Dans l’éclat tamisé d’une chandelle, où les ombres dansent sur les murs comme des murmures d’un passé immémorial, le Grand Guide du Tarot de Marseille d’Henri Ramoneda se dévoile tel un palimpseste, un texte sacré où chaque mot, chaque image, semble vibrer d’une vérité ancienne et pourtant éternellement neuve. Ce n’est pas un simple ouvrage que nous tenons entre nos mains, mais un seuil, une porte ouverte sur les arcanes d’un mystère qui transcende le temps, un voyage initiatique où l’âme, guidée par les symboles, s’aventure dans les profondeurs de l’être et de l’univers.

Henri Ramoneda, avec une érudition aussi subtile que passionnée, nous convie à pénétrer le sanctuaire du Tarot de Marseille, non pas comme de simples spectateurs, mais comme des pèlerins en quête de lumière, prêts à décrypter les énigmes gravées dans les lames et à entendre les échos d’une sagesse qui résonne depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.
Henri Ramoneda, dont la plume semble trempée dans l’encre des anciens alchimistes, n’est pas un inconnu dans les cercles où l’on médite sur les symboles et les mythes. Né sous le ciel méditerranéen, il porte en lui l’héritage des bâtisseurs de cathédrales, des poètes de la Renaissance et des penseurs hermétiques qui ont façonné l’âme de l’Italie et de la France. Ses travaux antérieurs, explorant les civilisations antiques et leurs échos dans les arts divinatoires, témoignent d’une quête incessante pour relier le visible à l’invisible, le profane au sacré. Outre ce Grand Guide, il a offert aux chercheurs de vérité des ouvrages tels que Les Mystères du Tarot et L’Esprit des Cathédrales, où il tisse des ponts entre l’histoire, la spiritualité et l’ésotérisme. Sa méthode, rigoureuse mais jamais aride, s’appuie sur une connaissance intime des textes anciens, des mythologies et des traditions initiatiques, qu’il éclaire d’un regard à la fois savant et intuitif.
Henri Ramoneda n’écrit pas pour expliquer, mais pour inviter. Il ne dissèque pas les symboles, il les fait chanter, les laissant résonner dans l’âme du lecteur comme les cordes d’une lyre sacrée. Dans ce Grand Guide du Tarot de Marseille, Henri Ramoneda ne se contente pas de décrire les vingt-deux arcanes majeurs et les cinquante-six arcanes mineurs. Il les fait vivre, les anime d’une présence presque palpable, comme si chaque carte était une étoile dans une constellation cosmique, un miroir de l’âme humaine et divine.

Le Tarot, tel qu’il nous le présente, n’est pas un simple outil divinatoire, mais une cartographie de l’esprit, un chemin initiatique où chaque lame est une étape, un degré dans l’ascension vers la connaissance de soi et du monde. Nous sommes saisis par la richesse des allégories qu’il déploie, puisant dans les mythes gréco-romains, les traditions chrétiennes et les courants ésotériques pour révéler la profondeur des figures du Tarot. Le Bateleur, par exemple, n’est pas seulement l’initié audacieux qui jongle avec les forces de l’univers ; il est aussi l’archétype de l’Hermès, celui qui, par son astuce et son éloquence, défie les limites du possible. La Papesse, quant à elle, incarne la sagesse silencieuse, la gardienne des mystères voilés, dont le livre sacré qu’elle tient entre ses mains semble murmurer des vérités que seuls les initiés peuvent entendre.

Ce qui frappe dans l’approche d’Henri Ramoneda, c’est sa capacité à tisser une toile où chaque fil symbolique s’entrelace avec une précision maçonnique. Le Tarot de Marseille, tel qu’il le dévoile, est un temple vivant, construit selon les proportions harmoniques des nombres sacrés, où chaque carte est une pierre angulaire, polie par les siècles et chargée d’une énergie spirituelle. Nous y retrouvons l’écho des trois grandes périodes qu’il explore avec une érudition lumineuse : l’Antiquité, le Moyen Âge et la Renaissance. Ces époques, loin d’être de simples jalons historiques, deviennent sous sa plume des étapes d’un voyage alchimique, où l’âme humaine, tel le plomb transmuté en or, s’élève vers une compréhension plus haute. L’Antiquité, avec ses oracles étrusques et ses mythes cosmogoniques, pose les fondations. Le Moyen Âge, avec ses quêtes chevaleresques et ses cathédrales gothiques, érige les murs ; et la Renaissance, avec son foisonnement intellectuel et artistique, couronne l’édifice d’une lumière nouvelle, incarnée par des figures comme Léonard de Vinci ou François Ier, dont l’influence sur le Tarot Visconti-Sforza est finement analysée.

