La couverture de La Voie du Maître Maçon d’Olivier C. de Lespinats est déjà un seuil initiatique. Le chemin forestier, plongé dans la pénombre mais traversé par les rayons d’un soleil naissant, évoque la route intérieure du franc-maçon : une avancée dans l’ombre où la lumière, peu à peu, s’impose et sculpte l’espace.

La nature se fait alors temple, les troncs d’arbres deviennent colonnes, et les faisceaux lumineux rappellent ces lames célestes qui pénètrent l’âme lorsqu’elle s’ouvre à une vérité plus haute. Cette image n’est pas un simple décor, mais une métaphore puissante de l’expérience initiatique. Marcher sur ce chemin, c’est accepter d’être conduit de l’opacité à la clarté, de l’errance à l’élévation, de la dispersion du multiple à l’unité intérieure. Le titre inscrit en lettres blanches sur la terre obscure semble dire que la maîtrise ne se conquiert que dans l’épreuve du réel, mais qu’elle est toujours orientée vers la lumière.
L’ouvrage, fidèle à son titre, explore la voie du Maître non comme une acquisition définitive mais comme un cheminement, une ouverture toujours recommencée. Olivier Chebrou de Lespinats montre que la Maîtrise n’est pas un état figé, mais une marche, une ascension qui suppose sacrifice, dépouillement et transmission. Le Maître n’est pas celui qui possède, mais celui qui offre et transmet. La légende d’Hiram, cœur du grade, devient chez lui plus qu’un récit fondateur : elle est un miroir tendu à chaque initié, l’invitant à mourir à ses illusions pour renaître à une vérité plus vaste.

Le meurtre d’Hiram par les trois compagnons, symboles des passions dévorantes, met en scène cette exigence de vaincre les ténèbres intérieures. La mort initiatique est alors un passage obligé vers une renaissance qui n’est pas promesse d’immortalité mais éveil à une conscience élargie. À travers cette lecture, nous retrouvons les correspondances avec les grandes figures spirituelles universelles, d’Osiris à Jésus, rappelant que la voie maçonnique s’inscrit dans la continuité d’une humanité en quête de lumière.
Olivier Chebrou de Lespinats ne se contente pas de commenter le mythe. Il en dévoile la portée existentielle. La Maîtrise est cette exigence de dépasser l’ego, d’abandonner les métaux qui nous encombrent pour accueillir l’humilité, la patience et la sagesse. Ce dépouillement est une ascèse intérieure, une alchimie de l’être où chaque défaut transmuté devient une pierre de lumière. Le Maître ne règne pas, il rayonne. Il n’impose pas, il inspire. Sa marche est jalonnée de signes et de pas qui ne sont pas de simples formalités rituelles, mais des gestes habités, autant de seuils qui inscrivent dans la chair et dans l’esprit le souvenir de la transformation. Le huitième pas, symbole de l’infini, dit que l’initiation n’a pas de fin, que la quête est illimitée. La Voie du Maître est donc ouverture perpétuelle, au-dedans et au-delà.
Ce qui frappe dans l’ouvrage, c’est la constante articulation entre intériorité et responsabilité. Devenir Maître, c’est construire son temple intérieur, mais c’est aussi participer à la construction du Temple universel. La sagesse acquise n’est pas une jouissance privée, elle est destinée à irriguer la Loge et le monde. Le Maître incarne une éthique de la transmission : il veille sur les apprentis et les compagnons, les guide avec bienveillance et les encourage à devenir eux-mêmes des porteurs de lumière. Son exemplarité se mesure moins à son savoir qu’à sa capacité à incarner les vertus de justice, d’humilité et de fraternité. Le Maître est le pont entre l’intérieur et l’extérieur, entre la Loge et la Cité, entre la tradition et la modernité. La Maîtrise est alors un service, une offrande, une mission.
L’ensemble de l’ouvrage résonne comme un chant initiatique, une méditation sur le sacrifice et la renaissance, sur la discipline intérieure et la responsabilité universelle. Il convoque l’alchimie en filigrane, lorsque l’ego est transmuté en humilité, lorsque la mort symbolique ouvre sur la vie intérieure. Il évoque la mystique chrétienne, lorsqu’il cite saint Jean de la Croix et la nuit obscure de l’âme. Il s’accorde avec l’hermétisme, lorsqu’il voit dans le Maître l’architecte de son temple intérieur, microcosme reflétant le macrocosme. En ce sens, ce livre n’est pas une simple exégèse maçonnique, il est une véritable traversée de l’esprit, où chaque page invite à méditer sur notre propre cheminement. Nous sortons de cette lecture comme d’un rituel, transformés, enrichis, rappelés à notre propre devoir d’initiation continue.

La richesse de ce texte tient aussi à la personnalité de son auteur. Olivier Chebrou de Lespinats, humaniste spiritualiste et chevalier du XXIe siècle, a consacré plus de trente-cinq années à l’étude des rites et des symboles, qu’ils soient ésotériques, mystiques, spirituels ou psychologiques. Son parcours est celui d’un homme qui a choisi de mettre l’Homme au centre de sa quête, en plaçant la transmission au cœur de sa mission. Historien reconnu, il a publié de nombreux ouvrages sur l’histoire des Haras, qui lui valurent le Prix « Spécial Haras Nationaux », et il fut nommé en 2005 Historien du Cheval, participant à l’émission de Stéphane Bern sur Marengo, le cheval de Napoléon. Passionné par l’histoire chevaleresque et spirituelle, il a également écrit plusieurs livres consacrés à l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, ce qui lui valut le Prix « Réginald Attard » en 2019. Il dirigea la revue Le Messager de la Croix Verte, et poursuivit une recherche sur les continuités spirituelles et humanistes des ordres chevaleresques. Son parcours fut couronné par la Médaille d’Or de la Renaissance Française pour sa contribution à la culture, à la solidarité et à la francophonie. Décoré de la Médaille de la Défense Nationale, de la Médaille d’Or pour acte de courage et de la Médaille d’Honneur et de Reconnaissance du patriarche d’Antioche et de Jérusalem, Olivier Chebrou de Lespinats incarne une fidélité chevaleresque et spirituelle qui prolonge dans notre temps l’idéal ancien de service et de transmission.

Ainsi, à travers ses écrits comme à travers son engagement, Olivier Chebrou de Lespinats ne cesse de faire résonner une voix claire et fraternelle : celle d’un chercheur de vérité qui refuse l’enfermement dogmatique et qui invite chacun à franchir le seuil. La Voie du Maître Maçon est l’expression de cette quête et de cette fidélité. C’est un livre à la fois rigoureux et méditatif, un livre qui ne s’adresse pas seulement aux Maîtres, mais à tous ceux qui désirent comprendre que la vie initiatique est un chemin de lumière, qu’elle exige le courage du dépouillement et la joie du partage. Ce n’est pas un manuel, c’est un compagnon de route, un miroir dans lequel nous pouvons contempler nos ombres et nos espérances, un appel à marcher plus avant, dans la forêt lumineuse de l’esprit.
La voie du Maître Maçon
Olivier Ch. de Lespinats
Éditions L.O.L., 2025, 182 pages, 11 € – Format Kindle 5 € – Pour commander
