« Al filh de la lutz » – aux fils de la lumière. C’est par ces mots gravés sur l’enseigne d’une auberge de Montségur que s’ouvre Testament de Guy-Philippe Dufour. Nous aimons particulièrement ce début, où la langue gasconne méridionale, enracinée dans la terre d’Occitanie, résonne comme une formule de reconnaissance.


Ce n’est pas seulement un nom d’estaminet, c’est un signe de ralliement, un appel à ceux qui cheminent dans la nuit pour chercher la lumière. L’auteur installe d’emblée son lecteur dans un univers où chaque mot est plus qu’un mot, où chaque inscription devient symbole, où le visible dissimule l’invisible.
Avec Testament, le lecteur acceptede se laisser entraîner dans une longue marche initiatique, une quête qui prend la forme d’un récit romanesque mais qui, sous l’apparente simplicité du voyage, se révèle une méditation profonde sur le sens de la vie, de la mort et de la lumière. Le texte, porté par Philippe Amaury de Guilhem, pèlerin sans âge, se déploie comme une fresque intérieure où chaque halte, chaque rencontre, chaque parole échangée devient pierre posée dans l’édifice invisible de la sagesse.

La nuit d’agapes à Montségur, au pied du Pog illuminé par les flammes du bûcher cathare, n’est pas seulement une scène de mémoire, elle est un rituel de passage où la mort se transmue en vie, où l’histoire douloureuse se fait ferment d’un espoir universel. Nous sentons que le récit se situe toujours dans cet entre-deux où la temporalité profane se dissout dans l’éternité du symbole, où les convives de l’auberge deviennent des archétypes, des Frères intemporels qui nous rappellent que le vrai banquet est celui du partage et de la lumière.
Ce roman se lit comme une succession d’épreuves initiatiques. Chaque étape est un degré, chaque interlocuteur un miroir tendu à l’errant, chaque parole une clé ouvrant une porte. Le colporteur Jobert, les saltimbanques bohèmes, le mystérieux Inconnu de Montségur ou encore Haïm le sage dans sa caravane, tous sont figures de compagnonnage spirituel. Ils enseignent l’art de discerner, de transformer les signes du quotidien en symboles vivants, de comprendre que la vérité ne se conquiert pas par des dogmes mais par la fraternité, l’amour et la compassion.Dans cette succession d’épisodes, nous retrouvons la méthode initiatique de la franc-maçonnerie et de l’hermétisme : l’errance, la rencontre, le silence, le partage, le passage de l’ombre à la lumière. Les mots de Guy-Philippe Dufour, chargés d’images poétiques, résonnent comme des mots de passe. Ils rappellent que la sagesse n’est pas un point d’arrivée mais un chemin, que l’Agapè est plus qu’un repas, qu’elle est communion universelle, égrégore vivant qui relie les hommes aux étoiles et les générations les unes aux autres.

La force de ce livre réside dans sa manière d’entrelacer l’histoire et la légende, le souvenir des Parfaits et la voix des Bohémiens, les pierres de Montségur et le désert du Sinaï. Tout converge vers l’idée que la Jérusalem véritable est intérieure, qu’elle ne se trouve pas derrière des murailles de pierre mais au plus intime de l’âme. Ce que nous lisons est un testament au sens fort : une transmission, une injonction à ne pas laisser s’éteindre le tison du bûcher cathare, à garder vivant l’esprit des agapes de lumière. Guy-Philippe Dufour nous rappelle que l’homme est un pèlerin de l’éternel, que le voyage importe plus que le but, et que dans chaque rencontre se cache une étincelle de vérité. Le roman, ainsi, devient miroir de nos propres voyages intérieurs, nous invitant à transformer nos pas quotidiens en chemins initiatiques.

Guy-Philippe Dufour, écrivain engagé dans la voie de l’ésotérisme et de la littérature initiatique, inscrit avec Testament une œuvre qui dialogue avec les traditions hermétiques, la mémoire cathare et l’esprit maçonnique. Ses précédents travaux, marqués par une attention aux symboles, à l’histoire sacrée et à la transmission spirituelle, trouvent ici une forme de maturité, comme si l’auteur, à travers la voix de son pèlerin, nous offrait non pas un roman au sens courant, mais un livre-chemin, un viatique pour l’âme. Sa plume tisse l’histoire avec la poésie, l’expérience intime avec la méditation universelle. C’est une œuvre qui s’adresse moins à l’intellect qu’au cœur et à l’esprit, un appel à réveiller la flamme de l’Agapè dans nos vies.
Avec cet ouvrage, qui ne se résume donc pas à parcourir un récit, nous entrons dans un labyrinthe de symboles, suivre un pèlerin à travers les siècles, entendre la voix des anciens et des voyageurs, et recevoir à notre tour l’injonction de transmettre. Nous ressortons de cette lecture comme d’une tenue, emplis de silence et de lumière, avec le sentiment que quelque chose a été confié à notre vigilance. Ce livre n’est pas une fin mais une invitation, un héritage qui nous presse d’agir, de vivre et de chercher. Il nous rappelle, dans une langue habitée, que nous sommes tous des fils de la lumière et que notre tâche est de ranimer sans cesse la flamme fraternelle au cœur des hommes.

Testament
Guy-Philippe Dufour – Éditions L.O.L., coll. Mystère initiatique, 2025, 244 pages, 11 € – Format Kindle 6 €