À la fois roman historique, traité symbolique et réflexion philosophique, cet essai romancé, L’héritage maçonnique, tisse un texte où science et spiritualité, traditions et modernité se rencontrent.
“L’héritage maçonnique” de Raphaël Massarelli et Solange Sudarskis mêle roman initiatique, essai historique et réflexion ésotérique. À travers une narration à plusieurs niveaux, l’ouvrage explore les racines philosophiques et spirituelles de la Franc-maçonnerie, tout en posant des questions sur la transmission du savoir, la lumière et le rôle du temple dans l’histoire humaine.
L’histoire commence avec Léopold Bloom, un personnage dont le nom, emprunté à Ulysse de James Joyce, annonce une quête initiatique. Ce Lyonnais solitaire et érudit partage son temps entre méditation zen, promenades dans le Vieux Lyon et recherche de livres anciens.
C’est lors d’une de ses déambulations qu’il découvre un manuscrit mystérieux, sans titre ni auteur, dans une librairie au nom intrigant : Le Palmier de Déborah. La libraire lui laisse entendre que ce livre « l’attendait ».
Intrigué, Bloom décide de traduire l’ouvrage, plongeant ainsi dans un récit vieux de plusieurs siècles, qui l’amène au cœur des débats fondateurs de la Franc-maçonnerie.
Le récit s’imbrique alors dans un second niveau narratif : celui du contenu du manuscrit, qui nous transporte en Angleterre au XVIIIe siècle.

Le contenu du manuscrit transporte le lecteur à Londres en 1721, où se déroulent les échanges entre Jean Théophile Desaguliers et James Anderson, figures majeures de la Franc-maçonnerie spéculative. Leur discussion porte sur la nécessité d’établir des Constitutions pour leur Ordre et, plus fondamentalement, sur le symbolisme du temple maçonnique. L’un des débats majeurs concerne l’orientation du temple. Doit-il suivre le modèle du Temple de Salomon, où le Saint des Saints est situé à l’Occident, ou celui des cathédrales chrétiennes, orientées vers l’Est ? Ce questionnement architectural soulève une problématique plus vaste : la place de la Lumière, du divin et du chemin initiatique dans la construction du temple.
Une autre question centrale concerne les colonnes Jakin et Boaz. Dans le Temple de Jérusalem, elles se situent à l’extérieur, marquant l’entrée. Or, dans les temples maçonniques, elles sont placées à l’intérieur. Ce déplacement modifie leur symbolisme : gardent-elles encore l’entrée, ou sont-elles désormais les piliers d’une quête intérieure?


L’érudition du roman ne s’arrête pas là. L’intervention d’un personnage inattendu, Sir Isaac Newton, donne une nouvelle dimension au débat. Connu pour ses découvertes scientifiques, Newton est ici présenté comme un homme fasciné par l’ésotérisme et l’alchimie. Ses échanges avec Desaguliers et Anderson approfondissent la réflexion sur la nature de la lumière, du vide et de l’infini. Newton questionne : le monde est-il composé de matière ou d’énergie ? Sommes-nous tous des fils de la lumière ?

Le récit prend une tournure encore plus fascinante lorsque le rabbin Hart entre en scène. Ce personnage énigmatique, porteur d’une sagesse teintée de mysticisme, apporte une vision kabbalistique aux réflexions des deux pasteurs.Il évoque notamment le Tsimtsoum, concept développé par Isaac Louria, selon lequel Dieu a contracté sa lumière pour laisser place à l’univers. Cette théorie renvoie directement à la notion de vide sacré et de création, un parallèle frappant avec la structure des temples. Pour Hart, la Franc-maçonnerie puise dans cet héritage spirituel, tout en le reformulant pour les initiés modernes.
À travers ses interventions, le roman met en évidence la frontière poreuse entre science et spiritualité, une thématique récurrente dans l’histoire de la Franc-maçonnerie.

Un autre moment clé du roman survient lorsque Desaguliers et Anderson reçoivent une visite inattendue, une femme mystérieuse, Dame Déborah qui introduit une nouvelle dimension au débat : la Kabbale juive et ses correspondances avec la pensée maçonnique. Elle les met en garde contre une vision trop rigide du temple et insiste sur le fait que le savoir initiatique ne peut être figé. Son discours oscille entre mysticisme juif, tradition chrétienne et pensée maçonnique, suggérant que la véritable transmission ne repose pas uniquement sur l’écrit, mais sur l’expérience et la recherche intérieure.
Cette rencontre interroge Desaguliers et Anderson, qui comprennent que la Franc-maçonnerie ne peut se limiter à un simple débat historique ou architectural. La Franc-maçonnerie est un cheminement dans l’équilibre entre mémoire et innovation, entre structure et intuition.
Le roman devient alors une fresque intellectuelle, où chaque personnage représente un pan de la connaissance
Léopold Bloom, en traduisant ce manuscrit, ne se contente pas d’explorer un livre. Ses réflexions montrent que la lecture ne consiste pas à trouver des réponses, mais à apprendre à poser les bonnes questions.
Ainsi, la Franc-maçonnerie y est décrite comme un espace où se croisent différentes traditions, un lieu de transmission du savoir, mais aussi de quête personnelle.
Avec son écriture érudite et sa structure en récit enchâssé, “L’héritage maçonnique” est un ouvrage exigeant, mais passionnant pour les amateurs de symbolisme, de spiritualité et d’histoire.
Il propose un voyage intellectuel entre Lyon et Londres, entre passé et présent, entre science et mysticisme. Il s’adresse aux lecteurs curieux, prêts à suivre un chemin d’éveil cognitif à travers les âges, où chaque détail recèle une signification cachée.
Joël Gregogna, le préfacier en dit : « On devine les recherches minutieuses que l’un et l’autre auteurs ont dû mener pour rendre à ce XVIIIe siècle toute sa richesse, sa force et sa tendresse ! C’est sans doute ce dernier terme, « tendresse », qui est le plus important, en ce qu’il suppose un équilibre délicat entre ce qui est histoire et ce qui est fiction. »
Date de parution 06/03/2025 Éditeur Le Compas dans l’œil, Collection La Parole Circule Nombre de pages 308