De notre confrère universalfreemasonry.org
La doctrine de la réincarnation, qui nous vient aujourd’hui de l’Orient mystique, est une philosophie pérenne des écoles de mystères. On la retrouve dans les systèmes de pensée mystique de tous les temps. Quel lien pouvons-nous discerner avec la franc-maçonnerie ?
Or, ce que je dis, frères, c’est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption n’hérite pas l’incorruptibilité. Voici, je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous en un instant nous serons transformés… Car il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l’immortalité… Alors s’accomplira la parole qui est écrite : La mort a été engloutie dans la victoire. – 1 Corinthiens, XV, 50-4.
Il est quelque peu attristant de constater que, malgré les millions d’années de vie humaine sur cette planète, il n’existe pas de croyance générale quant à notre origine et notre destination, ni même quant aux raisons de notre venue et de notre départ. Le sens et le but de la vie échappent encore à la science physique ; ce sont au mieux des questions de foi et souvent de désespoir. La souffrance du monde, la cruauté transparente de la nature, les inégalités étonnantes de l’existence humaine, les graves injustices qui semblent régner dans la vie de la majorité, sont, pour notre raison, des énigmes aussi grandes aujourd’hui au XXe siècle qu’elles l’ont toujours été depuis que nous avons des traces de l’histoire humaine. Dans un tel état de choses, nous ne pouvons pas nous permettre de rejeter sans entendre aucune théorie qui tente sérieusement de jeter la lumière sur ces ténèbres.
L’hypothèse générale de la préexistence (sous laquelle tombe la doctrine spéciale de la réincarnation) ne résout pas, il est vrai, les problèmes fondamentaux, mais elle repousse certaines des difficultés initiales. Elle fournit au développement de l’individu un terrain plus vaste que le cadre confiné et clos d’une courte vie terrestre, et, en fournissant une scène ou une série de scènes pour les actes et les scènes du drame séculaire de l’âme humaine avant l’existence présente, nous permet d’envisager l’idée d’une loi de causalité morale qui conditionne notre relation actuelle aux circonstances d’une manière qui n’entre pas en conflit avec notre sens inné de la justice.
En tant que fait susceptible d’être démontré scientifiquement, la réincarnation ne peut être ni prouvée ni réfutée. Les preuves qui existent ne sont que circonstancielles et tendent à la probabilité. Cependant, si nous voulons accepter – ce qu’il serait imprudent d’ignorer – l’autorité du passé, nous trouvons les Ecritures et les traditions des races orientales qui ont un grand patrimoine spirituel et philosophique et qui ont inculqué avec force cette doctrine. Il en va de même pour les systèmes pythagoricien et platonicien. En dehors des écoles philosophiques et mystiques grecques, l’esprit européen n’a pas été familiarisé avec le dogme, mais rien ne dépend de l’ignorance de ce dogme par les peuples d’un continent dont la civilisation est de développement tout récent et dont la population était barbare longtemps après que l’Egypte et l’Extrême-Orient eurent décliné de leur position élevée en tant que centres de sagesse religieuse et philosophique. L’histoire de l’Europe civilisée est pratiquement synchronisée avec celle de l’Église chrétienne, qui a détenu (ou retenu) les clés de l’information sur les questions obscures, et comme cette Église est restée muette sur la réincarnation, il n’existait aucun moyen de propager cette idée en Occident jusqu’à ce qu’elle soit introduite par le mouvement « théosophique » vers la fin du XIXe siècle. Son acceptation fut alors facilitée par deux causes : d’abord, par la traduction et la vulgarisation parmi nous de la littérature sacrée et philosophique de l’Orient, où la doctrine est universelle ; et ensuite, par la reconnaissance par la science occidentale d’un processus évolutif à l’œuvre dans la nature, un processus suggérant que toute vie progresse par gradations et par une succession de changements morphologiques ascendants. L’esprit ne peut guère être que satisfait d’observer un processus de perfectionnement graduel impliquant une séquence de naissances et de morts, et de contempler la vie endormie dans le minéral, rêvant dans la plante, s’éveillant dans l’animal, atteignant la conscience de soi et la liberté d’action chez l’homme, avec en plus la perspective d’une spiritualisation et d’un progrès ultérieurs au fil du temps.
Ce que l’esprit mystique de l’Orient a intuitivement discerné et toujours tenu pour vrai, l’intellect pratique de l’Occident l’a enfin découvert par des recherches scientifiques inductives, dont les résultats suggèrent que toute vie progresse vers une conscience de plus en plus parfaite, par une lente et patiente gradation et par d’innombrables modes et formes. L’un des arguments les plus puissants en faveur de la préexistence et de la réincarnation est fourni par notre conception générale du pouvoir créateur divin et par l’analogie entre l’évolution psychologique et l’évolution biologique. Si les types biologiques supérieurs sont apparus successivement et non simultanément avec les espèces inférieures – si Dieu, s’abstenant d’intervention surnaturelle, fait dériver les espèces les unes des autres dans une succession naturelle – alors il semble également probable que les types psychologiques supérieurs au sein de la même espèce biologique ne soient pas créés soudainement, mais produits comme résultat d’un développement naturel de types inférieurs. La véritable conception du pouvoir créateur divin, telle que nous la connaissons par la biologie, conduit à la conclusion que ce qui nous frappe comme génie ou sainteté doit avoir été préparé par des efforts conscients d’une libre volonté humaine, et non créé soudainement par Dieu sans aucun lien avec l’évolution générale de la vie spirituelle. En effet, la création soudaine de types supérieurs qui n’ont rien fait pour mériter ce niveau supérieur serait injuste envers ceux qui s’élèvent lentement vers des niveaux plus élevés par des efforts conscients. Pourquoi les autres devraient-ils nous surpasser immédiatement dès le début sans avoir rien fait pour atteindre le but de nos propres aspirations ? Bien que tout esprit qui s’efforce connaisse l’action merveilleuse de la grâce divine en lui, même cette expérience nous montre que Dieu agit sur une âme vivante, élevant cette âme déjà existante à des niveaux supérieurs, et non pas comme introduisant soudainement dans la vie humaine la perfection angélique sans effort spontané ou expérience préalable.
