Avec inspiration de notre confrère elnacional.com – Par Mario Múnera Muñoz
Imaginez un dieu sans trône, sans couronne, sans colère ni clémence – un dieu qui n’est ni une personne ni un créateur au sens classique, mais une essence infinie, un tissu unique dont sont faits le vent, les étoiles, et même vos propres pensées. Au XVIIe siècle, dans une Europe déchirée par la foi et éblouie par la science, Baruch Spinoza (1632-1677) osa proclamer une vérité qui fit vaciller les certitudes de son temps : Dieu est la Nature, une substance indivisible, cause de tout ce qui existe.
Dans ce deuxième volet de notre série, explorons cette vision panthéiste qui rejette le Dieu anthropomorphe des dogmes pour révéler une réalité unifiée, régie par une loi immuable. Pourquoi cette idée fut-elle jugée hérétique ? Et que peut-elle encore nous apprendre aujourd’hui ?
Un siècle de raison et de ferveur

Le XVIIe siècle est un creuset d’idées nouvelles et de tensions anciennes. Les mathématiques, avec Descartes et Newton, deviennent le langage de la nature ; le mécanisme (tout s’explique par des lois physiques), le dynamisme (l’énergie anime l’univers) et le finalisme (tout a un but) redessinent la pensée scientifique. Mais c’est aussi une ère de fanatisme religieux : les guerres de Trente Ans (1618-1648) ravagent l’Europe, et l’Inquisition traque les dissidents. Dans ce tumulte, la famille Spinoza, des Juifs séfarades portugais, fuit les persécutions ibériques pour s’installer à Amsterdam, une oasis de tolérance où la liberté intellectuelle commence à germer.
Dès 23 ans, Baruch, brillant élève de la yeshiva, se détourne des textes sacrés pour embrasser la philosophie. Il lit Descartes, maître du rationalisme, mais va plus loin. Les rabbins prêchent un Dieu anthropomorphe – un vieillard barbu, perché dans les cieux, scrutant ses créatures avec des passions humaines. Spinoza y voit une illusion, une projection de nos désirs et de nos peurs. En 1656, cette audace lui coûte cher : un cherem (excommunication) le bannit de la communauté juive d’Amsterdam. À une époque où la religion définit l’identité sociale, c’est une chute brutale : il devient un paria, exclu des cercles qui l’ont vu naître. Mais loin de plier, Spinoza transforme cet exil en un tremplin pour une pensée révolutionnaire.
Dieu comme substance unique

Dans L’Éthique (1677), Spinoza propose une ontologie qui défie tout précédent : Dieu est une substance unique, infinie, causa sui (cause de soi), dont tout découle par nécessité. « Tout vient de Dieu et tout contient Dieu », écrit Muñoz, résumant cette idée. Contrairement à Descartes, qui part du “je pense, donc je suis” pour prouver le monde via un Dieu extérieur, Spinoza commence par Dieu lui-même. Cette substance n’a besoin de rien pour exister : elle est l’existence, parfaite en soi, avec une infinité d’attributs – dont l’homme ne perçoit que deux : la pensée (esprit) et l’étendue (matière).
Pensez à un triangle : ses angles totalisent 180° non par caprice, mais par la nécessité de sa forme. De même, chaque phénomène – une tempête, un sourire – émane de la nature de Dieu comme une conséquence logique. « Dieu ne travaille pas pour des fins », insiste Spinoza dans L’Éthique (Partie I, Appendice). Il n’est pas un artisan doté de passions humaines ; il est une loi universelle, un ordre immuable qui s’exprime dans chaque brin d’herbe et chaque galaxie. Comme l’écrit le philosophe Stuart Hampshire dans Spinoza (1951), « pour Spinoza, Dieu n’est pas un agent volontaire, mais une nécessité impersonnelle ».
Une attaque contre les dogmes

