Pour les croyants, et en particulier dans la religion chrétienne, le mystère désigne le plan divin de salut conçu par Dieu de toute éternité, révélé par Jésus-Christ. Chacun connaît la phrase de la liturgie catholique « il est très grand le mystère de la Foi ». La notion de mystère a été développée dans le christianisme en rapport avec une conception néotestamentaire et plus particulièrement paulinienne du mystère – c’est-à-dire inspirée de la pensée de Saint-Paul selon laquelle le mystère s’identifie avec la révélation de Dieu en Jésus-Christ et la résurrection de ce dernier.
Ce n’est pas de ce mystère-là que l’Apprenti Franc-maçon est en quête, au moins dans la spécificité de la démarche qu’il entreprend en étant initié.
En fait, ce n’est aujourd’hui aucune de ces deux acceptions du mot « mystère » que nous allons explorer. Remarquons que ce mot « mystère » est au singulier, ce qui le différencie du mot « mystères » qui désigne un enseignement mystique, caché à ceux qui n’y sont pas initiés.

Il nous faut donc commencer par définir ce qu’est un enseignement mystique.
L’adjectif « mystique » qualifie les pratiques et les croyances visant à une union entre l’homme et la divinité. Il sert à qualifier ou à désigner des expériences spirituelles de l’ordre du contact ou de la communication avec une réalité transcendante non discernable par le sens commun.
Pour Corbin et Scholem, il existe bien deux histoires : l’histoire quotidienne, apparente, qui déplie son canevas d’événements sous nos yeux, et l’histoire sacrée, invisible, qui agit sur un autre plan de la réalité, celui de l’âme :
« Le symbole mystique est la représentation exprimable de quelque chose qui se trouve au-delà de la sphère d’expression et de communication, quelque chose qui vient d’une sphère dont la face est, pour ainsi dire, tourné à l’intérieur et en dehors de nous. »
« Mystique » vient de l’adjectif grec μυστικός (mustikos). C’est un mot de la même famille que le verbe μυέω (muéô) qui signifie « initier, enseigner », d’où dérive aussi, bien sûr, le nom μυστήριον (mustérion) qui a donné « mystère ». Mais ce verbe μυέω (muéô) dérive lui-même du verbe μύω (múô), qui veut dire fermer, clore. C’est ce qui signifie « travailler à couvert » ou encore « enfermons nos secrets dans un lieu sûr et sacré »…
Evoquons ici une célébration empreinte de spiritualité, en même temps qu’une expérience initiatique, l’accès à des enseignements de l’ordre du sacré et du divin, donc réservés à ceux qui en étaient jugés dignes.

Nous allons en effet évoquer les célébrations organisées chaque année dans la ville d’Éleusis, en l’honneur de la déesse Déméter.
Éleusis était une petite cité de l’Attique à une vingtaine de kilomètres à l’ouest d’Athènes, en bordure de mer. La grande cité l’avait annexée au VIIème siècle avant notre ère.
De toutes les fêtes grecques de l’Antiquité, la plus célèbre était celle qui y était organisée en l’honneur de Déméter, déesse de l’agriculture, des moissons et de la fertilité du sol.
Déméter était la fille de deux Titans, Cronos et Rhéa. Cronos (à ne pas confondre avec Chronos) lui-même était le fils d’Ouranos, le Ciel et la Vie, et de Gaia, la Terre. Ouranos et Gaia, divinités primordiales du Ciel et de la Terre, formaient le premier couple divin de la mythologie.
Cronos avait épousé sa sœur Rhea, considérée comme déesse de la fertilité.
Cronos et Rhéa eurent six enfants, dont Zeus, mais aussi Hestia, la déesse du feu et du sacré, Héra, protectrice des femmes, déesse du mariage, gardienne de la fécondité du couple et des femmes en couches, Hadès, maître des Enfers, Poséidon, dieu de la Mer et des Océans et finalement Déméter, la déesse de l’agriculture et des moissons.

Déméter eût plusieurs enfants, dont Perséphone appelée également Corê, ce qui signifie « la jeune fille ». Les dieux ne se souciaient guère de l’inceste ni des mariages consanguins.
