Au sein de l’Hexagone, cette terre aux contours chargés d’histoires entrelacées, où les rues parisiennes portent encore les traces des tumultes passés, une interrogation lancinante émerge, pareille à un murmure qui traverse les âges et ébranle les certitudes collectives.


Didier Long, cet explorateur des mondes numériques qui, après avoir navigué les eaux troubles d’une vie monastique bénédictine pendant une décennie, a redécouvert les racines juives enfouies dans les paysages corses, imprégnés de mémoires marranes, nous livre ici une réflexion forgée dans le feu d’une quête personnelle.
Ses ouvrages antérieurs, tels que Jésus le rabbin qui aimait les femmes ou L’invention du christianisme, tissent des dialogues profonds entre judaïsme et christianisme, tandis que Mémoires juives de Corse exhume les strates oubliées d’une identité insulaire, fusionnant récits historiques et explorations spirituelles en un témoignage vivant sur les croisements des fois.

À ses côtés, Dov Maïmon, ce stratège des relations complexes entre mondes juif et musulman, émerge comme un observateur aguerri, ayant consacré trente années à décrypter les mécanismes de l’antisémitisme, conseillant les arcanes du pouvoir israélien dans ses approches face à l’islam. Son étude sur le judaïsme européen à l’horizon 2030 dessine des cartes prospectives des destinées collectives, où se mêlent analyses géopolitiques et visions d’un avenir partagé, marquant son engagement comme un phare dans les tempêtes des relations interconfessionnelles.
Publiée sous les auspices du Cherche Midi
Cette maison d’édition française née en 1978 des aspirations de Philippe Héraclès et Jean Orizet, au cœur d’une librairie nichée dans la rue du Cherche-Midi à Paris, où la liberté individuelle s’élève en valeur cardinale, comme un étendard contre les chaînes de la conformité, l’ouvrage s’inscrit dans un catalogue qui célèbre l’audace narrative et les voix inclassables, des fictions américaines inventives aux récits qui franchissent les murs de l’imaginaire.

Dans cette œuvre commune qui pulse au rythme des angoisses contemporaines, nous nous immergeons dans une exploration minutieuse de la présence juive en France, cette communauté ancrée dans le tissu national pourtant secouée par des vents hostiles.
Les auteurs, avec une persévérance qui évoque les grands enquêteurs des époques troublées, ont parcouru les artères de la nation pendant plus d’une année, dialoguant avec ministres gardant les équilibres précaires du pouvoir, policiers affrontant les remous des quartiers sensibles, juges antiterroristes scrutant les abysses de l’extrémisme, et citoyens ordinaires dont les voix portent les échos du quotidien. Ils ont puisé dans des rapports confidentiels, ces documents gardés secrets par les services français et israéliens, pour révéler des vérités crues sur les menaces qui pèsent, transformant ainsi leur récit en un miroir tendu à une société en pleine mutation.

L’éruption d’actes antisémites suivant le 7 octobre 2023
Ce jour où Israël a enduré le massacre le plus meurtrier depuis la Shoah, a vu les incidents décupler en un millier de pour cent sur le sol français, marquant un basculement où les profanations – mezouzot arrachées des portes, écoles transformées en bastions gardés, noms juifs murmurés avec mépris dans les rues – ne sont plus des anomalies isolées mais les signes d’une dérive collective.
Cette lecture, que nous abordons avec une subjectivité assumée, comme si nous étions nous-mêmes témoins de ces fissures, nous conduit à travers les strates historiques qui relient les expulsions médiévales aux tragédies plus récentes, telles que les attentats de Toulouse en 2012 où des enfants ont péri dans une école juive, ou ceux de l’Hyper Cacher et du Bataclan en 2015, avec leurs cent trente victimes emportées dans un tourbillon de violence qui a ensanglanté les terrasses parisiennes et ébranlé les fondations de la convivialité nationale.
Les auteurs dépeignent une communauté de cinq cent mille âmes dont un tiers, soit cent cinquante mille personnes, se trouve en situation de vulnérabilité accrue, concentrées dans des enclaves comme Sarcelles, Créteil, Strasbourg ou Villeurbanne, où l’entrisme islamiste gagne du terrain avec une subtilité qui alarme, profitant d’une hésitation gouvernementale à interdire des organisations comme les Frères musulmans, pourtant proscrites ailleurs pour leur potentiel déstabilisateur.

Nous percevons dans ces pages non seulement les statistiques accablantes – sept cents attaques en 2023 contre deux cents l’année précédente, des écoles incendiées aux commerces vandalisés – mais une analyse nuancée des dynamiques sociales, où l’antisémitisme sert d’outil à des puissances étrangères comme l’Iran, la Russie ou la Chine pour fracturer une société déjà divisée, en misant sur le Juif comme fusible éternel d’un malaise plus vaste.
Plongeant plus avant dans les méandres de l’ouvrage, nous effleurons les comparaisons éclairantes avec d’autres contrées, comme le Canada où vingt-six pour cent des étudiants non juifs nourrissent une opinion négative contre cinquante-quatre pour cent en France, ou les États-Unis où le taux reste à trente-quatre pour cent, soulignant un écart qui interroge les racines éducatives et culturelles d’une détestation plus ancrée ici qu’ailleurs.
Les auteurs
En interrogeant des figures de toutes confessions, esquissent les contours d’un dialogue possible entre judaïsme et islam, cherchant les fils communs pour contrer une radicalisation qui transforme la diversité en source de discorde, et avertissent contre les pièges d’une reconnaissance hâtive d’un État palestinien qui pourrait enflammer les banlieues en renforçant les islamistes.
Pourtant, au cœur de cette densité analytique, émerge une réflexion philosophique sur l’antisémitisme non comme une fatalité inscrite dans les astres mais comme un révélateur des failles sociétales, un miroir où se reflète l’échec partiel de l’intégration et les jeux géopolitiques mondiaux qui instrumentalisent la haine pour affaiblir l’Occident.

Ce livre, enrichi de scénarios prospectifs…
Un exode massif vers Israël où un sursaut démographique post-traumatique symbolise la résilience, ou un regroupement en zones protégées évoquant des ghettos contemporains – ne se contente pas de décrire un déclin mais pose avec acuité la question de l’avenir, invitant à une vigilance accrue pour protéger les vulnérables face à une infiltration qui ronge les piliers de la démocratie.
Nous, en tant que lecteurs engagés dans ce récit, ressentons l’appel à une action collective, car l’indifférence, cette torpeur qui laisse prospérer les ombres, représente le vrai péril, tandis que la France, ce creuset de cultures, pourrait encore préserver son étincelle juive si l’on ravivait les flammes de la tolérance et de la solidarité.

Au-delà des fusillades récentes aux États-Unis ou des violences en Europe du Nord, l’ouvrage souligne que l’antisémitisme n’appartient pas au passé mais hante l’horizon, avec les Juifs, moins d’un pour cent de la population, servant de baromètre à une crise impliquant l’ensemble de la nation. Cette méditation nous laisse en suspens, vibrants d’une interrogation profonde sur le départ ou la résistance, où la fin potentielle se mue en appel à une renaissance partagée, un horizon à redessiner dans le silence des consciences éveillées.
La fin des Juifs de France ?
Didier Long – Dov Maïmon – Le Cherche midi, 2025, 208 pages, 19,50 €