Nous savons que cette action du Créateur en nous s’ajoute à quelque chose qui dépend de notre libre arbitre, et c’est au moins un sens de l’Évangile : « A celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ». Dieu agit selon ses lois générales, que l’homme est capable de découvrir et d’appliquer. Ces lois ne limitent pas la toute-puissance divine ; elles ne sont qu’un reflet de cette toute-puissance dans l’esprit humain. Percevoir une loi divine, c’est simplement donner une expression humaine (selon les capacités de l’intelligence humaine) à une réalité divine qui en Dieu n’a pas la forme d’une formule humaine. Avec cette restriction, nous pouvons considérer des formules clairement conçues comme des lois de l’existence et de la vie, et comme il existe une loi de la gravité qui explique la chute d’une pierre, et une loi du mouvement qui explique le vol d’un oiseau, de même nous tirons de l’expérience une loi tout aussi universelle de l’esprit, selon laquelle, dans notre expérience terrestre, des stades plus élevés de puissance intellectuelle ou morale sont atteints par l’effort, l’entraînement, le renoncement et la mortification volontaire. L’existence même d’un stade supérieur implique donc des efforts antérieurs, et si dans notre vie actuelle il n’y a pas eu de place pour eux, nous sommes en droit d’admettre que les efforts nécessaires ont été faits dans le passé oublié de chaque esprit supérieur, et, dans le cas des esprits humains, ils n’ont pu être faits que dans des incarnations humaines passées, impliquant, comme ils le font, une connaissance et une expérience des conditions humaines qui ne pouvaient être acquises que de cette manière. Les efforts de chaque esprit individuel sont soutenus par la grâce divine, mais seuls ceux qui ont atteint quelque chose par eux-mêmes peuvent espérer l’aide divine pour accomplir plus que ce qu’ils méritent. L’analogie entre l’évolution des organismes et la croissance d’une âme montre la nécessité de nombreuses incarnations humaines pour chaque esprit individuel, de sorte que la grandeur manifestée dans une brève vie peut être considérée comme s’étant développée au cours de nombreuses vies précédentes.
Aujourd’hui, l’évolution, bien que l’on admette aujourd’hui librement qu’elle est un processus universel de la nature, est encore généralement considérée comme une découverte moderne. Cette opinion est cependant incorrecte, car la Sagesse antique, qui constitue le fondement philosophique de notre Franc-Maçonnerie moderne, la connaissait et l’appliquait bien avant que les scientifiques n’acceptent cette théorie au XIXe siècle. L’enseignement de la Sagesse antique reconnaissait que dans tout l’Univers, il n’y a qu’une seule Vie, divisée et différenciée en d’innombrables formes, et évoluant à travers ces formes depuis des degrés de perfection moindres vers des degrés de perfection plus élevés. Dans la métaphore maçonnique, la Nature était considérée comme la vaste carrière et la forêt dans lesquelles les vies individuelles ont été taillées comme autant de pierres et de bois qui, une fois dûment perfectionnés, sont destinés à s’assembler et à former une synthèse nouvelle et supérieure, un Temple majestueux digne de la présence divine, et dont le Temple de Salomon était un type.
L’Ancienne Sagesse affirmait que toute vie est issue de l'”Orient” (le Grand Monde de l’Esprit infini) et a voyagé vers l'”Occident” (le Petit Monde de la forme et de l’incarnation finies), d’où, une fois finalement perfectionnée par l’expérience dans des conditions restreintes, elle est destinée à retourner à l'”Orient”. La vie était alors vue comme étant divisée et distribuée en d’innombrables vies ou âmes individualisées, et passant d’une forme corporelle à une autre dans une progression perpétuelle. Ces âmes individualisées étaient appelées “pierres”, et tout au long du cours de l’histoire on retrouve cette similitude de l’âme humaine avec une pierre, ainsi que des instructions pour la travailler d’un état brut à un état parfait. Exprimées dans le langage de la Franc-Maçonnerie moderne, descendante directe de l’Ancienne Sagesse, ces “pierres” sont appelées “pierres de taille brutes” ou “pierres de taille parfaites”, selon qu’elles existent à l’état brut ou qu’elles ont été équarries, travaillées et polies. La forme corporelle dont l’âme est revêtue en entrant dans ce monde était considérée comme transitoire, variable, périssable et de peu d’importance comparée à la vie ou à l’âme qui l’animait. Pourtant, elle a été considérée comme étant de la plus grande importance à un autre égard, car elle constituait un point d’appui ou de résistance pour l’éducation et le développement de l’âme. C’est pourquoi on l’appelait, et nous l’appelons encore ainsi en Franc-Maçonnerie, “le tombeau de la transgression”, le “tombeau” dans lequel l’âme est descendue pour travailler à son propre salut, pour se transformer et s’améliorer, et d’où elle ressort plus forte et plus sage grâce à cette expérience. Pour nous permettre de saisir clairement l’enseignement de la Sagesse Antique, il est essentiel de garder à l’esprit la distinction qui est faite entre l’individualité et la personnalité, entre la vie et la forme, l’esprit et le corps. La Doctrine Secrète présuppose que l’homme est un Etre spirituel ou Ego, doté des triples pouvoirs de VOLONTÉ, de SAGESSE et d’INTELLIGENCE CRÉATRICE, et qu’il entre en relation avec la matière afin de se façonner une succession de corps qui constituent ses personnalités successives, et au moyen desquels il acquiert les expériences essentielles à la croissance mentale, morale et spirituelle, jusqu’à ce que progressivement sa nature réelle brille dans toute sa Sagesse, sa Force et sa Beauté. En conséquence, la personnalité est censée inclure l’âme (au sens où on l’entend dans notre terminologie moderne) aussi bien que le corps, ou, en d’autres termes, la personnalité embrasse l’expression aussi bien que la forme. L’âme, étant donc le reflet de la triple nature de l’Esprit, a nécessairement aussi trois attributs (modes d’expression), et ce sont les pensées, les sentiments et les actions familiers de la conscience personnelle humaine. Par conséquent, l’âme a besoin, pour la pleine expression de sa triple nature, de trois corps ou véhicules :
1..CORPS MENTAL – véhicule de la pensée. 2..CORPS ÉMOTIONNEL – véhicule de la sensation et de l’émotion. 3..CORPS PHYSIQUE – véhicule de l’action.
