sam 21 juin 2025 - 17:06

Ils ont leurs mots, signes et attouchements

Les francs-maçons ont leurs mots, leurs signes, leurs attouchements, propres à chaque degré initiatique. Le mot, tel un reliquat du souffle divin, porte l’idée et la façonne. Le signe, quant à lui, précède le mot, comme une annonce silencieuse de ce qui va être dévoilé. Et enfin, il y a l’attouchement, ce contact solennel qui semble dire : « Ne t’inquiète pas, ceci n’est pas une poignée de main envahissante, c’est de la transmission ésotérique. »

Ce rituel n’est donc pas un acte grossier, mais une élégante chorégraphie secrète, où chaque geste a une signification… du moins, c’est ce qu’il faut croire. Car après tout, que serait une tradition millénaire sans une dose de mystère soigneusement entretenue ?

sept mains en étoile
deux doigts pour chacune des sept mains

Les signes en particulier, sont présentés comme des outils sacrés de reconnaissance. Mais regardons-les sous un autre angle : une collection de gestes convenus qui, au fil des siècles, ont acquis une signification quasi-magique.

Les attouchements, eux, suivent une logique similaire. Une pression du pouce sur une partie spécifique de la main serait censée révéler un secret ? Une théorie audacieuse qui semble surtout être une excellente excuse pour introduire une gestuelle subtilement absurde.

Depuis la plus haute Antiquité, ces pratiques sont restées intactes, prouvant que si l’humanité oublie facilement les leçons de l’histoire, elle ne lâche jamais une bonne mise en scène rituelle.

« Attention, en tendant l’index, vous invoquez Hermès ; avec l’annulaire, c’est Aphrodite. Mais si vous utilisez le majeur… alors, c’est une autre forme de message que vous envoyez. »

Origine maçonnique

La plus ancienne loge maçonnique connue fut celle de Mary’s Chapel (1599), sous l’autorité de William de Saint Clair, à Édimbourg (1).

À l’époque, ces premières loges écossaises tenaient farouchement à leur indépendance et pratiquaient :
• soit le Rite des Anciens Devoirs, garantissant une complexité suffisante pour occuper plusieurs générations d’initiés ;
• soit, à partir des années 1630, un rituel d’initiation plus dépouillé, le Rite du Mot de maçon, qui se résumait à une poignée de main et deux mots de passe.

 Une simplicité qui inquiétait profondément ceux qui espéraient un secret ésotérique d’une complexité insondable.

Et la Bible ?

Noli me tangere – « Ne Me touchez pas ».

Par Le Corrège (1525), musée du Prado.

Jésus prononce cette phrase à Marie-Madeleine après sa résurrection. Un avertissement divin ? Une nécessité spirituelle ? Ou simplement une réaction face à un enthousiasme débordant ?

L’ambiguïté reste entière, car dans l’Évangile selon Saint Matthieu, Marie saisit ses pieds et se prosterne. Jésus aurait-il changé d’avis en chemin ?

La version grecque peut aussi se traduire par « Ne vous cramponnez pas », ce qui ajoute une touche d’exaspération divine :
« Marie, je viens de revenir d’entre les morts, épargnez-moi une séance d’accolades excessives. »

En complément : La lutte de Jacob, ou comment négocier avec le divin

« Pour faire le premier pas, vous n’avez pas besoin de voir tout l’escalier. »

Dieu avec un Franc-maçon

Dans le silence de la nuit noire, « quelqu’un » s’approche de Jacob. Est-ce Dieu ? Ou le Christ, comme le pense Luther ? Peu importe l’identité exacte de son adversaire, ce duel tourne rapidement à une confrontation où l’objectif est simple : forcer l’autre à s’aplatir au sol et lui briser la nuque.

Dieu ou pas, la méthode est expéditive. La scène pourrait presque passer pour une leçon magistrale donnée par un maître en lutte gréco-romaine, avec une moralité douteuse à la clé : « Si tu veux une bénédiction, sois prêt à te faire éclater la hanche. »

Lorsque l’aube se lève, Jacob sort de ce combat légendaire en boitant, preuve irréfutable que les conflits mystiques ne se terminent jamais sans quelques séquelles physiques. C’est à croire que la transcendance spirituelle demande impérativement une entorse au passage.

Mots, signes et attouchements : la gestuelle sacrée ou le langage corporel divin

Dans ce combat qui dépasse l’entendement humain, les mots (« Je ne te laisserai point aller, que Tu ne m’aies béni »), les signes (Jacob qui boîte après la lutte) et les attouchements (la prise de catch céleste qui ne lui laisse aucune échappatoire) jouent un rôle essentiel.

On peut imaginer un dialogue parallèle un peu plus pragmatique entre Jacob et son adversaire :

— Jacob : Tu ne partiras pas tant que tu ne m’auras béni.
— L’ange : Très bien, mais tu te rappelleras de moi chaque matin en descendant les escaliers.

