sam 19 juillet 2025 - 11:07

Taijiquan et Franc-maçonnerie : Expériences initiatiques d’un anthropologue d’Éric Caulier

Dans son ouvrage Taijiquan et Franc-Maçonnerie : Expériences initiatiques d’un anthropologue, Éric Caulier nous invite à un voyage fascinant au croisement des traditions orientales et occidentales, explorant les convergences entre le taijiquan, art martial interne chinois, et la franc-maçonnerie, voie initiatique occidentale. Publié avec une préface de Jean-François Sallustrau et une couverture illustrée par le talentueux Antonio Cossu, cet ouvrage se distingue par son approche transdisciplinaire, mêlant anthropologie, philosophie, spiritualité et pratique corporelle. À travers une prose riche et introspective, Caulier tisse des ponts entre corps, cœur et esprit, offrant une réflexion profonde sur la quête de sens et d’harmonie dans un monde fragmenté.

Une quête de l’unité à travers deux traditions Éric Caulier, praticien-chercheur et anthropologue, s’appuie sur son parcours singulier pour explorer les parallèles entre le taijiquan et la franc-maçonnerie. Initié aux arts internes chinois par des maîtres tels que Men Hui Feng, surnommé « l’encyclopédie vivante des arts martiaux », et engagé dans la franc-maçonnerie au sein du Rite Écossais Ancien et Accepté, l’auteur incarne une synthèse rare entre rigueur académique et expérience vécue. Son ouvrage s’articule autour de l’idée que ces deux traditions, bien que issues de contextes culturels éloignés, partagent une même ambition : réconcilier les opposés, cultiver l’harmonie et guider l’individu vers une transformation intérieure.Le taijiquan, avec ses mouvements fluides et circulaires inspirés du yin et du yang, est présenté non seulement comme un art martial, mais comme une méditation en mouvement, une pratique de santé et une philosophie de vie.

Caulier explore ses dimensions multiples – corps, souffle, esprit – et met en lumière son potentiel d’unification, notamment à travers le concept du « tiers inclus », où les opposés se complètent plutôt que de s’opposer. De même, la franc-maçonnerie, avec ses rituels et symboles, est décrite comme un cheminement initiatique visant à reconnecter l’individu à lui-même, aux autres et à l’univers, à travers une éthique du travail intérieur et de l’action vertueuse.

Une approche transdisciplinaire et humanisteL’originalité de l’ouvrage réside dans son approche transdisciplinaire, qui refuse de cloisonner les savoirs. Caulier s’appuie sur des références philosophiques (Héraclite, Laozi, Zhuangzi), scientifiques (Henri Atlan, Francisco Varela) et spirituelles (alchimie taoïste, mythologie nordique) pour construire une réflexion systémique. Il propose une vision de l’humain en interaction constante avec son environnement, où le sujet se co-construit à travers ses gestes, ses choix et ses perceptions. Cette perspective, enrichie par son expérience de terrain en Chine et ses engagements maçonniques, donne au livre une profondeur rare, accessible à la fois aux initiés et aux profanes.

L’auteur explore des thématiques universelles : l’unité corps/cœur/esprit, la recherche d’un « trésor perdu », la réhabilitation de l’analogie comme outil de compréhension, et la nécessité d’apprendre par l’erreur. Dans un chapitre particulièrement éclairant, il revisite le mythe fondateur du taijiquan – le combat entre le serpent et l’oiseau – pour proposer une lecture nouvelle : non une victoire de l’un sur l’autre, mais une communion des forces vitales et spirituelles, incarnant l’union du cercle (serpent) et de la ligne (oiseau). Cette relecture symbolique illustre la capacité de Caulier à transcender les dualismes et à offrir une vision intégrative de la réalité.

Une réflexion sur l’erreur comme moteur d’apprentissage

Un des points forts de l’ouvrage est son exploration des erreurs, non comme des échecs, mais comme des étapes essentielles du chemin initiatique. Dans le taijiquan, l’apprentissage par le tâtonnement – « essais et erreurs » – permet de trouver le « geste juste », celui qui équilibre technique et intériorité. Caulier applique cette idée à la franc-maçonnerie, où le travail sur soi passe par la reconnaissance des imperfections et la quête d’une vérité relative, toujours en construction. Cette approche, qu’il qualifie de « noble bricolage », résonne avec la pensée d’Henri Atlan, pour qui la recherche de la vérité consiste à éliminer les erreurs possibles.

L’auteur critique également les erreurs épistémologiques et ontologiques qui fragmentent notre compréhension du monde. Il dénonce le dualisme cartésien, qui sépare corps et esprit, vie et mort, et propose une vision unifiée inspirée par le taijiquan et la franc-maçonnerie. Cette réflexion culmine dans une réinterprétation du récit biblique de la Genèse, où la « Chute » est vue non comme une désobéissance, mais comme une rupture cognitive, une séparation artificielle de l’humain d’avec l’unité originelle de la création.

Une ode à l’harmonie et à la résonanceL’ouvrage s’achève sur une note optimiste, soulignant les convergences entre ces deux voies initiatiques. Le taijiquan, avec sa fluidité et sa lenteur, induit des états de conscience élargis, des « expériences de flow » où l’individu entre en résonance avec l’univers. La franc-maçonnerie, par ses rituels et son éthique, offre un cadre pour agir en commun et incarner des valeurs universelles. Ensemble, ces pratiques invitent à réintégrer la « part d’ombre », à cultiver l’authenticité et à œuvrer pour une société plus harmonieuse.

Caulier ne se contente pas de théoriser : il partage des expériences personnelles, comme cette journée d’hiver où, adolescent, il vécut une expérience mystique spontanée dans la neige, un moment qui a façonné son parcours. Ces anecdotes, mêlées d’érudition et de sensibilité, rendent le livre profondément humain et accessible.

Un ouvrage pour les chercheurs de sens

Taijiquan et Franc-Maçonnerie est une œuvre d’une richesse exceptionnelle, qui s’adresse autant aux pratiquants d’arts martiaux qu’aux francs-maçons, aux anthropologues ou à toute personne en quête de sens.

Éric Caulier, avec une plume élégante et un regard aiguisé, parvient à relier des mondes apparemment éloignés, montrant comment le taijiquan et la franc-maçonnerie, par leurs rituels, leurs symboles et leur quête d’unité, répondent à une aspiration universelle : reconnecter l’humain à lui-même, aux autres et au cosmos.

La reconnaissance du taijiquan par l’UNESCO en 2020 comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité vient renforcer la pertinence de cet ouvrage, qui dépasse les clichés exotiques ou élitistes pour révéler la profondeur de ces traditions. Illustré par le dessin d’Antonio Cossu, cet ouvrage est également un bel objet, dont la couverture invite à plonger dans un univers où le corps et l’esprit dansent ensemble.

En somme, Taijiquan et Franc-Maçonnerie est une invitation à marcher sur le chemin de l’initiation, à embrasser l’erreur comme une étape vers la vérité, et à cultiver l’harmonie dans un monde en quête de repères.

Un livre à lire, à méditer et à partager, pour tous ceux qui aspirent à une vie plus pleine et plus juste.

Références :

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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