Enfin, l’Ancienne Sagesse proclame que le « centre » de l’Être est l’Intelligence Spirituelle, qui est le Soi Supérieur ou réel de l’homme, et la doctrine enseigne que si l’homme veut trouver ce Soi, il doit apprendre à se retirer vers l’intérieur au-delà de la conscience de l’âme.
Une partie importante du programme des Mystères Anciens était l’enseignement de la Cosmologie, ou science de l’Univers, et l’intention de cet enseignement était de révéler aux Candidats la constitution physique et métaphysique du monde, ainsi que la place et la destinée de l’homme en son sein. Par ce moyen, les Candidats apprirent le flux continuel de la matière, le caractère transitoire des formes corporelles et la permanence immuable de l’Essence Unique ou Esprit qui est descendu et s’est incarné dans la matière. On leur démontra aussi la double méthode cosmique de l’Involution et de l’Evolution, par laquelle la Force de Vie universellement diffusée s’enferme et se circonscrit dans les limitations matérielles et les conditions physiques, et de là évolue et surgit à partir de celles-ci, enrichie par l’expérience. On leur donna en outre des instructions concernant les différents niveaux et graduations de l’Univers, certains matériels et d’autres éthérés, les plans et sous-plans sur lesquels le grand projet est exécuté ; dont les niveaux et les plans, tous progressivement liés entre eux, constituent une vaste échelle de plusieurs tours, portées ou échelons, une véritable « Échelle de Vie ».
Les candidats comprirent ainsi que l’Univers est constitué de consciences incarnées et que ces consciences incarnées existent dans une gradation pratiquement infinie de degrés de perfection variés – une véritable “Echelle de Vie” ou “Escalier de Vie” s’étendant sans fin dans les deux directions, car notre imagination ne peut concevoir d’autres limites qu’une limite hiérarchique ; et une telle limitation hiérarchique n’est que spatiale et non réelle, qualitative et formelle. On leur montra que l'”Echelle de Vie” est marquée à certains intervalles par des points d’atterrissage, pour ainsi dire, que les Mystères appelaient “plans de l’être” (différentes sphères de conscience, pour exprimer l’idée en termes alternatifs). Les candidats des anciens systèmes recevaient des instructions sur ces questions avant d’être admis. L’initiation et les connaissances acquises servaient à leur expliquer leur propre nature et leur constitution, ainsi que leur place dans le système mondial. Aujourd’hui, la Franc-Maçonnerie, perpétuant l’ancien enseignement, montre aux Frères une simple échelle, un symbole qui, lorsqu’il est correctement interprété, est de nature à ouvrir largement les yeux de leur imagination. Il est vrai que l’échelle représentée sur le TB du Premier Degré a une signification morale dans le cours d’instruction, mais, comme les étudiants en mysticisme hébreu le savent bien, « l’échelle de Jacob » est aussi un symbole de l’Univers avec sa succession de plans en forme d’escaliers allant des hauteurs aux profondeurs. En effet, nous apprenons du V. du SL que la Maison du Père possède de nombreuses demeures, de nombreux niveaux et lieux de repos pour Ses créatures dans leurs différentes conditions et degrés de progrès ; et ce sont ces niveaux, ces plans et sous-plans, qui sont représentés par les barreaux et les barres de l’échelle symbolique. Parmi ces plans, il y en a, pour nous, dans notre état actuel de développement évolutif, trois principaux :
1 .. PLAN PHYSIQUE 2 .. PLAN DU DÉSIR ET DE L’ÉMOTION 3 .. PLAN MENTAL.
Ces trois niveaux du monde se reproduisent chez l’homme : le premier (plan physique) correspond à son physique matériel, à son corps sensoriel ; le deuxième (plan du désir et de l’émotion) à son désir et à sa nature émotionnelle ; et le troisième (plan mental) à sa mentalité, qui forme le lien entre sa nature physique et son être spirituel. L’Univers et l’homme lui-même sont donc construits en échelles, et l’échelle avec ses trois portées principales peut être vue partout dans la Nature. Elle apparaît dans l’échelle septénaire du son musical avec ses trois dominantes ; dans l’échelle prismatique de la lumière avec ses trois couleurs primaires ; dans les changements physiologiques septénaires de notre organisme corporel, et dans les périodicités similaires connues de la physique et de toutes les branches de la science. La Sagesse Ancienne enseigne que la substance universelle unique qui compose les parties différenciées de l’Univers “descend” d’un état d’éthérialité extrême, par des étapes successives de densification croissante, jusqu’à ce que la matérialisation grossière soit atteinte, et de là, “monte” par une gradation de plans ordonnée de façon similaire jusqu’à sa place originelle, mais enrichie par l’expérience acquise par ses activités au cours de ce processus. De la même manière, nous sommes tous descendus dans ce monde (le nadir de la matérialité), et nous devons tous en remonter par les mêmes marches de “l’échelle de Jacob”, “qui atteint les cieux” (le zénith – “une demeure éthérée voilée aux yeux des mortels par le firmament étoilé”). Dans certains diagrammes maçonniques et planches à tracer, une petite croix est exposée sur l’échelle, dans une position instable et inclinée, comme si elle la gravissait ; cette croix représente tous ceux qui sont engagés dans l’ascension de l’échelle vers les hauteurs, et qui, selon les mots du poème :
« S’élever par des tremplins De leur moi mort vers des choses plus élevées ».
