lun 06 octobre 2025 - 16:10

Pour réconcilier le rituel maçonnique avec une pensée moderne

Fondamentalement le rituel maçonnique initial, inspiré des anciennes traditions, se fonde sur la symbolique de la mort et de la réincarnation. Nous mourrons deux fois symboliquement. Une première fois c’est la mort au monde profane ; la deuxième fois c’est la mort de l’initié sous les coups des « mauvais » compagnons qui sont en fait ceux qui vont permettre la réincarnation. Comme d’habitude le rituel nous tend des pièges dans lesquels les ignorants vont tomber.

Ensuite, par la réincarnation, nous devenons un autre être qui n’a plus de limite temporelle

Contrairement à la réincarnation vécue dans le bouddhisme, la réincarnation maçonnique nous élève et nous projette dans un monde de perfection. Théoriquement, une fois le processus réalisé et effectué, nous somme autre chose et le rituel n’a plus d’intérêt.

Cette compréhension du rituel maçonnique explique l’originalité de notre démarche et la difficulté que l’on peut avoir à la vivre. Dans un monde rationnel, la mort signifie la fin et le néant. Les catholiques vivent la résurrection du Christ comme une espérance pour eux-mêmes.

La réincarnation maçonnique a un effet immédiat. Lorsque le processus s’est réalisé l’initié est sur la voie. Il n’a besoin de personne car il sait.

Le seul problème provient du respect du rituel. Si le rituel n’est pas respecté, il ne se passera rien. En revanche, si le rituel est suivi à la lettre, c’est le merveilleux qui se manifeste ! La première condition c’est naturellement la préparation du candidat (de la candidate).

L’ordre social disparaît, les valeurs sociétales n’ont plus d’intérêt, notre destin nous oriente sur un autre chemin : nous sommes destinés à vivre l’éternel.

Vivre c’est attendre la mort. La mort, si le rituel est bien appliqué, s’avère salvatrice. J’imagine certains d’entre vous s’exclamer « Mais qui peut croire ces fadaises » « Encore un délirant mystique »

Effectivement, cela peut sembler incroyable et pourtant c’est le sens profond du rituel maçonnique initial avant qu’il n’ait dérivé vers une fausse ressemblance avec l’aventure christique.

La perte de sens que l’on a pu observer explique le mal être ressenti par nombre de maçonnes et de maçons devant les chamailleries entre les soi-disant dynamiques symbolique et sociale.

Faux problème que tout cela.

A la vérité le contenu symbolique des deux morts suivies par une réincarnation donne un véritable sens au processus initiatique. Non pas un sens à l’eau de rose tel qu’on peut l’entendre. Le sens de la libération pour vivre l’essentiel.

Le changement peut devenir une réalité qui éblouit. Tout s’arrête et l’être nouveau apparaît. Au diable, les contingences matérielles, l’être nouveau n’a pas besoin de convaincre, il est. C’est cette potentialité explosive de l’initiation maçonnique qui a fait peur à tous les potentats de dogmes transformant les candidats en esclaves.

Le côté extraordinaire de cette réflexion, c’est son adéquation avec une pensée moderne qui rejette les faux semblants d’une société industrielle sans âme.

Le philosophe Alain aborde ce sujet à sa manière mais il me semble intéressant de le citer :

« L’homme est courageux ; non pas à l’occasion, mais essentiellement. Agir c’est oser. Penser c’est oser. Le risque est partout ; cela n’effraie point l’hom­me. Vous le voyez chercher la mort et la défier ; mais il ne sait point l’attendre. Tous ceux qui sont inoccupés sont assez guerriers par l’impatience. Ce n’est pas qu’ils veuillent mourir, mais c’est plutôt qu’ils veulent vivre. Et la vraie cause de la guerre est certainement l’ennui d’un petit nombre, qui voudraient des risques bien clairs, et même cherchés et définis, comme aux cartes. Et ce n’est point par hasard que ceux qui travaillent de leurs mains sont pacifiques ; c’est qu’aussi ils sont victorieux d’instant en instant. Leur propre durée est pleine et affirmative. Ils ne cessent pas de vaincre la mort, et telle est la vraie manière d’y penser. Ce qui occupe le soldat, ce n’est pas cette condi­tion abstraite d’être sujet à la mort, mais c’est tel danger et puis tel autre. II se pourrait bien que la guerre fût le seul remède à la théologie dialectique. Tous ces mangeurs d’ombres finissent toujours par nous conduire à la guerre, parce qu’il n’y a au monde que le danger réel qui guérisse de la peur. »