Quand Hadès, souverain des morts, enleva sa nièce Perséphone alors qu’elle cueillait des fleurs, pour l’épouser et en faire la reine des Enfers, sa sœur Déméter, qui était donc la mère de cette Perséphone, partit à la recherche de sa fille.
Elle prit à cet effet la forme d’une vieille femme nommée Doso, et erra pendant neuf jours et neuf nuits. Mais elle avait dû, pendant ce temps, délaisser les récoltes de la Terre. Se rendant compte qu’une famine menaçait les mortels, Zeus décida d’envoyer son messager Hermès à Hadès pour lui demander de rendre Perséphone à sa mère.
Mais Hadès était rusé. Il avait fait manger à Perséphone, sa fiancée captive, sept pépins d’une grenade qu’il lui avait offerte. Elle ignorait que c’était un piège pour la garder avec lui, car il était établi que quiconque mangeait dans le royaume des morts ne pouvait plus le quitter.
Zeus, le dieu suprême, fut ému du sort ainsi réservé à Perséphone ; il obtint qu’elle passât l’hiver aux Enfers et le reste de l’année avec sa mère. C’est ainsi que débuta, selon la mythologie grecque, le cycle des saisons.
Or il se trouve qu’en cherchant sa fille sous le nom et l’apparence de la vielle Doso, Déméter, qui n’avait pris aucune nourriture ni aucune boisson depuis le début de sa quête, avait pu trouver un abri chez Céléos, roi d’Éleusis. Celui-ci avala convainc de mettre fin à son jeûne en lui offrant une coupe de kykéon, une boisson à base de vin, d’orge et de fromage de chèvre râpé. C’est pour le remercier que Déméter initia Céléos aux mystères et lui enseigna l’agriculture.
Cette histoire a été chantée dans les Hymnes homériques – 33 – À Déméter sur lesquels nous reviendrons plus tard.
Plus exactement, Déméter, pour transmettre aux humains l’art et les techniques des semis et du labour, choisit de les enseigner à Triptolème, l’un des deux fils du roi Céléos, à charge pour Triptolème de transmettre cet art au reste des humains. Certaines traditions rapportent que Déméter lui aurait aussi donné des grains de blé afin qu’il les répande sur la Terre.

On comprend donc pourquoi Déméter était célébrée par les habitants de villes et des villages grecs. Les fêtes de Déméter étaient en effet célébrées dans toutes les citées grecques, en Crète, à Lacédémone, etc. Mais les Athéniens, qui se considéraient comme les premiers hommes à avoir pratiqué l’agriculture, leur donnaient une ampleur, une importance, toutes particulières. Et en hommage au rôle du roi Céléos dans le don de l’agriculture, c’est dans la ville d’Éleusis, qu’ils célébraient ces fêtes
On comprend, en ayant à l’esprit l’importance de Déméter dans une société essentiellement agricole et fortement spiritualisée, combien ces festivités étaient au centre de la vie sociale.
En considérant la généalogie de Déméter, en particulier qui étaient ses grands-parents (le Ciel et la Terre), ses parents (la règle et la fertilité), et ses frères et sœurs – dont Zeus le maître de l’Olympe -, on comprend que le culte qui lui était rendu était au cœur même de la vie, au cœur du renouvellement de la nature à chaque printemps, au cœur de la création tout entière telle que l’esprit avait voulu qu’elle soit manifestée.
Nous en arrivons ainsi aux fêtes qui lui étaient dédiées, les fameux Mystères d’Éleusis.
Ces fêtes de Déméter étaient donc des Mystères, au sens d’expériences et d’enseignements mystiques, c’est-à-dire réservés à des initiés, reconnus comme aptes à les recevoir et préparés à cet effet.
Ces mystères étaient divisés en Grands Mystères et Petits Mystères. C’est par ces derniers qu’il nous faut commencer.