En effet, chacun de nous porte sa propre croix (corps cruciforme) en s’élevant, le vêtement matériel dont les tendances sont toujours en contradiction avec le désir de son esprit et militent contre l’ascension. Néanmoins, ainsi chargé, chacun doit grimper, et grimper seul ; mais en tendant (comme l’enseigne la tradition secrète et comme le signifient les bras de la croix inclinée) une main vers des aides invisibles au-dessus, et l’autre pour aider à l’ascension des frères plus faibles en dessous, car comme les côtés et les barreaux séparés de l’échelle constituent une unité, ainsi toute vie et toutes les vies sont fondamentalement une, et personne ne vit pour lui seul. Les étudiants maçonniques qui reconnaissent que chaque référence dans la Franc-Maçonnerie Spéculative est figurative et porte une signification symbolique derrière le sens littéral des mots, écarteront de leur esprit toute suggestion selon laquelle l’allusion à l’épisode biblique familier dans la Quatrième Section de la Première Leçon (voir Genèse, Chapitre 28), était destinée par les compilateurs de notre système à indiquer un sujet susceptible seulement d’une interprétation morale. Nous pouvons être assurés que les fondateurs de notre Ordre avaient en vue un but bien plus profond que celui de nous rappeler simplement la triade paulinienne des vertus théologales (Foi, Espérance et Charité), aussi excellentes soient-elles. Certes, l’interprétation morale est à la fois justifiée et salutaire, mais elle est néanmoins loin d’être exhaustive, car elle occulte plutôt qu’elle ne révèle le sens de la référence scripturale et ce que le symbole de l’Echelle est censé transmettre aux esprits perspicaces. Or, si nous voulons interpréter correctement le récit scriptural de “l’Echelle de Jacob” tel qu’il est donné dans l’Instruction-conférence, nous devons nécessairement avoir recours à une ancienne doctrine mystique hébraïque à laquelle la Franc-Maçonnerie est étroitement liée – la KABBALE. La Kabbale accorde une place de choix à ce que l’on appelle les sept rois d’EDOM, et l’étudiant découvrira que ces rois sont représentés dans le Livre de la Genèse comme sept anciennes royautés précédant l’établissement du Royaume d’Israël ; Mais la Kabbale explique en outre qu’il s’agit d’images descriptives de sept mondes créés avant celui habité par l’homme, mondes qui sont incapables d’endurance permanente car l’Image Divine n’est pas assumée en eux. L’humanité qui assume l’Image Divine (c’est-à-dire l’homme parfait) est appelée Israël, et les sept rois ou royaumes d’Edom sont présentés comme sept stations ou mondes planétaires par lesquels l’âme doit passer pour atteindre la perfection. Un tel état de perfection n’est atteint que lorsque, par la restauration et l’exaltation complètes de l’âme à l’unité avec l’Esprit, les principes masculin et féminin sont en parfait équilibre l’un avec l’autre. Ces principes (masculin et féminin) sont appelés le Roi et la Reine, et sont respectivement l’Idée Archétypique (Adam Kadmon), qui subsiste avant la création, et cette Idée réalisée dans la création. Et, comme le déclare le “Livre des Occultations” kabbalistique :
« Jusqu’à ce que l’équilibre soit établi, et tant que le Roi et la Reine ne se regardent pas face à face, les sept mondes d’Edom n’auront pas de continuité. Mais lorsque la Reine apparaîtra sur son trône, alors tous les sept royaumes d’Edom seront repris en Israël et renaîtront sous d’autres noms, car tout ce qui n’est pas, tout ce qui est et ce qui sera, sont portés par l’équilibre du Roi et de la Reine qui se regardent face à face. »
Une lecture attentive de ce passage du “Livre des Occultations” révèle que la condition signifiée est précisément celle décrite également par saint Paul dans son Épître aux Corinthiens, lorsqu’il dit : “Mais quand ce qui est parfait sera venu, alors ce qui est partiel disparaîtra ; car aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face” (1 Corinthiens 13, 10-12). Il est donc évident que les rois d’Edom (c’est-à-dire Adam ou la terre) sont une figure occulte des sept domaines progressifs, sphères, planètes ou étapes, par lesquels l’âme passe sur le chemin de la royauté céleste à l’intérieur et au-delà du plan terrestre, où l’homme perfectionné devient “un prince et un dirigeant en Israël”. D’où l’évanescence des sept royaumes d’Edom ; ils représentent des étapes rudimentaires et embryonnaires dans la “fabrication” (le perfectionnement) de l’homme. De là aussi la déclaration apocalyptique : « Le septième ange sonna de la trompette. Et il y eut dans le ciel de fortes voix qui disaient : Le royaume du monde est remis à notre Seigneur et à son Christ ; il régnera aux siècles des siècles » (Apocalypse 11, 15). De plus, il est important, pour permettre à l’étudiant de comprendre le sens de la référence cryptique à Esaü dans l’Instruction-lecture, de garder à l’esprit que le V. de la LS nous informe que « Essaü est Edom et le père de ses rois » (Genèse, chapitre 36). Or, Esaü est le frère de Jacob, et comme c’est la dynastie de Jacob qui succède à celle d’Edom, il s’ensuit qu’Esaü est une figure de nature corporelle, tandis que Jacob est une figure de vie spirituelle. Voici le lien avec notre symbole de « l’échelle de Jacob », car nous pouvons discerner que les sept barres de l’échelle sont aussi les sept royaumes temporaires d’Esaü, dont Jacob est destiné, en franchissant l’échelle, à supplanter et à remplacer la domination ; ce faisant, et en atteignant le sommet (la place du Seigneur), Jacob devient ISRAEL, ou « Prince avec Dieu ». L’attention est particulièrement attirée sur Genèse, 28, verset 12 : « Et il songea, et voici une échelle dressée sur la terre, et son sommet atteignait le ciel ; et voici les anges de Dieu qui montaient et descendaient par elle. » Interprétant ce passage, la Kabbale explique que les anges sur l’échelle désignent les âmes qui descendent en incarnation, au degré le plus bas de l’Univers (la matière à son point le plus bas), et qui montent à nouveau au Ciel. Au pied de l’Echelle, en hauteur, Jacob (l’âme du pèlerin) dort, ayant pour oreiller une pierre, et comme le monde matériel est le lieu de la plus grande obscurité et de la plus grande séparation d’avec Dieu, le lieu de la vision est appelé Luz (ou Luza), signifiant “séparation”. Néanmoins, l’âme sait que le point le plus bas est aussi le point tournant du pèlerinage, et que désormais le voyage se fait vers le haut et “vers l’est”.C’est le stade où l’âme perçoit que même dans l’abîme le plus profond de la matière, il n’y a pas de séparation réelle de la présence et de la vie divines ; et que dans la Vallée même de l’Ombre de la Mort, la « Bâton et la Verge » (c’est-à-dire les Arbres de Vie et de Connaissance – symbolisés dans l’Art par le Carré, une variante de la Croix) la réconfortent – voir Psaume 23, verset 4, « Oui, quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal : car tu es avec moi ; ta houlette et ton bâton me rassurent ». D’où l’exclamation de Jacob au réveil : « Certainement, l’Éternel est en ce lieu, et je ne le sais pas » (Genèse 28, 16), et le changement de nom du lieu qui en résulte, BETH-EL (c’est-à-dire Maison de Dieu) – verset 18. La version kabbalistique du rêve de Jacob est l’expression hébraïque de la Doctrine Secrète sur laquelle, depuis le début, toutes les grandes religions d’Orient et d’Occident ont été construites, à savoir la doctrine du « Guilgal Neschamoth », ou la transmigration et la progression des âmes.
