Le Cas Éclairant de Luc Julia
En Franc-maçonnerie comme dans toute communauté humaine, le conformisme et la loyauté aveugle à des croyances ou pratiques désuètes, voire dénuées de sens, sont des phénomènes persistants. Ces dynamiques, ancrées dans les lois immuables du groupe social, fonctionnent comme un mécanisme de survie collective : dès qu’un membre ose se désolidariser, il est souvent exclu pour préserver l’unité de la « meute ». Ce système favorise l’émergence de pseudo-gourous ou de doctes professeurs qui deviennent des références culturelles, bibliographiques, techniques ou historiques incontestées.

Ils se transforment en guides, pour ne pas dire en oracles, aveuglant ainsi l’ensemble du troupeau, trop absorbé par sa propre mise en conformité. Ce mécanisme peut perdurer des années, hypothéquant l’évolution de l’Art Royal – cette quête initiatique de sagesse et de perfection – en empêchant toute diversité des points de vue qui pourrait assurer sa vitalité et sa survie dans un monde en mutation.
Ce propos est inspiré d’une réflexion critique sur ces dynamiques. Il propose d’ausculter ces phénomènes sans rejeter en bloc les spécialistes reconnus de la franc-maçonnerie. Au contraire, il s’agit d’examiner au plus près leurs compétences pour en extraire l’essence de leurs motivations véritables. Combien de ces figures profitent-elles de fonctions prestigieuses, de reconnaissances institutionnelles ou même de revenus conséquents, tout en œuvrant activement à étouffer toute contestation ou remise en question de leurs savoirs ? Nous les retrouvons dans le domaine de l’histoire maçonnique, de l’instruction en loge, et même dans le compagnonnage ou la taille de pierre, où certains, n’ayant jamais manié le moindre outil, se comportent en inquisiteurs du XVe siècle, imposant un dogme rigide au nom d’une prétendue tradition dont ils sont les seuls à possèder les clés… et les Rituels.

Pour éviter une galerie de portraits accusateurs que chacun reconnaîtrait sans peine, examinons plutôt un cas emblématique : les déclarations d’un spécialiste mondial, mais surtout français, qui fait actuellement la une des journaux. En transposant l’art de la déclaration vraie et indiscutable dans son domaine – l’intelligence artificielle (IA) – à celui de la maçonnerie, nous pourrons mieux appréhender la nécessité de soumettre au filtre du doute toutes les affirmations des nouveaux prophètes médiatiques.
Pour ancrer cette chronique, visionnez cette vidéo critique dédiée à Luc Julia, un expert (non Franc-maçon) en IA souvent présenté comme un « pape » du secteur. Elle liste des arguments pertinents qui invitent à une analyse rigoureuse, sans pour autant dicter une opinion. Chacun se fera son idée sur Luc Julia ; notre rôle n’est pas de juger, mais d’encourager un scepticisme méthodique. Appliquez ce même filtre avec la même rigueur aux spécialistes maçonniques évoqués ci-dessus, et même aux dirigeants de nos obédiences – un exercice salutaire pour revitaliser l’Art Royal.
Les lois immuables du groupe : conformisme et exclusion en Franc-maçonnerie

La franc-maçonnerie, comme toute institution initiatique, repose sur des rituels et des symboles qui favorisent l’unité fraternelle. Pourtant, cette cohésion peut virer au conformisme paralysant. Inspiré des travaux sociologiques de Gustave Le Bon (Psychologie des foules, 1895), ce phénomène s’explique par la dynamique de groupe : l’individu, pour être accepté, adhère à des normes collectives, même si elles sont obsolètes. Dans les loges, cela se traduit par une loyauté inconditionnelle à des pratiques héritées du XVIIIe siècle, comme les rituels verbeux ou les interprétations figées des symboles (équerre, compas, pierre brute). Un maçon dissident, qui propose une lecture moderne – par exemple, intégrer l’écologie ou l’IA dans les planches philosophiques –, risque l’exclusion sociale ou rituelle, préservant ainsi la « meute » au prix de la stagnation.

Historiquement, cette inertie a freiné l’évolution de l’Art Royal. Lors des Convents du XVIIIe siècle, des débats sur l’admission des femmes ou la laïcité ont été étouffés par des « barons » influents, comme certains Grands Maîtres qui monopolisaient les interprétations des Anciens Devoirs d’Anderson (1723). Aujourd’hui, 60 % des obédiences françaises peinent à attirer les jeunes en raison de ce conservatisme, qui rejette toute diversité de vues. Le compagnonnage, allié symbolique de la maçonnerie, illustre cela : des « experts » auto-proclamés, sans pratique réelle de la taille de pierre, imposent des dogmes rigides, transformant un héritage vivant en relique muséale.
Les pseudo-gourous : motifs cachés et enjeux de pouvoir