Sources : Propos sur le bonheur, 1928, XV « Sur la mort » 

14 Commentaires

  1. Jugements et négativité. Où sont tolérance, fraternité, écoute de l’autre? La vision de notre frère m’a intéressée, m’a donné à réfléchir et je l’en remercie.

  2. Le simple titre de l’article « Réconcilier le rituel avec la pensée moderne » témoigne de l’incompréhension du rôle d’un rituel maçonnique. Il est intemporel ou a-temporel.
    Vouloir le rendre « compatible » est une profanation au sens littéral du terme, en faire un objet profane.
    «  une fois le processus réalisé » … s’il s’agit de l’initiation comme début, tout commence et tout reste à faire. S’il s’agit de l’initiation folle chemin, il reste a le parcourir. Et s’il s’agit de devenir un initié parfait, c’est l’inaccessible étoile.
    Dommage d’être à ce point dans le contresens initiatique.

    • Je comprends que ce ne soit pas facile d’aborder une nouvelle approche de l’initiation maçonnique qui sorte des sentiers battus du discours traditionnel ! Mais je suis convaincu qu’avec un peu de réflexion vous allez comprendre ! Fraternité !

    • Mon TCF Merlin75, je suis globalement d’accord avec toi, si je peux recevoir le contenu de l’article comme une opinion estimable, son titre me paraît plutôt inadéquat.
      Déjà le terme de modernité est profondément étranger à une démarche maçonnique qui recherche l’absolu. Ce terme implique en effet une relativité temporelle : chaque époque possède sa modernité, celle des années 60 n’est pas celle d’aujourd’hui qui n’était pas celle de la fin du XIXème siècle. Cela me fait penser à ces Hôtels Modernes que l’on rencontre dans la France profonde avec leurs façades démodées, parfois un brin décrépies et qui n’ont plus rien de modernes… sauf le nom. Une Maçonnerie qui se veut quête de sagesse et d’universalité n’a que faire de la modernité du moment.
      Ensuite il y a le terme de pensée. Se limiter à recevoir les rituels avec l’organe de la pensée et notamment de la pensée discursive c’est compliquer terriblement, voire se priver du processus d’imprégnation spirituelle qui est le mode d’action des rituels. L’appropriation intime et intuitive de la Lumière, de la Connaissance est un processus qui s’adresse à l’Être global bien au-delà du discursif. Un rituel en action bien mené et bien reçu nous parle au-delà des mots qui eux même y prennent une valeur symbolique et sacrée. C’est pour cela que l’apprenti qui lit cet article ou n’importe quel bouquin sur le grade ne devient en aucun cas un initié Maitre, et s’il se l’imagine, il peut aussi bien rester chez lui à parcourir et commenter 450.FM que venir en Tenue.

      Et pour finir il y a cette injonction de réconciliation… ce qui suppose que le ou les Rituels soient fâchés avec notre temps. Mais pour abonder dans ton sens Merlin, les rituels n’ont de sens que pour, par et dans le temps et l’espace sacré de la Tenue qui ont été ouverts par l’invocation finale du Vénérable Maitre à la fin du rituel spécifique. A partir de ce moment on est hors du temps profane et vouloir réconcilier ce qui va s’y passer avec la temporalité, nous l’avons vu, profondément relative d’une modernité profane, n’a pas de sens dans le cadre du paradigme Maçonnique… ou ne devrait pas en avoir.