Dans de nombreux systèmes de mystères antiques, une échelle à sept marches ou portes était utilisée pour démontrer les sept étapes du progrès de l’âme dans le monde de la matérialité. Les mystères grecs, par exemple, représentaient l’existence par le fleuve Styx, la « fille » d’Océanus (l’eau de l’éternité) et que certains appelaient la « mère » de Perséphone (l’âme), comme le véhicule par lequel elle est entraînée dans le monde souterrain et transportée de maison en maison des demeures obscures. Le Styx fait sept circuits, dont chacun comprend et forme un monde ou une station. Au cours de ces cycles d’évolution planétaire, le Styx devient la mère de quatre enfants, qui désignent respectivement les quatre divisions de la nature humaine : émotionnelle, volontaire, intellectuelle et psychique. Ces enfants ont pour père le géant Pallas (force élémentaire), pour sa victoire sur laquelle la déesse Athéna fut appelée Pallas (c’est-à-dire Pallas Athone). Le mot Styx signifie littéralement « haïssable » et signifie la nature imparfaite de l’existence par rapport à l’être pur ; ce « fleuve d’existence » est aussi appelé de diverses manières le « fluide astral », le « serpent » et « Lucifer ». Les sept étapes de l’existence constituent ce que l’on appelle une chaîne planétaire, le terme « planétaire » désignant « l’errance » (c’est-à-dire le pèlerinage), et elles sont classées comme suit :
1.. ÉTHÉRÉ. 2.. ÉLÉMENTAIRE. 3.. GAZEUX. 4.. MINÉRAL. 5.. VÉGÉTAL. 6.. ANIMAL. 7.. HUMAIN
Il faut se rappeler que ces stades ne sont pas des lieux, mais des conditions, et que dans le passage de l’âme, aucun n’est laissé en arrière, tous sont absorbés dans l’homme, l’un après l’autre étant revêtu (pour ainsi dire) et l’être tout entier compris dans l’individu parfait. Chacun des sept stades a une part dans l’évolution de la conscience, qui, il faut le noter, est unique jusqu’à ce que le stade le plus bas (le minéral) soit atteint ; le stade minéral est le point le plus bas et se trouve au pied de l'”Echelle de Vie”. C’est là que se produit le “sommeil profond” d’Adam (comme aussi de Jacob), la conscience étant unique et n’impliquant pas la conscience de soi, ayant en cela le mode le plus grossier de la matière atteint son minimum. A partir de ce point commence le processus de redoublement, ou de réflexion de la conscience, au moyen duquel l’âme passe graduellement à la conscience du Soi et de Dieu. La conscience étant unique jusqu’à ce que le quatrième ou le plus bas stade de l’existence soit atteint (le monde de la nature minérale), le commencement de la réduplication a lieu dans la cinquième station (le monde de la nature végétale), et c’est à ce stade que l’âme se rassemble et se formule en une individualité lointaine. Dans la sixième station, la capacité de « pécher » naît par l’éveil d’une conscience sympathique ; à ce stade, le « péché » devient possible pour la première fois, car tant que l’individu n’a que la simple conscience de la nature rudimentaire, il ne connaît d’autre volonté que la Volonté Divine exprimée dans la loi naturelle, et il n’y a pour lui ni meilleur ni pire – tout est « bon ». En d’autres termes : Adam, tant qu’il est encore seul, ne peut être tenté, ne peut pécher, car le simple mental ne peut pécher ; seule l’âme peut vaincre. C’est par l’avènement ou la manifestation d’« ÈVE » (l’âme, « la femme ») que vient la « connaissance du bien et du mal » ; et c’est à elle, et non à Adam, que le tentateur, lorsqu’il fait enfin son apparition, adresse ses séductions. Le « péché » d’Eve ne consiste pas à manger elle-même « le fruit de l’arbre », mais à le donner à Adam (cf. Genèse 3, 12), car cela constitue une régression sur le chemin de l’évolution, en ce sens qu’il renvoie le point polaire (c’est-à-dire la Vie Unique qui est centrée dans l’âme) en arrière et en bas, vers la raison inférieure ; car le « péché » consiste en une régression volontaire du supérieur vers l’inférieur. Le « serpent » qui tente de « pécher » est le moi astral ou magnétique, qui, ne reconnaissant que la matière, prend l’illusoire pour le substantiel. Cédant au « tentateur », l’âme tombe sous le pouvoir de la nature inférieure (« Adam »), voir Genèse 4, 16 – « et ton désir se portera vers ton mari, et il dominera sur toi » ; comme la femme de Lot, elle (Eve ; l’âme) a regardé en arrière et devient aussitôt une « colonne de sel », le synonyme alchimique de la matière.C’est dans cette soumission de la “femme” à l'”homme” et dans les conséquences funestes qui en découlent que réside la “Chute”, et le fait qu’elle entraîne ces conséquences démontre qu’une telle soumission n’est pas conforme à l’ordre divin, mais qu’elle en est l’inversion. L’âme doit toujours chercher vers le haut, vers la Volonté Divine (de l’Esprit) ; et au lieu de chercher vers le bas, vers le mental, elle doit attirer le mental vers le haut avec elle. Ainsi, dans la sixième station (le monde de la nature animale), qui correspond au sixième “jour” créateur de la Genèse, l’homme est encore en train de se faire, et pour atteindre la “mesure de stature du Christ”, et de l’homme potentiel à l’homme actuel et parfait, il doit entrer dans le septième et dernier monde de l’évolution kabbalistique, le dernier tour de l’Echelle de Jacob, qui