. Pas celui des colonnes. Celui du cœur.

Le GADLU : « Le rituel est un chant. Il ne se lit pas. Il se danse. Il ne se récite pas. Il se respire. Il ne s’imprime pas, il s’incarne. Et surtout… il ne s’impose pas. Il s’offre. »

Puis, comme il est venu, le souffle se retire. Il ne laisse ni trace ni dogme. Juste une vibration. Une page ouverte. Et une pierre qui respire.

I      – Le Gardien des Silences et la Pierre d’Ac

Fable initiatique à la manière de La Fontaine

Un gardien des silences, perché, Au zénith du convent, siégeait sans défaut. Son jabot bien lissé, son regard plein d’éclat, Il croyait voir tout, du sommet de son plat.

L’Ombre, elle, rampait dans les plis du silence, Cherchant la pierre d’Ac, loin des apparences.

« Rien ne sert de voler, dit-elle sans éclat, Quand la lumière naît là où l’on ne la voit pas. »

L’Empereur, surpris, glissa sans panache, Son verbe s’effaça, son masque fit relâche. La pierre, entre eux, se tailla sans bruit, Et chacun vit l’autre, sans rôle, sans appui.

Moralité : Rien ne sert de voir de si haut, Quand tout se joue en bas, dans le creux des mots. La sagesse ne brille pas dans les titres dorés, Mais dans l’ombre qui ose, et dans la pierre taillée.

– Post-scriptum : Le Poids du Miroir

P.S. Ce récit est une œuvre de fiction symbolique. Toute ressemblance avec des personnes existantes, ayant existé ou ayant rejoint l’Orient éternel serait pure coïncidence… ou simple jeu de miroir. La pierre d’Ac ne juge pas. Elle pèse.

2 Commentaires

  1. Il s’agit là d’un récit étoffé de grandes révélations telle une narration d’un procès en vue d’une élection .
    J’apprécie particulièrement les images et le style empruntés afin de révéler les méandres judiciaires enfouis dans l’alcôve des dignitaires ;
    pas besoin de requérir l’anonymat des contemporains car votre plume précieuse jette des éclaboussures dans l’air et le vent l’emporte jusqu’à différentes destinations.
    Merci cher Gérard Lefèvre pour cette discrète révélation.

    Très respectueusement…

    • Il est rare que les éclats d’une plume trouvent si naturellement leur écho dans une lecture attentive. Vous avez su capter les courants souterrains, les images en tension, et les silences qui parlent plus que les noms. Ce que vous en retenez me touche profondément, car cela signifie que le souffle a voyagé, sans se perdre.
      Merci pour cette réception qui ne dissèque pas, mais qui respire.
      Très fraternellement,
      Gérard

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Gérard Lefèvre
Gérard Lefèvre
En parlant de plume, savez- vous que l’expression “être léger comme une plume” signifie ne pas peser plus lourd qu’une plume et pouvoir soulever quelqu’un ou quelque chose avec une grande facilité ? C’est une belle métaphore pour exprimer la légèreté et la facilité. Et puis, être une plume peut aussi signifier autre chose. On n’est pas seulement « plume », on est « plume de… ». Parfois, on propose à quelqu’un qui a une audience, un public, et pas forcément le temps, ou parfois pas forcément la compétence d’écrire pour être compris et convaincant à l’oral. Alors, que choisir? Être ou ne pas être une plume ? Gérard Lefèvre Orient de Perpignan

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