mer 06 août 2025 - 05:08

La mesure de la Spiritualité

La Spiritualité est une activité mentale comme le sport est une activité physique. Il y a plusieurs types de spiritualités comme il y a plusieurs sports mobilisant l’énergie du corps dans leur pratique. Il faut sortir l’être spirituel de la dimension abstraite et passive où le cantonnent les grandes religions occidentales, et lui reconnaître une dimension concrète et active, où l’esprit et l’énergie du corps se dynamisent mutuellement et concourent au développement du fruit de leur union.

En orient c’est une évidence où les hindouistes conjuguent leur adhésion aux principes et aux déités hindoues avec la pratique de yogas mobilisant à la fois l’esprit et le corps.

Il y a ainsi en orient autant de spiritualités actives qu’il y a de praticiens, les hommes et les femmes développant leur propre dimension spirituelle tout en évoluant ensemble dans une même matrice globale sans fondateur ni dogme, ni institution cléricale imposés. En occident c’est tout l’inverse, le corps étant subordonné à un esprit dictant ses dogmes à la terre entière « sans prendre de gants ». Les Maçonnes et Maçons, esprits insubordonnés de cette pensée occidentale, « mettent des gants » au contraire pour appréhender, saisir, et comprendre le monde dans lequel ils évoluent. Ces gants qui recouvrent leurs mains leur permettent de garder une certaine distance avec tout ce qu’ils saisissent physiquement et intellectuellement, et de développer individuellement et collectivement leur connaissance du monde et d’eux-mêmes.

Cette connaissance peut s’exercer dans tous les domaines de la philosophie, des sciences et des arts, au fondement des trois piliers Sagesse, Force, et Beauté d’une Loge au travail, et renforcer le pied des colonnes qui les symbolisent, mais sans pour autant déclencher l’élévation spirituelle des Maçonnes et Maçons dans leurs propres colonnes. Car ce processus d’élévation dépend de leur désir et de leur volonté de s’élever spirituellement.

Ils doivent croire à la devise de la Dame à la Licorne « À MON SEUL DÉSIR », inscrite sur une tapisserie du XVè siècle du musée de Cluny à Paris, et il leur faut intérioriser l’existence symbolique de ces colonnes en eux-mêmes pour déclencher leur développement. Pour y parvenir, deux voies s’offrent à eux : la voie longue est celle de l’assiduité aux tenues et de la contemplation des colonnes qui s’ancrent peu à peu dans leur imaginaire, y prennent racine et s’y développent ; la voie courte accélère cette intériorisation par des visualisations et l’intégration en soi-même de constructions géométriques.

Le grand Initié Henri Vincenot raconte cette aventure spirituelle intérieure dans son livre Les Étoiles de Compostelle, en commençant par le tracé du pentagramme dans lequel s’inscrit l’Étoile flamboyante des Compagnons et son Nombre d’Or. Un maître du Trait, maître Gallo, dit ainsi à son apprenti Jehan :  » C’est la divine proportion qui commande toute la construction de nos édifices. Souviens-toi bien de cela, lapin ! Voilà pourquoi je t’ai chanté l’autre jour : Cinq engendre le Nombre d’Or, il ouvre la Divine Proportion. Et bien mieux : si le pentagramme équilatère contient le Nombre d’Or, réciproquement il est aussi engendré par lui …

Et il reconstruisit un triangle d’or AOC, traça en pointillé la médiane de l’angle O, construisit sa perpendiculaire EF, plaça la pointe de son compas en E et traça l’arc FG. Piquant ensuite la pointe de son compas en F, il traça l’arc EH et s’écria comme s’il avait vaincu Lucifer en personne : Et je dis que GEFH donne les trois côtés du pentagramme ! Et c’est un jeu de construire ensuite le point I, un lapin de dix-huit ans doit comprendre cela.

« Jéhan béait d’étonnement devant l’aisance de la démonstration. Il eût voulu qu’il continuât indéfiniment, car cela lui donnait un vertige. Le grand Gallo s’élevait, comme d’un coup d’aile, et baignant dans une sorte d’aura, d’une voix que Jehan ne lui avait jamais entendue, disait : Notre Nombre d’Or est privilégié et prééminent autant que dire se peut, en raison de son pouvoir infini. De même que la sublime proportion qu’il te faut bien caser dans le bon coin de ta cervelle. Parce qu’en vérité un très grand nombre de choses dignes d’admiration au plus haut point, tant en philosophie qu’en toute autre science, ne pourra jamais sans eux parvenir à la lumière. Ce don leur est certainement concédé par la nature immuable des principes supérieurs, parce qu’elle les accorde entre eux en une irrationnelle symphonie. »

Ces Architectes et ces Compagnons pratiquaient ainsi l’Art du Trait, à la fois pour figurer l’action des forces dans la nature et se préparer à intégrer en eux-mêmes l’action de ces forces et canaliser leur énergie. Ils pouvaient même pré-figurer leurs propres transformations spirituelles intérieures en visualisant les structures géométriques qui les symbolisent, en particulier le passage du cercle en 2D à la sphère en 3D,

et les tracés dans la sphère des cinq solides de Platon. C’est en marchant, notamment en effectuant leur Tour de France, qu’ils visualisaient mentalement ces tracés et en intégraient les vertus, car un tracé à la règle et au compas est un sillon canalisant les pensées et les énergies qui le parcourent et cristallisant leurs vertus. Leurs tracés parsemaient ainsi leur mémoire des principes actifs de ces cristaux pleins de vertus intellectuelles et morales, et les transformaient en êtres responsables se dotant par soi-même d’une vie spirituelle autonome.