est le seuil du Divin. La septième station (le monde de la nature humaine) est le monde des demi-dieux et des héros du mythe grec, des saints de la chrétienté et des Bouddhas d’Orient. Ici l’homme n’est plus simplement un animal supérieur, car la nature de la bête est expurgée et des sens nouveaux et plus subtils remplacent les anciens ; l’illumination divine et la connaissance transcendante ont fermé les avenues de la passion et du péché – c’est le premier Nirvana, ou Résurrection. Mais un pas de plus et le second Nirvana est atteint, et “Regina et Rex se regardent face à face” (l’Idée et la Réalisation sont face à face) ; car le plan de la terre et du temps est entièrement transcendé, l’indissoluble, une individualité et une vie éternelle sont gagnées – l’humanité est prise en Dieu. Ainsi est célébré le mariage mystique de la Vierge Immaculée (l’Ame) avec son époux le Saint-Esprit ; le joug de l’esclavage d’Adam est brisé, et pour toujours la malédiction est renversée par l’Ave Maria de la Régénération.et des sens nouveaux et plus subtils remplacent les anciens ; l’illumination divine et la connaissance transcendante ont fermé les avenues de la passion et du péché – c’est le premier Nirvana, ou Résurrection. Mais un pas de plus, et le second Nirvana est atteint, et “Regina et Rex se regardent face à face” (l’Idée et la Réalisation sont face à face) ; car le plan de la terre et du temps est entièrement transcendé, l’indissoluble, une individualité et une vie éternelle sont gagnés – l’humanité est prise en Dieu. Ainsi est célébré le mariage mystique de la Vierge Immaculée (l’Ame) avec son époux le Saint-Esprit ; le joug de l’esclavage d’Adam est brisé, et pour toujours la malédiction est renversée par l’Ave Maria de la Régénération.et des sens nouveaux et plus subtils remplacent les anciens ; l’illumination divine et la connaissance transcendante ont fermé les avenues de la passion et du péché – c’est le premier Nirvana, ou Résurrection. Mais un pas de plus, et le second Nirvana est atteint, et “Regina et Rex se regardent face à face” (l’Idée et la Réalisation sont face à face) ; car le plan de la terre et du temps est entièrement transcendé, l’indissoluble, une individualité et une vie éternelle sont gagnés – l’humanité est prise en Dieu. Ainsi est célébré le mariage mystique de la Vierge Immaculée (l’Ame) avec son époux le Saint-Esprit ; le joug de l’esclavage d’Adam est brisé, et pour toujours la malédiction est renversée par l’Ave Maria de la Régénération.
Les Mystères grecs ne traitaient que de deux sujets : le premier était le drame du « viol » et de la restauration de Perséphone, le second celui de l’incarnation, du martyre et de la résurrection de Dionysos ; par Perséphone on entendait l’âme, et par Dionysos l’esprit. Le mythe de Déméter et de sa fille Perséphone racontait comment la jeune fille s’était éloignée de l’Arcadie (le ciel) et de sa mère pour cueillir des fleurs dans les prés d’Enna, et comment le sol s’était ouvert et l’avait fait tomber dans le monde obscur de l’Hadès, gouverné par Pluton. Le désespoir de sa mère à la suite de cette perte atteignit Zeus, le chef des dieux, avec pour résultat qu’il soulagea sa situation en ordonnant que, si la jeune fille n’avait pas mangé du fruit de l’Hadès, elle serait immédiatement rendue à sa mère pour toujours, mais que si elle en avait mangé, elle devrait rester un tiers de chaque année avec Pluton et retourner auprès de Déméter pour les deux autres tiers. Cela prouva que Perséphone avait malheureusement mangé une grenade dans le monde inférieur, de sorte que sa restitution à sa mère ne pouvait pas être permanente, mais seulement périodique.
Ce mythe et l’importance qu’on lui a attachée ne peuvent être appréciés qu’en comprenant son interprétation. C’est l’histoire de l’âme et elle est de la même nature que le mythe mosaïque d’Adam et Eve ; Perséphone est l’âme humaine et son éloignement de sa demeure céleste et de sa mère céleste à la recherche de fleurs (symbole d’expériences nouvelles) dans les champs d’Enna (signifiant l’obscurité et l’amertume), correspond aux mêmes impulsions de désir qui ont conduit à la désobéissance d’Adam en Éden et à sa chute dans ce monde extérieur. Le fait de manger le fruit de l’Hadès fait allusion à la dégradation ultérieure de l’âme par la convoitise des plaisirs inférieurs de ce plan inférieur qui, comme le symbolise la grenade, est rempli de graines d’illusion et de vanité. C’est pourquoi, tant que ces tendances fausses ne seront pas éradiquées et que les désirs du cœur ne seront pas complètement sevrés des plaisirs extérieurs, il est décrété qu’il ne peut y avoir de restauration permanente de l’âme à sa source, mais seulement un répit et un rafraîchissement périodiques (« du travail au rafraîchissement ») que la mort apporte lorsqu’elle retire l’âme du royaume de Pluton vers le monde céleste ; suivis encore et encore par des descentes périodiques dans les limitations matérielles et des remontées dans des conditions désincarnées, jusqu’à ce que l’âme soit finalement purgée et parfaite. Au moyen de ce grand mythe, des instructions ont été données concernant l’histoire de l’âme, sa destinée et ses perspectives, et la doctrine de la réincarnation a également été mise en avant.
