De notre confrère belge sudinfo.be
Ce second week-end d’août 2025, la petite cité de Bouillon (Belgique) a vu ses ruelles pavées se transformer en un théâtre d’Histoire. Comme si le temps s’était déchiré, laissant jaillir des siècles oubliés, la ville s’est emplie de fer et de soie, de rumeurs anciennes et de parfums oubliés.
Sous les murailles imposantes du château fort, des Templiers venus de Suisse avançaient en formation, capes blanches au vent et croix rouges éclatantes, silhouettes droites comme si nulle époque ne les avait altérées. On eût dit qu’ils revenaient d’une croisade, porteurs d’un mystère que le tumulte moderne ne saurait entamer. Leurs épées étincelaient au soleil d’été comme un écho d’acier des pages de Chrétien de Troyes.
Plus bas, sur les places bondées, les Italiens de Canossa déroulaient leur faste en habits précieux. Dames voilées, seigneurs drapés d’hermine, porte-étendards colorés — leur cortège portait dans ses plis le souvenir des intrigues du Saint Empire, des messagers allant implorer ou défier le Pape, de Mathilde, duchesse insoumise. L’italien roulait sur les pavés, aussi doux que le vin qu’on servait dans les tavernes reconstituées.
Mais voici que surgissaient des rires stridents, des chuchotements inquiétants : les sorcières s’étaient glissées parmi la foule. Robes noires, mèches folles, yeux luisants comme la braise des bûchers passés… Elles murmuraient de fausses malédictions aux passants en éclatant d’un rire envoûté. Sous les arcades et au détour d’une venelle, on pouvait tomber sur un pseudo-procès improvisé, où l’accusée — malicieuse — savait bien retourner le jugement à son avantage.

Autour de la Semois, sur les campements historiques, le monde médiéval reprenait vie : forgerons courbés sur leur enclume, maîtres d’armes enseignant à de jeunes écuyers, herboristes vantant des potions contre les mauvais esprits. Dans les airs, un fauconnier lâchait son rapace qui fendait le ciel comme une flèche vivante. Le soir, la ville s’embrasait au rythme de musiques anciennes, des jongleurs de feu peignant dans la nuit mille éclats mouvants.
Ainsi, le temps d’un week-end, Bouillon n’était plus une ville du XXIᵉ siècle, mais le carrefour vibrant de dix siècles d’Histoire et de légendes. On repartait le cœur rempli de chants, de couleurs et d’échos d’épées, avec cette étrange impression d’avoir non pas assisté à une fête… mais traversé une porte vers un autre monde.