Spinoza rejette les philosophies qui étudient Dieu à partir des “choses sensibles” – une erreur qu’il juge fondamentale. Les religions, dit-il, déforment la nature divine en la parant d’attributs humains : colère, amour conditionnel, vengeance. Dans son Traité théologico-politique (1670), il dénonce ces récits comme des fictions politiques, conçues pour manipuler les masses par la peur. « Pour comprendre la substance, ne la regardez pas avec la raison seule, mais avec l’intuition et l’imagination », suggère Muñoz, capturant l’appel de Spinoza à une approche plus profonde.
Ce Dieu n’a ni forme ni visage. Il ne se préoccupe pas des détails de nos vies comme un parent attentif. Tout suit une loi universelle, une harmonie mathématique que l’homme perçoit comme imparfaite faute de vision globale. « L’imperfection est dans l’esprit humain », écrit Spinoza. Quand nous pleurons un malheur, nous ne voyons qu’une fraction du tableau ; la substance, elle, reste parfaite.
Le sacré partout et nulle part

Si Dieu est la Nature, alors tout est sacré – de la plus petite particule au cosmos infini. « En tout est contenu le tout », note Muñoz, écho d’une idée centrale dans L’Éthique : chaque élément reflète la substance entière. Observez une cellule au microscope : elle est un univers en miniature. Contemplez une nébuleuse : elle obéit aux mêmes lois que votre propre souffle. Pour Spinoza, la vérité n’est pas un décret divin ; elle est un attribut de la substance, inscrite dans l’ordre naturel.
L’homme n’est pas une exception : il n’est pas une substance distincte, mais une modification de cette essence divine. Comme l’explique Jonathan Israel dans Radical Enlightenment (2001), « le panthéisme de Spinoza dissout toute hiérarchie : l’homme n’est pas au-dessus de la nature, il en fait partie ». Cette vision égalitaire choque une époque où l’homme se voit comme la couronne de la création.
Une liberté rationnelle

Spinoza ne voit pas Dieu comme un législateur distribuant péchés et vertus. Les morales religieuses, avec leurs commandements, sont des constructions humaines, pas divines. Dans L’Éthique (Partie IV, Proposition 37), il affirme : « La liberté est fondée sur la raison et la compréhension. » Comprendre la nécessité – pourquoi les choses sont ainsi – libère de la peur et des illusions. Si je sais que ma colère ou ma joie découle de la Nature, je ne me perds pas dans la culpabilité ; je cherche à les harmoniser par la connaissance.
Albert Einstein, fasciné par Spinoza, écrivait en 1929 : « Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’harmonie de ce qui existe. » Pour lui, méditer sur cette harmonie était une forme de communion spirituelle, bien plus riche que les prières traditionnelles.
Une pensée qui traverse le temps
Exilé à 23 ans, Spinoza vécut modestement, polissant des lentilles pour subsister et écrivant dans une solitude féconde. Ses idées, interdites et brûlées, survécurent grâce à des lecteurs clandestins. Mort à La Haye en 1677, il laissa une philosophie qui défie les siècles : un Dieu sans autel, une Nature sans limites, une liberté sans dogmes.
Dans le prochain volet, nous plongerons dans l’éthique spinoziste et sa vision du bonheur. Pour l’instant, retenons ceci : Spinoza nous appelle à voir le divin dans l’ordre du monde, à dépasser les fictions humaines, et à embrasser la réalité comme une danse éternelle de la substance unique.
La suite demain même heure…
Le Dieu panthéiste de Spinoza est une excellente base pr l’axe vertical et divin de l’écologie intégrale. Il demeure qu’en plus il y a un plan de Dieu, et que ce projet divin ici bas est à la main de l’homo erectus bipède à dix doigts, forme probablement la plus agile et la plus aboutie du vivant (les extra-terrestres nous ressemblent, à ce titre).
Cett vision de FF et SS et sympathisants doit évoluer : nous sommes la main de Dieu/Gadlu/ principe créateur, en immense responsabilité.
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