Le grand drame des mystères grecs énonce, en même temps qu’il voile, deux vérités cardinales : la Chute et la Rédemption de cette Chute. Ainsi, de l’état triste et lamentable dans lequel tombe Persophone, elle est finalement sauvée et ramenée aux demeures célestes ; mais pas avant la venue du Sauveur, représenté dans la parabole hermétique sous le nom d’Osiris (« le ressuscité du tombeau ») – l’Homme régénéré. Ce Rédempteur, lui-même d’origine divine, est représenté dans d’autres allégories sous d’autres noms, mais l’idée est toujours définie et l’intention évidente. En effet, Osiris est le Jésus de notre doctrine chrétienne, l’Initié suprême ou le “Capitaine du Salut” ; il est le reflet et la contrepartie dans l’Homme du Seigneur suprême de l’Univers (en grec – Dionysos, en hébreu – Adonaï), le type idéal de l’humanité. Il est représenté comme étant en toutes choses “instruit” et dirigé par Hermès ; célèbre comme le conducteur céleste des âmes des “demeures obscures” ; le Dieu sage et omniprésent dans lequel l’étudiant reconnaît le Génie de l’Entendement, ou Raison Divine, le “nous” de la doctrine platonicienne – et le mystique “Esprit du Christ”. Comme la compréhension des choses saintes et la faculté de leur interprétation sont le don d’Hermès, le nom de ce Dieu est donné à toute science et révélation de nature occulte et divine. Hermès était donc considéré comme le Messager ou l’Ange des Dieux, descendant aussi bien dans les profondeurs du monde hadéen pour en faire remonter les âmes, que s’élevant au-delà de tous les cieux pour pouvoir remplir tous les Lactance (apologiste chrétien du début du IVe siècle) dit dans ses Institutions divines : « Hermès affirme que ceux qui connaissent Dieu sont à l’abri des attaques du démon et qu’ils ne sont même pas soumis au Destin. » Or, les pouvoirs du Destin résident dans les étoiles, c’est-à-dire dans la sphère « astrale », qu’elle soit cosmique ou microcosmique, et le pouvoir astral était, dans la fable grecque, symbolisé par Argos (le génie aux cent yeux de la zone étoilée), « Panoptes », le géant omniscient, qu’Hermès eut la gloire d’avoir déjoué et tué. Le sens de cette allégorie est que ceux qui possèdent le secret hermétique ne sont pas soumis au Destin, mais ont dépassé l’esclavage de la métempsychose et se sont libérés du « tourbillon incessant sur la roue » du Destin. Les sphères d’illusion, dominées par les sept pouvoirs astraux, se trouvent entre l’âme et Dieu ; Au-delà de ces sphères se trouvent les « Neuf Demeures » célestes dans lesquelles, disent les Mystères, Déméter chercha en vain la Perséphone perdue. Car de ces demeures, Perséphone était tombée dans un état terrestre et matériel, et était ainsi tombée sous le pouvoir des dirigeants planétaires, c’est-à-dire du Destin, personnifié par Hécate. Le dixième jour, le Drame Divin montre Déméter rencontrant la Déesse du Destin et de la Rétribution,la terrible Hécate Triforme (personnification du “Karma”) qui lui raconte l’enlèvement et la détention de Perséphone dans le monde Hadéen ; par la suite Hécate devient la servante constante de Perséphone. Tout ceci est, bien sûr, chargé de la plus profonde signification ; jusqu’à ce que l’Ame tombe dans la Matière, elle n’a ni Destin ni Karma, car le Destin est l’apanage et le résultat du Temps et de la Manifestation. Dans les sept sphères astrales, la Lune représente le Destin et présente deux aspects, le bien et le mal. Sous l’aspect bienveillant, la Lune est Artémis, reflétant à l’âme la lumière divine de Phébus ; sous l’aspect malin, elle est Hécate la Vengeuse, au visage sombre et à trois têtes, rapide comme un cheval, sûre comme un chien et aussi implacable qu’un lion. L’Arbre du Bien et du Mal, dit la Kabbale, a ses racines dans Malkuth – la Lune. On affirme parfois que la doctrine du Karma est particulière à la théologie hindoue, mais au contraire, elle est clairement exposée dans les mystères hébreux, helléniques et chrétiens ; les Grecs l’appelaient Destin, et les chrétiens le connaissent sous le nom de Péché Originel.
La Franc-Maçonnerie moderne, dans la lignée des Mystères antiques, suit la méthode traditionnelle de transmission de l’instruction au moyen de mythes, et son canon d’enseignement dans les degrés de l’Art contient deux mythes : l’un, la construction du Temple du Roi Salomon ; l’autre, la mort et l’enterrement d’Hiram Abiff. L’histoire de la construction du Temple est un mythe qui renferme des vérités philosophiques, revêtues d’une forme quasi historique, et qui se rapporte à la structure de l’âme humaine, le Temple de l’âme collective de l’Humanité. Cette “magnifique structure” a maintenant été détruite et renversée de son éminence et de sa grandeur primitives ; l’Humanité, au lieu d’être un tout organique collectif uni, s’est brisée en d’innombrables parties fragmentaires, pas une pierre sur l’autre de son édifice en ruine. Elle a perdu la conscience des véritables secrets de sa propre origine et de sa nature, et doit maintenant se contenter de la fausse connaissance substituée qu’elle recueille à partir d’impressions sensorielles dans ce monde extérieur. (Voir l’article “La quête mystique en franc-maçonnerie”). Le mythe maçonnique du martyre d’Hiram Abiff nous offre l’un des mystères les plus profonds qui soient ouverts à la contemplation. Les étudiants des mystères discerneront que le véritable but de la légende centrale de notre Art n’est pas de raconter l’événement temporel de l’agonie d’un Maître assassiné, mais de raconter la parabole d’une perte cosmique et universelle. Nous ne traitons pas ici d’une tragédie survenue lors de la construction d’un bâtiment dans une ville orientale, mais d’un désastre moral pour l’humanité universelle. Hiram Abiff est tué. La lumière et la sagesse élevées destinées à guider et éclairer l’humanité nous manquent, et le manque de plans et de projets pour régler les désordres de la vie individuelle et sociale nous indique à tous qu’une lourde calamité nous est arrivée en tant que race. En fait, l’absence de principes clairs et directeurs dans la vie du monde nous rappelle avec force la confusion totale dans laquelle nous a tous jetés la perte de cette Sagesse suprême, personnifiée par Hiram ; et fait que tout esprit réfléchi attribue à quelque catastrophe fatale sa mystérieuse disparition. Nous aspirons tous à cette lumière et à cette sagesse que nous avons perdues. Comme les artisans à la recherche du corps, nous suivons des chemins différents à la recherche de ce qui est perdu, et beaucoup d’entre nous ne font aucune découverte importante au cours de nos jours. Nous la cherchons dans le plaisir, dans le travail, dans toutes les occupations et les divertissements variés de notre vie ; nous la cherchons dans les activités intellectuelles, dans la Franc-Maçonnerie, et ceux qui cherchent le plus loin et le plus profondément sont ceux qui deviennent le plus conscients de la perte et qui sont obligés de confesser, selon les mots des Écritures chrétiennes : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. » Où est enterré Hiram ? On nous apprend que la Sagesse du Très-Haut – personnifiée par le roi Salomon – a ordonné qu’il soit enterré dans un sépulcre approprié en dehors de la Ville Sainte.Il est enterré « hors de la Cité Sainte », dans le même sens que la postérité d’Adam a été toute placée hors des murs du Paradis, car « rien d’impur ne peut entrer dans le lieu saint » qui ailleurs dans l’Écriture est appelé le Royaume des Cieux.