Le tracé du Nombre d’Or à partir d’un carré, symbole d’une assise matérielle équilibrée, est l’illustration de cette activité intérieure procédant par étapes pour passer de la perception rationnelle du monde dans son épaisseur à l’aperception irrationnelle de sa transparence. Le Compagnon commence par transformer son imaginaire en planche à tracer. Puis il trace un carré, et s’attache au côté inférieur et aux deux points qui le délimitent, symbole de l’unité de la connaissance horizontale. Alors, il fixe de son regard l’un de ces points et prend du recul jusqu’à la moitié du trait, comme en ajustant la vision d’un télescope. Puis son regard s’élève en ligne droite verticalement et se projette jusqu’au point supérieur du côté vertical du carré, symbole de la conscience en élévation. Alors, il trace un arc de cercle de ce point supérieur à la droite prolongeant le premier côté du carré, symbole du désir concret d’élargir le cercle de ses connaissances. Le point d’intersection de l’arc de cercle et de cette droite crée un deuxième segment de droite, qui, mis en rapport avec le premier, donne le Nombre d’Or.

Ce tracé effectué mentalement conjugue ainsi la ligne droite et l’arc de cercle, la règle et le compas, l’assise horizontale de la connaissance matérielle et la projection verticale dans la conscience spirituelle, le recul et la projection du regard. Il permet surtout de conjuguer dans une même opération des fonctions mentales qui relèvent des cerveaux gauche et droit. L’irrationnelle symphonie contée par Henri Vincenot est écrite en eux-mêmes par les hommes et les femmes devenus responsables de leur existence à force d’activer et croiser les pensées de leurs deux cerveaux et leurs fonctions spécifiques. Le cerveau gauche est dévolu à la logique, au calcul, au langage, à l’écriture, à la rationalité et au système binaire, et le cerveau droit à l’intuition, à la créativité et à l’imagination.

C’est ainsi que les Maçonnes et Maçons peuvent devenir des agitateurs en puissance qui génèrent non seulement des bouillonnements d’idées mais déclenchent aussi en eux-mêmes des réactions physico-chimiques en chaînes qui démultiplient leur énergie. Connaître c’est renaître en agitateur et en régulateur, en passeur et en gardien de toute connaissance, qu’elle soit traditionnelle, phiosophique, scientifique, ou artistique.

C’est surtout désirer connaître, pour que le souffle du désir transforme l’arc de cercle de cette construction du Nombre d’Or en spinnaker de voilier en mouvement, porté par une irrésistible soif de connaître le monde et de se connaître soi-même, et de mettre ainsi « en regard » le monde fini déterminé et l’univers infini indéterminé, le connu et l’inconnu.

Il faut du courage pour affronter cet univers inconnu vers lequel le désir d’être soi-même propulse irrésistiblement, pour larguer des amarres bien ancrées dans un monde connu et confortable physiquement et intellectuellement. Pourquoi toujours et encore aspirer à cet inconnu, au-delà du bien-être présent dans la matérialité ? Parce que le bien-être spirituel a vocation à compléter harmonieusement et couronner l’existence dans sa globalité. Et surtout l’élévation spirituelle établit une relation active entre soi-même ici-bas et une dimension incommensurable à la fois en soi et au-delà de soi, favorisant et « autorisant ou non » cette élévation symbolisée par les degrés atteints par les Maçonnes et Maçons. Autrement dit, plus on s’élève spirituellement, moins on est seul(e).

Cet au-delà lumineux est symbolisé au deuxième degré par une étoile à cinq branches dont les pointes sont reliées entre elles et s’inscrivent dans un pentagramme et dans un cercle. Du centre de l’étoile est appelée à transparaître, dans un temps indéterminé,

cette dimension divine de l’être spirituel symbolisée par un G signifiant God, Dieu, mais aussi Géométrie, l’un et l’autre signifiant à la fois le moyen et la fin d’un même cheminement spirituel d’élévation dans la dimension divine de l’existence.

3 Commentaires

    • Détendez-vous. La spiritualité est une aventure intérieure qui sourit aux hommes et aux femmes qui osent s’affranchir de leurs propres dogmes. Un conseil : n’arrêtez pas votre énumération au chiffre 4, videz votre sac. Vous êtes dans l’air du temps, qui pourrait vous le reprocher ?

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Patrick Carré
Patrick Carré
Patrick Carré est un poète, philosophe et franc-maçon français, connu pour son œuvre mêlant littérature, spiritualité et symbolisme maçonnique. Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, passé membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, il est à présent à l'OIAPMM (Ordre Initiatique Ancien et Primitif de Memphis Misraïm) membre de la Loge de recherche Imhotep à l'Orient de Nice, Souverain Grand Inspecteur Général (33è degré), et Sublime Prince de la Maçonnerie, Grand Régulateur Général de l'Ordre (87è degré).. Son travail explore l’initiation traditionnelle et la quête spirituelle, notamment à travers des poèmes et textes philosophiques. En 2023, il publie L’épopée alchimique des Maçons et Maçonnes (LiberFaber, 228 pages, 25 €), un recueil de plus de 1000 vers qui retrace les degrés maçonniques du premier au dix-huitième, accompagné d’un CD de textes lus et mis en musique par Gérard Berliner. Patrick Carré a également écrit d’autres ouvrages maçonniques, comme Francs-Maçons Alchimistes et Nous sommes tous androgynes, enrichis de contenus multimédias sur le tarot (chaîne youtube Le Tarot de la Renaissance, 12h de vidéos et 800 illustrations). Son œuvre met en lumière les liens entre franc-maçonnerie et alchimie, célébrant la transformation personnelle et spirituelle. Il fut Itinérant en 1980 durant 6 mois à l'Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis, et Potier tourneur 5 ans dans une poterie artisanale et Artisan créateur indépendant.

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