La dimension maçonnique de l’ouvrage est omniprésente, bien que jamais explicitement nommée, car Henri Ramoneda, bien que non maçon, parle le langage des symboles avec la discrétion d’un maître qui guide sans imposer. Les arcanes majeurs, tels qu’il les décrit, sont autant de degrés initiatiques, des épreuves et des révélations qui rappellent les rituels de la franc-maçonnerie. L’Empereur, par exemple, avec son sceptre et son trône, évoque la stabilité du maître maçon, celui qui, par sa volonté et son audace, impose l’ordre au chaos. La Justice, avec sa balance et son épée, incarne la rectitude morale et l’équilibre des forces, un écho des vertus cardinales chères aux traditions initiatiques. Même le Mat, cet errant sans numéro, semble porter en lui le paradoxe du pèlerin maçonnique, libre de toute attache, mais guidé par une étoile intérieure.
Henri Ramoneda nous invite à lire ces lames comme des miroirs de l’âme, où chaque figure reflète une facette de notre propre quête, une invitation à polir la pierre brute de notre être pour en faire une pierre taillée, digne du temple universel.

L’ouvrage ne se limite pas à une exégèse des cartes ; il est une méditation sur l’acte même de la divination, un art qui, selon Henri Ramoneda, repose sur l’intuition, l’empathie et le savoir. Nous sommes transportés dans un univers où le Tarot devient un langage universel, un pont entre le visible et l’invisible, entre l’individu et le cosmos. Les références aux traditions hermétiques, aux mythologies grecques et aux symboles chrétiens s’entrelacent avec une fluidité qui évoque la danse des astres. L’Impératrice, par exemple, n’est pas seulement une figure de fécondité et de pouvoir ; elle est aussi une réminiscence d’Aphrodite, d’Isis, et de la Vierge Marie, une déesse mère dont la présence irradie l’amour et la création. De même, l’Amoureux, avec son dilemme entre deux chemins, rappelle les choix existentiels auxquels tout initié est confronté, un écho du mythe d’Hercule au carrefour, où la vertu et le vice s’affrontent dans une lutte éternelle.

Ce qui rend ce Grand Guide si singulier, c’est la manière dont Henri Ramoneda parvient à équilibrer l’érudition et la poésie, l’analyse et l’intuition. Chaque arcane est exploré avec une minutie qui n’étouffe jamais l’élan contemplatif. Nous sommes invités à regarder au-delà des apparences, à pénétrer, comme le disait Athéna à Persée, le reflet des choses plutôt que leur surface. Cette invitation à voir l’invisible, à entendre l’inaudible, est au cœur de l’expérience initiatique que propose l’ouvrage.
Le Tarot, sous la plume d’Henri Ramoneda, devient une voie de transformation, un miroir où l’âme peut contempler ses propres mystères, ses ombres et ses lumières. Les descriptions des arcanes, riches en détails iconographiques, ne sont pas de simples analyses ; elles sont des méditations, des portes ouvertes sur l’intériorité, où chaque symbole devient une clé pour déverrouiller les secrets de l’existence.

L’ouvrage n’est pas sans évoquer les grandes œuvres ésotériques du passé, comme celles du Franc-Maçon Antoine Court dit Court de Gébelin (1728 – 1784), zélé partisan des principes des physiocrates, ou de l’ecclésiastique Alphonse-Louis Constant (1810 – 1875), dit Éliphas Lévi, figure de l’occultisme, mais il s’en distingue par sa modernité et son accessibilité.

Henri Ramoneda ne cherche pas à enfermer le Tarot dans une doctrine rigide. Il le libère, le rend vivant, en le reliant aux aspirations universelles de l’humanité. Nous y trouvons une réflexion sur la condition humaine, sur notre besoin de transcendance, sur notre quête de sens dans un monde souvent chaotique. Le Tarot, nous dit-il, n’est pas une fin, mais un moyen, un guide pour naviguer dans les méandres de l’existence, un compas pour l’âme égarée.

Cette perspective, profondément humaniste et spirituelle, résonne avec les idéaux maçonniques de fraternité, de vérité et de perfectionnement de soi. En refermant ce Grand Guide du Tarot de Marseille, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Nous avons traversé un temple de papier, où chaque page est une voûte étoilée, chaque mot une pierre taillée avec soin.
Henri Ramoneda, investigateur inlassable et tel un architecte de l’invisible, nous a guidés à travers les arcanes, non pas pour nous perdre, mais pour nous permettre de nous retrouver. Son ouvrage est une œuvre d’art, un chant d’amour à la sagesse ancienne, un appel à écouter la voix intérieure qui murmure dans le silence des symboles. Pour le pèlerin, qu’il soit maçon ou simple chercheur de vérité, ce livre est une lumière dans l’obscurité, une étoile polaire dans la nuit de l’âme, un guide pour ceux qui osent s’aventurer sur le chemin de la connaissance.

Grand Guide du Tarot de Marseille
Henri Ramoneda – Le compas dans l’œil, coll. L’initié(e), 224 pages, 22 €
le substrat du tarot est orphico-dionysiaque,
démonstration ici: https://www.youtube.com/watch?v=dbCizFc2oYw&t=30s
et réponses aux objections ici: https://www.youtube.com/watch?v=4NiXjiZoH30