Après ce duel surprenant, Jacob passe des ténèbres à la lumière : Post tenebras lux. Ou, plus prosaïquement : « Après le chaos, l’illumination… et quelques séances de rééducation. »

Le secret maçonnique

Giacomo Casanova

Personne n’a réussi à mieux le dire que Giacomo Casanova (1725-1798), dans ce texte de ses Mémoires, rendue célèbre par son caractère énigmatique. Il y parle du secret de la franc-maçonnerie et notamment des mots, signes et attouchements maçonniques :

« Les hommes qui ne se font recevoir francs-maçons que dans l’intention de parvenir à connaître le secret de l’ordre, courent grand risque de vieillir sous la truelle sans jamais atteindre leur but. Il y a cependant un secret, mais il est tellement inviolable qu’il n’a jamais été dit ou confié à personne. Ceux qui s’arrêtent à la superficie des choses pensent que le secret consiste en mots, signes et attouchements, ou qu’enfin le grand mot est au dernier degré. Erreur. Celui qui devine le secret de la franc- maçonnerie, car on ne le sait jamais qu’en le devinant, ne parvient à cette connaissance qu’à force de fréquenter les loges, qu’à force de réfléchir, de raisonner, de comparer et de déduire. Il ne le confie pas à son meilleur ami en maçonnerie, car il sait que s’il ne l’a pas deviné comme lui, il n’aura pas le talent d’en tirer parti dès qu’il le lui aura dit à l’oreille. Il se tait, et ce secret est toujours secret. »

Donc, selon Casanova, celui qui pense que le secret consiste en mots, signes et attouchements se trompe.

Nous pourrions ajouter qu’apercevoir l’énigme maçonnique reste une tâche exaltante, à condition de ne pas faire de la répétition, et de donner plus d’importance aux analyses des contextes qui abritent les « secrets » maçonniques, et permettent de dépasser les interprétations herméneutiques, pour postuler des vérités pléonastique.

Dans ses mémoires, Casanova prévient :

« Les hommes qui cherchent le secret maçonnique risquent de vieillir sous la truelle sans jamais atteindre leur but. »

Une observation d’une ironie glaciale : chercher ce secret, c’est un peu comme essayer de comprendre les critères exacts des promotions dans certaines entreprises. Beaucoup de spéculations, beaucoup de mystère, et au final… une poignée de main et un sourire énigmatique.

Conclusion

Les signes et attouchements maçonniques sont censés être un langage secret, une voie de transmission du savoir, un outil ésotérique puissant. Mais soyons honnêtes : leur interprétation tourne parfois à l’absurde.

Un doigt, un regard, un pouce stratégiquement posé… et voilà qu’une vérité ancestrale serait censée se révéler. À croire que la mystique du geste cryptique dépasse les siècles.

Celui qui espère découvrir le Grand Secret du rite maçonnique à coups de pressions de pouce et de regards énigmatiques risque surtout de devenir expert en gestuelle socialement ambiguë.

  1. Entre 1599 et 1688, la loge s’appelait The Lodge of Edinburgh, nom qui fut changé lorsque la Grande Loge d’Écosse confirma sa charte, et la désigna sous son nom actuel The Lodge of Edinburgh (Mary’s Chapel) No. 1.

Le nom Mary’s Chapel a pour origine la St Mary’s Chapel, fondée en 1505 au centre de Niddry’s Wynd (Edinburgh) par Elizabeth, Comtesse de Ross (Écosse). La chapelle fut détruite en 1785 pour la construction d’un pont au sud de la ville. (source Wikipedia)

1 COMMENTAIRE

  1. La Franc-maçonnerie se révélant comme étant une organisation discrète s’inscrit nécessairement et systématique dans une logique dont la démarche en interne se veut secrète voire codifiée.
    En effet, les mots, les signes et attouchements sont des identifiants qui constituent ce caractère sacré et original que seuls les adeptes ou initiés utilisent comme langage de reconnaissance et d’identité.
    De plus, que ce soit l’armée ou toute autre organisation placée sous le signe (ORDRE) dispose d’un langage codé propre a leurs sujets.
    En définitive,
    Il faut bien y être pour comprendre le caractère sacré transmis de génération en génération par les fondateurs et précurseurs de La Franc-maçonnerie.

    Merci à vous pour cet avant-goût aux mystères de cette prestigieuse institution mondiale.

    Que La Lumière Soit !

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Gérard Lefèvre
Gérard Lefèvre
En parlant de plume, savez- vous que l’expression “être léger comme une plume” signifie ne pas peser plus lourd qu’une plume et pouvoir soulever quelqu’un ou quelque chose avec une grande facilité? C’est une belle métaphore pour exprimer la légèreté et la facilité. Et puis, être une plume peut aussi signifier autre chose. On n’est pas seulement « plume », on est « plume de… ». Parfois, on propose à quelqu’un qui a une audience, un public, et pas forcément le temps, ou parfois pas forcément la compétence d’écrire pour être compris et convaincant à l’oral. C’est un peu comme être un “nègre”, donc… Alors, que choisir? Être ou ne pas être une plume ? Gérard Lefèvre Orient de Perpignan

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