Les petits Mystères, étaient dédiés à Déméter, mais plus particulièrement consacrés à sa fille Perséphone. Ils étaient célébrés non pas à Éleusis mais à Agra, une petite cité proche d’Athènes, dans le mois d’Anthestérion, c’est-à-dire entre le 22 février et le 21 mars.[1]
Les cérémonies se déroulaient sur les bords du fleuve Ilissos, principalement sous la forme de rites de purification dans les eaux du fleuve (il est de nos jours pratiquement intégralement canalisé et souterrain et il n’arrive que très rarement à la mer).

On pense aujourd’hui que les Petits Mystères furent institués pour les étrangers, exclus dans les premiers temps de la participation aux Grands Mystères, qui constituaient les Mystères d’Éleusis proprement dits, et qui étaient réservés initialement aux seuls citoyens. La participation aux Petits Mystères n’était pas ouverte à tous, mais constituait une faveur accordée très rarement, à des étrangers qui compensaient le défaut de leur naissance par un mérite éclatant. Concrètement, il semble qu’au cours de leur évolution, les mystères d’Éleusis se sont ouverts d’abord à tous les Grecs, puis à tout homme ou femme, riche ou pauvre, libre ou esclave, parlant grec et n’ayant pas commis d’homicide. Les spécialistes ont retrouvé des textes identifiant parmi ceux qui la reçurent, Héraclès (pour qui ils auraient été créés), Castor et Pollux, Asclépios, ou encore Hippocrate.
Avec le temps, l’accès aux Petits Mystères devint plus accessible. Leur rôle devint de préparer aux Grands Mystères, dont ils étaient une préfiguration.
C’est au cours des Petits Mystères que débutait l’instruction des candidats à l’initiation. Ces derniers, à la fin des cérémonies, prenaient le nom de mystes, c’est-à-dire d’ « initiés ».
Ils ne pouvaient assister que de loin aux cérémonies auxquelles ils aspiraient, toujours accompagnés de leur parrain, le mystagogue, celui qui conduit un myste. En véritables mystes, ils considéraient ce dernier état comme celui de l’aspiration à la perfection. Puis, après plusieurs mois, 6 ou plus probablement 12, l’intervalle n’est pas certifié, les mystes étaient admis à la véritable initiation, c’est-à-dire aux Grands Mystères.
Longtemps, faute de document, la cérémonie secrète de de l’initiation nous est demeurée inconnue. Mais les découvertes des archéologues et l’Hymne à Déméter d’Homère nous ont permis il y a quelques années d’en connaître le programme, même si la phase la plus secrète reste encore mystérieuse aujourd’hui.
On sait cependant que quatre officiants présidaient la cérémonie d’initiation.
- Le premier était l’Hiérophante, ou celui qui révèle les choses sacrées,
- le deuxième était le Dodonque, ou chef des Lampadophores, c’est-à-dire des porteurs de flambeaux,
- le troisième portait le titre de Hiérocéryce, ce qui signifie chef des hérauts sacrés,
- tandis que le quatrième était l’Assistant à l’autel. On sait qu’il portait un vêtement allégorique représentant la Lune.
À côté des officiants, se tenaient les représentants de la Cité et des citoyens. L’archonte-roi était le surintendant de la fête[2]. Il avait pour adjoints quatre administrateurs nommés par le peuple, deux étant choisis dans les familles sacerdotales et deux indifféremment tirés du reste des citoyens.
Il y avait encore un grand nombre de ministres subalternes distribués en plusieurs classes,

Ces fêtes duraient 9 jours.
– Le 1er jour était celui de l’arrivée et des premières assemblées.
– Le 2ème jour était consacré aux purifications, sous la forme de bains de mer. Un porcelet était également plongé dans la mer avant d’être sacrifié. Un jeûne était respecté par les participants.
– Au 3ème jour, du millet et de l’orge récoltés dans un champ autour d’Éleusis étaient offerts en sacrifice. Contrairement à la pratique habituelle, selon laquelle les prêtres étaient autorisés à prélever une dîme sur ce qui était destiné à être offert en sacrifice aux dieux, aucun prélèvement n’était permis sur les céréales récoltées pour être offertes lors des fêtes de Déméter, et qui de ce fait et en cette circonstance étaient considérées comme particulièrement sacrées. On en conservait d’ailleurs une part, année après année.
