mar 15 juillet 2025 - 22:07

Hassan Fathy : Le génie égyptien qui réinventa l’architecture climatique traditionnelle

Au tournant du XXe siècle, alors que le modernisme occidental prônait des solutions technologiques souvent coûteuses et énergivores, un architecte égyptien visionnaire, Hassan Fathy (1900-1989), choisit de regarder en arrière pour mieux construire l’avenir. En puisant dans les savoirs ancestraux de l’architecture vernaculaire égyptienne, il développa des solutions novatrices, durables et écologiques, notamment à travers l’invention des madyafas, des espaces publics conçus pour rafraîchir naturellement l’environnement.

Ce pionnier, dont l’héritage inspire aujourd’hui architectes et urbanistes du monde entier, a démontré que la modernité peut s’enraciner dans la tradition pour répondre aux défis climatiques et sociaux.

Un retour aux sources pour une architecture durable

Hassan Fathy, au Caire

Né à Alexandrie en 1900, Hassan Fathy est considéré comme l’un des premiers architectes à promouvoir une architecture respectueuse de l’environnement et des cultures locales. À une époque où le béton et les constructions standardisées dominaient, Fathy s’opposa au modernisme occidental en valorisant les matériaux locaux, comme la brique de terre crue (adobe), et les techniques traditionnelles. Son ouvrage de référence, Architecture for the Poor (1969), expose sa philosophie : construire pour les communautés rurales pauvres en respectant leur environnement, leur culture et leurs moyens.

L’une de ses innovations les plus marquantes fut l’utilisation des madyafas, des espaces publics semi-ouverts conçus pour maximiser la ventilation naturelle et réduire les températures dans les climats arides de l’Égypte. Inspirés des cours intérieures et des systèmes de ventilation des architectures traditionnelles nubiennes et islamiques, les madyafas reposent sur des principes de conception bioclimatique : des murs épais en terre pour l’isolation thermique, des ouvertures stratégiquement placées pour capter les brises, et des formes architecturales favorisant la circulation de l’air.

La mosquée construite par Hassan Fathy à New Gourna, près de Louxor

Ces structures offraient un confort thermique remarquable sans recourir à l’électricité, une prouesse dans un pays où les températures estivales dépassent souvent les 40 °C.

Fathy a également intégré des éléments comme les moucharabiehs (claustras en bois permettant la ventilation tout en filtrant la lumière) et les voûtes en berceau, qui, en plus de leur esthétique, contribuaient à rafraîchir les espaces. Son projet le plus emblématique, le village de Nouvelle-Bariz (construit entre 1965 et 1967 dans l’oasis de Kharga), illustre cette approche. Conçu pour une communauté agricole, ce village utilisait des matériaux locaux et des techniques ancestrales pour créer un habitat durable, économique et adapté au climat désertique.

Une vision humaniste et écologique

Le toit et la coupole de la mosquée de New Gourna, vus du minaret

Au-delà de ses innovations techniques, l’approche de Fathy était profondément humaniste. Il croyait que l’architecture devait servir les plus démunis et renforcer le lien social. En impliquant les communautés locales dans la construction, il favorisait l’appropriation des projets et la transmission des savoirs traditionnels. Comme il l’écrivait dans Architecture for the Poor : « La brique de terre, outre son faible coût, est belle par nature, car la structure dicte les formes et le matériau impose l’échelle. »

Fathy s’opposait à l’idée que le progrès architectural devait imiter les modèles occidentaux, souvent inadaptés aux réalités climatiques et économiques des pays du Sud. Il voyait dans les techniques traditionnelles une richesse inestimable, capable de répondre aux besoins contemporains tout en préservant l’environnement. Ses madyafas, par exemple, étaient non seulement des espaces fonctionnels, mais aussi des lieux de convivialité, incarnant l’idée d’un « microcosme parallèle à l’ordre de l’univers lui-même », selon ses propres mots.

Un héritage pour les villes de demain

Aujourd’hui, face à l’urgence climatique et à la nécessité de concevoir des villes durables, l’héritage de Hassan Fathy connaît un regain d’intérêt. Architectes et designers s’inspirent de ses principes bioclimatiques pour imaginer des bâtiments à faible impact environnemental. Les madyafas, avec leur capacité à rafraîchir naturellement les espaces publics, sont étudiées comme des solutions viables pour les villes confrontées à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes. Des projets modernes, notamment dans les régions arides du Moyen-Orient et d’Afrique, reprennent ses idées en combinant ventilation naturelle, matériaux locaux et technologies contemporaines.

Un post récent sur LinkedIn de France Culture souligne cette actualité : « À rebours du modernisme occidental, et en puisant dans les savoirs traditionnels, l’architecte égyptien Hassan Fathy avait, dès le début du XXe siècle, imaginé une solution simple, durable et efficace pour rafraîchir les espaces publics : les madyafas. Aujourd’hui, architectes et designers s’en inspirent pour imaginer les villes de demain. »

Cette reconnaissance témoigne de la pertinence intemporelle de son approche.Un pionnier toujours d’actualitéHassan Fathy n’était pas seulement un architecte, mais un visionnaire qui a su marier tradition et innovation pour répondre aux défis de son temps. Ses madyafas et ses constructions en terre crue rappellent que les solutions aux crises actuelles – climatiques, économiques, sociales – peuvent souvent être trouvées dans les savoirs ancestraux. En redonnant ses lettres de noblesse à l’architecture vernaculaire, Fathy a ouvert la voie à une conception plus respectueuse de l’environnement et des communautés.

Son legs, célébré à travers des projets comme Nouvelle-Bariz ou la maison Stoppelaere en Égypte, continue d’inspirer ceux qui croient que l’architecture peut être à la fois belle, fonctionnelle et accessible. Comme le souligne un commentaire sur X, Fathy fut « l’un des premiers architectes à revisiter les modes de construction traditionnels », un héritage qui résonne encore dans la quête d’un avenir durable.

Sources :

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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