Notre rituel, en termes cryptiques, indique que la tombe d’Hiram, c’est nous-mêmes ; chacun de nous est le sépulcre dans lequel est enterré le Muster frappé. Au centre de nous-mêmes se trouve enterré le « principe vital et immortel » qui nous affilié au Centre Divin de toute vie, et qui ne s’éteint jamais, aussi imparfaite que soit notre vie. En d’autres termes, Hiram Abiff représente le principe Christ immanent dans chaque âme ; crucifié, mort et enterré en tous ceux qui ne sont pas conscients de sa présence, mais résidant en tous comme une force salvatrice ; pour citer saint Paul – « Christ en vous, l’espérance de la gloire ». Ainsi, le temple de l’âme humaine, constitué primordialement des trois principes SAGESSE, FORCE et BEAUTÉ, en juste équilibre et proportion, et divinement déclaré « très bon », a dévié de cet état. Des trois piliers qui devraient la soutenir, la SAGESSE (la Gnose) est tombée et a été remplacée par un support flexible et changeant d’opinion spéculative ; La force (énergie dynamique divine) a remplacé la fragilité de la chair périssable ; et la beauté, cette forme rayonnante semblable à Dieu qui devrait orner l’homme et le rapprocher de son divin Créateur, a été remplacée par toute la laideur de l’imperfection. L’homme, alors séparé de toute relation consciente avec son principe vital et immortel, est maintenant prisonnier de lui-même et de sa nature temporelle inférieure. Il lui reste à revenir sur ses pas et à reconstruire son temple ; à ne plus rester esclave de ses illusions et des attraits des « possessions terrestres », mais à devenir un homme libre et un maçon, engagé à se façonner en une pierre vivante, pour le temple cosmique d’une humanité régénérée. Par conséquent, être installé sur la chaire du roi Salomon signifie, dans son vrai sens, retrouver une Sagesse que nous avons perdue et faire renaître en nous-mêmes l’Essence de Vie Divine qui est la base de notre être. En retrouvant cette sagesse, on retrouvera aussi tout ce qui est compris dans les termes Force et Beauté, car les trois piliers sont en association et en équilibre éternels. D’un autre côté, ne pas la retrouver, ne pas raviver l’Essence de Vie Divine, pendant notre séjour dans ce monde, c’est manquer l’occasion que nous offre la vie dans des conditions physiques, car l’état après la mort, comme l’enseignaient les Mystères Anciens, n’est pas un état de travail à ce travail, mais de rafraîchissement et de repos, où aucun progrès réel n’est possible. Le travail, entendu dans le sens défini ici, et le rafraîchissement qui s’ensuit, constituent un rythme d’activité et de passivité : un rythme semblable à celui que nous expérimentons quotidiennement en ce qui concerne la veille et le sommeil, le travail et le repos. Cependant, parler de rafraîchissement, dans le sens plus profond impliqué par la Franc-Maçonnerie, est encore plus difficile que de parler du Travail philosophique ; car il s’agit d’un sujet auquel peu de gens consacrent une réflexion profonde – le côté subjectif de la vie de l’âme par opposition au côté objectif qui, pour la plupart des hommes,C’est la seule qu’ils connaissent actuellement. Mais pour le sage, l’étude de la moitié subjective de la vie est aussi importante que celle de la moitié objective, et sans elle il ne peut pas compléter le cercle de sa connaissance de soi.
Même l’étudiant maçonnique observateur est conscient, par la formule utilisée lors de la fermeture de la Loge, que par un grand Gardien de la vie et de la mort, chaque âme est appelée dans ce monde objectif pour travailler sur elle-même, et est en temps voulu sommée de se reposer de ses travaux et d’entrer dans un rafraîchissement céleste subjectif, jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau rappelée au travail. Pour chacun, le « jour », l’occasion de travailler à son perfectionnement, est dûment donnée ; pour chacun, la « nuit » vient où aucun homme ne peut travailler à cette tâche ; le matin et le soir ne constituent qu’un seul jour créateur de la vie de l’âme, chaque partie de ce jour étant un complément nécessaire à l’autre. L’homme parfait doit unifier ces opposés en lui-même ; de sorte que pour lui, comme pour son Créateur, l’obscurité et la lumière deviennent toutes deux identiques. L’enseignement secret et universel sur ce sujet, commun à tout l’Orient, à l’Egypte, aux Pythagoriciens et aux Platoniciens, à tous les Collèges des Mystères, se trouve résumé aussi clairement qu’on pourrait le souhaiter dans le “Phédon” de Platon, auquel l’étudiant est renvoyé comme l’un des traités les plus instructifs sur le côté le plus profond de la science. Il témoigne du grand rythme de la vie et de la mort dont nous avons parlé plus haut et démontre comment l’âme, au cours de sa carrière, tisse et use de nombreux corps et migre continuellement entre les conditions objectives et subjectives, passant du travail au rafraîchissement et vice-versa à maintes reprises dans sa grande tâche d’accomplissement personnel. Et si Platon était, comme on l’a dit à juste titre, Moïse parlant le grec attique, nous ne serions pas surpris de trouver le même enseignement d’initié révélé dans les paroles de Moïse lui-même. Le psaume bien connu de Moïse ne déclare-t-il pas que l’homme est continuellement “conduit à la destruction”, qu’ensuite une voix se fait entendre disant “Revenez, enfants des hommes !” et que le monde spirituel subjectif est son refuge d’une manifestation objective à une autre ? Qu’est-ce qu’une paraphrase de cette grande parole de réconfort que la déclaration maçonnique selon laquelle, au cours de sa tâche de perfectionnement, l’âme est périodiquement appelée à des périodes alternantes de travail et de rafraîchissement ? Elle doit travailler, et elle doit se reposer de ses labeurs ; ses œuvres la suivront, et dans le monde subjectif, l’âme de chaque Frère recevra ce qui lui est dû pour son travail dans le monde objectif, jusqu’au moment où son travail sera achevé et qu’elle sera devenue “un pilier dans la Maison de Dieu et ne sortira plus” comme un ouvrier-constructeur dans cet atelier sublunaire.
« Priez pour la paix de Jérusalem ! Ceux qui l’aiment prospéreront. La paix est dans ses murs et l’abondance dans ses palais. Pour l’amour de mes frères et de mes compagnons, je dirai : Que la paix soit en toi. »
(Psaume CXXII)