– Le 4ème jour était marqué par une procession solennelle, au cours de laquelle une corbeille était placée sur un chariot traîné par des bœufs, grâce auquel on transportait ces reliques sacrées d’Éleusis à Athènes, où on plaçait ces offrandes dans l’Éleusinion, un temple dédié à Déméter situé au pied de l’Acropole.
– Le 5ème jour était appelé le jour des Torches, car à la nuit tombée, hommes et femmes couraient les rues, des flambeaux à la main, imitant ainsi symboliquement Déméter cherchant sa fille Perséphone.
– Le 6ème jour était nommé Iacchos, du nom d’un personnage dont on ne sait exactement quel était le lien de parenté avec Déméter – peut-être un fils qu’elle aurait eu avec Zeus lui-même- mais qui en tout état de cause semble l’avoir accompagnée dans ses recherches. Ce serait en fait un des visages de Dionysos, le dieu de la vigne, du vin et de ses excès, de la folie et de la démesure.
– Le 7ème jour était dédié aux jeux gymniques. Le vainqueur de ces jeux se voyait récompensé par une mesure d’orge.
– Le 8ème jour était consacré à initier ceux qui ne l’étaient pas encore. Ce 8ème jour était appelé Epidaura en mémoire d’Asclépios – Esculape – qui était venu d’Epidaure pour être admis à l’initiation. Esculape était fils d’Apollon. Il fût foudroyé par Zeus pour avoir ressuscité les morts, avant d’être placé dans le ciel sous la forme de la constellation du Serpentaire.
Son attribut principal est le bâton d’Esculape, autour duquel s’enroule un serpent. C’est le fameux caducée, symbole de la médecine. Il eût plusieurs enfants, dont Hygie et Panacée et une descendance nombreuse, en particulier une dynastie de médecins exerçant à Cos, dont Hippocrate fût le membre le plus illustre.
Les Grecs, puis les Romains, en firent le dieu de la médecine.
– Le 9e jour était appelé Plémochoé. C’est le nom d’un vase d’une quinzaine de centimètres de hauteur, peu profond et aux bords évasés, posé sur un pied assez épais. Lors des Fêtes de Déméter, on remplissait d’eau et de vin deux de ces récipients, dont l’un était placé à l’est, et l’autre à l’ouest, et on les renversait en répétant des mots chargés d’un sens mystérieux.
Après ces neuf jours de procession le prêtre faisait son entrée dans une grande salle, le télestérion. C’était en fait une salle immense qui atteint, à l’apogée du culte, une surface de 2 600 m2.
Seuls les initiés avaient le droit de pénétrer dans le Télestérion et d’assister aux mystères.
Se trouvaient donc uniquement dans le téléstérion, outre les prêtres et les autres officiants, des mystes qui avaient été initiés aux Petits Mystères un an auparavant – qui y étaient admis pour une première fois afin d’ y être initiés -, et des mystes initiés y retournant une seconde fois pour passer à un niveau supérieur. Il y avait en effet un deuxième degré, une seconde étape, à laquelle ne pouvaient participer que ceux qui avaient été initiés depuis une année au moins.

La cérémonie d’accession à ce deuxième degré prenait très vraisemblablement la forme d’une représentation sacrée mais qui, évoquant l’union de Déméter et de Zeus, se rapprochait plus d’un culte de la fertilité. C’était à la fin de cette étape que les initiés prenaient le nom d’époptes un nom qui signifie « ceux qui savent ». Les époptes étaient bien entendu admis dans le télestérion lors de la célébration des Grands Mystères..
On peut aujourd’hui encore admirer ce qu’il reste de cette « salle d’initiation » qui date de l’époque de Pisistrate au 6ème siècle avant notre ère, et en particulier de nombreux bas-reliefs et sculptures.