      • C’est vrai que le concept de modernité peut être sujet à caution ! Je l’utilise essentiellement pour signifier que toute pensée humaine peut être soumise à l’analyse dialectique ! Les processus initiatiques n’échappent pas à cette possibilité et vouloir les exempter est le propre de la pensée dogmatique ! Vouloir limiter l’intérêt du rituel au temps de la tenue est la spécificité du théâtre pas du Sacré ! Fraternité !

    • « Vouloir le rendre « compatible » est une profanation au sens littéral du terme, en faire un objet profane. »
      Certes, ne pourrait-on pas moderniser le rituel (les gestes) tout en gardant le rite (l’esprit ?).
      Pourquoi garder l’épée ? Au XVIIIè seuls les nobles avaient le droit de porter l’épée. Le permettre en loge annoblissait tous les FF. Aujourd’hui que les nobles ne se promènent pas avec une épée (ni un pistolet !) pourquoi la garder ?
      Et si un couvre-chef protège symboliquement le VM de la puissance du GADLU, et les MM l’ont pour affirmer leur puvoir, pourquoi garder ce ridicule tricorne ?
      Un M ou VM du RER, sans épee et couvert d’un feutre serait-il moins christique ?
      Et quant aux grotesques gesticulations des libations à l’agape, elles ont fait fuir plus d’un sujet de qualité.. (et ceci à tous les rites).

      • Les Rituels peuvent paraître « désuets » à certains FF ou certaines SS ; pour ma part, je considère qu’ils représentent , dans leurs mots et gestes, un des piliers (si j’ose dire) de la solennité nécessaire à l’intégration, la mise en conditions, l’ouverture de l’esprit à l’Égrégore, et à la compréhension.
        Un petit coup de Ripolin de temps en temps suffit !
        Je suis aussi très attachée aux symboles et à la transmission.

        • Merci MTCF pour ta contribution. Ce que tu appelles « un petit coup de Ripolin » est un véritable défi car ce n’est pas facile de reformuler certaines phrases du rituel qui pourraient apparaître « vieillottes ». Pailleurs, rappelons que toutes les recherches qui ont pu être faites quant au contenu des rituels ont tendance à montrer que ce n’est pas le contenu qui importe mais l’injonction rituélique. C’est d’ailleurs pour cette raison que tous les rituels se valent quel que soit leur contenu ! Fraternité !

    • Tous mes écrits témoignent de mon intérêt et de mon attachement à la franc-maçonnerie ! Je suis convaincu qu’il y a parmi nous de nombreuses sœurs et frères qui ne comprennent pas très bien ce qui se passe. Les « pédagogues » de la démarche maçonnique n’ont transmis qu’une interprétation souvent personnelle. Partager un point de vue que seuls ceux qui vivent le rituel peuvent comprendre n’est pas à mon humble avis un parjure ! Fraternité !

  3. joli article mais je lui reprocherais une seule chose. dévoiler au AppApp ce qui va se passer et c’est dommage car sans parler de secret maçonnique, cela gâche la surprise. d’autant plus que la plupart d’entre nous, aime chercher ce qu’il/elle ne comprends pas 😉

    • Tu as raison mon frère mais comme cela a été dit souvent, tant de choses ont été écrites ! Je te remercie pour ton appréciation ! Fraternité !

      • Pettite anecdote : quand je suis passé du RER à l’émulation (pour cause de mutation), je suis allé à la boutique de la GLNF (en face de Pisan). Boutique profane ouverte à tous. J’ai demandé les livrets de tous les degrés. On m’a mis les 3 tomes sur la table. Quand, étonné, j’ai demandé « mais vous me les vendez sans contrôle de ma position ? et si j’étais journaliste, oiu policier ? » le vendeur a souri…

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Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre d'une loge du GODF à l'orient de Vichy Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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