Au cœur de ce système, les « oracles » maçonniques – historiens, instructeurs ou compagnons théoriciens – profitent souvent de leur statut pour consolider leur pouvoir. Combien d’entre eux, confortablement installés dans des fonctions lucratives (conférences payantes, ouvrages édités par des presses affiliées), bloquent-ils toute remise en question ? Prenez l’exemple des « petits barons » en histoire maçonnique : certains, n’ayant jamais fouillé les archives du XVIIIe siècle, se posent en références absolues, citant des sources douteuses pour défendre des thèses essentialistes. Dans le domaine de l’instruction, des professeurs autoproclamés dispensent des leçons figées, citant sans trop comprendre les apports contemporains comme la psychologie jungienne appliquée aux symboles (Carl Gustav Jung, Psychologie et alchimie, 1944), mais ignorent totalement le sens profond du symbolisme maçonnique et ses répercutions sur la pratique en Loge et au dehors.
Le compagnonnage offre un cas d’école : des figures qui, sans avoir accompli le Tour de France traditionnel, ni mis les pieds sur un chantier opératif, se comportent en inquisiteurs, excluant les innovations comme l’utilisation d’outils numériques pour la taille assistée. Ces barons, motivés par le prestige ou les revenus (ventes de livres, formations, instructions…), évitent les analyses critiques, perpétuant un cercle vicieux qui hypothèque l’évolution de l’Art Royal vers une diversité enrichissante.
Le cas de Luc Julia : un filtre pour juger les « prophètes » maçonniques

Pour illustrer ce danger, tournons-nous vers Luc Julia, ingénieur franco-libanais et « père de Siri », dont les déclarations sur l’IA font les gros titres. Dans une vidéo récente analysée par CheckNews de Libération (août 2025), Julia affirme que « l’intelligence artificielle n’existe pas vraiment » et que les modèles comme ChatGPT ne sont que des « algorithmes statistiques » sans compréhension profonde. Présenté comme un oracle incontestable – avec son CV impressionnant chez Apple, Samsung, Renault –, Julia incarne le spécialiste qui, par charisme et expertise passée, impose une vision réductrice, minimisant les avancées en deep learning et en apprentissage automatique.

Transposons cela à la maçonnerie : imaginez un historien maçonnique affirmant que les rituels du REAA (Rite Écossais Ancien et Accepté) sont « immuables et quasi divins », ignorant les adaptations nécessaires aux enjeux modernes comme l’inclusion ou l’éthique environnementale. Comme Julia, qui sous-estime les percées de GPT-4 (OpenAI, 2023) au nom d’une expertise antérieure, ces barons maçonniques bloquent l’évolution. La vidéo critique de Julia ci-dessus liste des arguments solides : biais de confirmation (Kahneman, Thinking, Fast and Slow, 2011), conflits d’intérêts (chez Samsung, concurrent des leaders en IA générative), et une vision obsolète face à l’explosion des LLM (modèles de langage large). Selon un rapport de McKinsey (2024)
70 % des experts en IA changent d’avis sur les tendances ; Julia, figé, illustre le risque de l’oracle infaillible.

Appliquer ce filtre à la maçonnerie signifie questionner : un spécialiste historique qui monopolise les archives sans partage numérique mérite-t-il son aura ? Un dirigeant d’obédience qui étouffe les débats sur la mixité est-il un guide ou un frein ? Les Entretiens d’Été 2025, avec la conférence de François Deymier le 28 août (« Migrations… Odyssées du Vivant »), explorent justement ces migrations intellectuelles, invitant à un doute constructif face aux « transferts d’intelligence » – humaine ou artificielle.
Vers une Franc-maçonnerie revitalisée : le doute comme vertu initiatique

Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas d’exclure les spécialistes, mais de les ausculter pour extraire l’essence de leurs motivations. L’Art Royal, fondé sur la quête de vérité (comme dans les Constitutions d’Anderson), prospère par le doute cartésien, non par le dogme. Des obédiences progressistes, comme celles participant aux Entretiens d’Été (organisés par le Collège Maçonnique avec Alain-Noël Dubart et Marie-Thérèse Besson), montrent la voie : des débats ouverts sur l’IA.
En conclusion, le conformisme maçonnique, comme celui des oracles médiatiques, menace la survie de l’institution. En appliquant le filtre du doute – inspiré du cas Julia –, nous pouvons transformer ces barons en véritables guides, assurant à l’Art Royal une évolution dynamique. Visionnez la vidéo sur Julia, testez vos propres références maçonniques. C’est ainsi que la franc-maçonnerie renaîtra, fraternelle et éclairée.
Sources documentées :
- Le Bon, Gustave, Psychologie des foules, 1895.
- Kahneman, Daniel, Thinking, Fast and Slow, 2011.
- Libération, « CheckNews : Luc Julia raconte-t-il n’importe quoi ? », août 2025.
- McKinsey Global Institute, Rapport sur l’IA, 2024.
- Flyer des Entretiens d’Été 2025, Collège Maçonnique.
- Anderson, James, Constitutions of the Free-Masons, 1723.
- Jung, Carl Gustav, Psychologie et alchimie, 1944.
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