Après son entrée solennelle, le prêtre prenait place sur un trône, et on lui offrait à boire une coupe de kykéon, la boisson à base de vin, d’orge et de fromage de chèvre râpé, la même que le roi d’Éleusis Céléos avait donné à Déméter pour la revigorer. Puis le prêtre sacrifiait un porcelet au milieu d’un vacarme épouvantable et entouré de danseurs et de musiciens.
Tout ne nous est pas connu des rituels secrets qui se déroulaient alors. Le secret a été bien gardé.
On sait cependant que la cérémonie se faisait durant la nuit. Les initiés s’assemblaient près du temple, dans une enceinte assez vaste pour contenir un peuple nombreux. Ils portaient des couronnes de myrte, et se lavaient les mains à l’entrée du portique. À leur tour, ils buvaient le kykéon, le breuvage sacré.

Puis un grain de blé était présenté, comme une hostie dans l’ostensoir, et contemplé en silence. C’était la scène de l’époptie ou de la contemplation. A travers ce grain de blé, les époptes honoraient Déméter en tant qu’initiatrice aux mystères de la vie.
Puis après divers autres préparatifs, l’officiant leur posait une série de questions, auxquelles ils répondaient par une formule qui, elle, nous est parvenue.
Les mystes se déclaraient inféodés à Déméter en prononçant la fameuse formule :
« J’ai jeûné, j’ai bu le kykéon, j’ai pris du panier, j’ai remis la coupe dans la corbeille et de la corbeille dans le panier. »
Lorsqu’ils avaient fait cette réponse, on les faisait passer rapidement par des alternatives continuelles de lumière et de ténèbres une multitude confuse d’objets divers passait sous leurs yeux, plusieurs voix se faisaient entendre. Enfin, on terminait la cérémonie en exposant à leurs yeux l’objet de leur attente, une robe symbole de leur statut d’initié, et ils se retiraient au milieu des acclamations.
Rien n’était plus expressément défendu que de divulguer les mystères.
L’Hymne à Déméter attribué à Homère évoque « les beaux rites, les rites augustes qu’il est impossible de transgresser, de pénétrer, ni de divulguer ».
Révéler le secret, ou se le faire communiquer sans y avoir droit, étaient deux crimes d’égale gravité.
On ne pouvait avoir aucune relation avec ceux qui avait trahi les secrets de l’initiation. Ils étaient bannis de la société, on évitait de se trouver avec eux dans le même vaisseau, d’habiter la même maison, de respirer le même air.
Bien entendu, l’entrée du temple était rigoureusement interdite aux profanes. Et on ne plaisantait pas ; deux jeunes gens qui avaient osé braver l’interdit furent jugés et condamnés à mort. Mais leur procès n’eût lieu qu’après la fin des Fêtes, car pendant ces 9 jours, il n’était permis de juger personne les tribunaux étaient fermés, les affaires suspendues.
Et c’était un crime, puni de mort, de présenter une requête dans le temple d’Éleusis.
Une loi formelle défendait aux femmes, même de haut rang, de se faire mener au temple dans des chariots, et la peine encourue pour un aussi grave manquement était une amende considérable.
Après chaque célébration des mystères, l’Archonte, présidait un tribunal d’initiés, constitué d’une assemblée des prêtres pour examiner les exactions commises pendant les cérémonies. Un homme accusé d’avoir déposé un rameau sur l’autel sacré fût ainsi condamné à 100 drachmes d’amende, le drachme, une pièce de 3 grammes et demi d’argent, représentant le prix d’une journée de travail.
Ce culte et tout ce qui l’entourait dura plusieurs siècles, en fait près de deux mille ans, jusqu’à sa suppression par l’empereur romain Théodose en 393. Deux ans plus tard, en 395, le sanctuaire fut mis à sac par Alaric Ier et les Wisigoths.
On regardera avec profit les 3 vidéos des cours de Vinciane Pirenne-Delforge au Collège de France
https://youtu.be/KOvceOJJc6E?feature=shared&t=178 Déméter Thesmophoros (1) –
Comment comprendre le sens de ces Mystères, et quel rapport avec l’initiation maçonnique ?
Il faut pour cela lire Homère, et ses Hymnes à Déméter.
Bien que la Franc-maçonnerie ne soit pas directement dérivée de ces mystères, de nombreuses sources soulignent des parallèles symboliques et structurels, souvent interprétés comme des influences indirectes via les traditions ésotériques antiques. Ces similarités portent sur les rituels d’initiation, les thèmes existentiels et les bénéfices spirituels, mais des différences notables existent en termes de contexte et de finalité.
Pour structurer cette comparaison, appuyons-nous sur les éléments clés de l’hymne.
Certains éléments rappellent évidemment aux Franc-Maçonnes et Francs-Maçons qui ont connu aussi une initiation ritualisée, leur propre initiation.
De même que les rites et rituels maçonniques peuvent être rattachés pour certains à des célébrations païennes – par exemple à la célébration des fêtes solsticiales, ou à ce qui touche au blé, au vin, etc -, de même, les mystères, d’origine préhellénique, plongeaient leurs racines dans de vieux rites chtoniens liés à la fertilité et à la fécondation de la terre.
Nous venons d’évoquer le blé, un élément fondamental que l’on retrouve au cœur de nombreuses mythologies, expression de la vie et de sa perpétuation.
Le blé, c’est d’abord un grain que l’on met en terre, qui s’y décompose et qui arrosé par l’eau, réchauffé par la lumière du soleil, se transforme en une jeune pousse, qui émerge peu à peu de la terre et revit sous une forme nouvelle. Ainsi s’accomplit le cycle des générations, ainsi s’accomplit le cycle vie-mort-renaissance. À certains degrés, les Francs-Maçons font appel au symbolisme du blé, au travers du pain, certes symbole de nourriture spirituelle, mais aussi de vie, de vitalité.
La scène de l’époptie ou de la contemplation était une invitation à prendre conscience de la beauté et de l’harmonie de l’univers, cet Ordre du monde, cet Ordo que nous voulons voir prévaloir plutôt que le Chao.
Nous pourrions encore évoquer le rôle des lumières, des flambeaux, de la musique, du tintamarre, mais aussi du silence. Nous pourrions évoquer la loi du silence, le culte du secret, ou encore nous interroger sur le rôle du mystagogue, celui qui conduisait et accompagnait les impétrants comme le Second Surveillant suit les Apprentis. Le mystagogue, l’introducteur, avait pour fonction de faire entrer le myste dans un monde social et spirituel nouveau, car la société des initiés forme une société de purs, de saints.
Mais le plus important est sans doute la finalité de la démarche elle-même : l’initiation et le parcours maçonnique ont pour but d’accéder à la sagesse et de se préparer à mourir.





Pour recadrer leur année sur le cycle des saisons les grecs ajoutaient périodiquement un mois de 30 jours entre les sixième et septième mois habituels. Il n’y a donc pas de correspondance linéaire entre notre année de 365 ou 366 jours et l´année grecque antique de 354 ou 384 jours.
Bien que non directement liés historiquement, ces parallèles sont souvent vus comme des échos d’une tradition ésotérique universelle, où l’initiation représente une « renaissance » intérieure.
Mais on voit bien que les Mystères d’Éleusis faisaient partie intégrante d’une pratique religieuse dogmatique par nature alors que l’initiation maçonnique est adogmatique par nature. Le GADLU n’est pas nécessairement un dieu pour les francs-maçons.
Ainsi, l’initiation est-elle une voie d’élévation vers la Sagesse et la Connaissance, une voie d’espérance.
[1] L’année grecque habituelle comportait 12 mois d´alternativement 29 et 30 jours, elle avait donc « seulement » 354 jours.
Elle dérive donc très rapidement par rapport à notre calendrier. De plus, elle commençait à la première nouvelle lune après le solstice d´été ce qui rajoute des fluctuations par rapport à notre calendrier.
[2] L’archonte-Roi était l’un des trois plus hauts magistrats d’Athènes ; cette fonction, héritière de la royauté, était donc initialement une fonction à vie. Elle sera par suite réduite à 10 ans, puis à un an.