Internet est un outil formidable qui rapproche les gens et nous donne la possibilité d’accroître notre savoir en accédant aisément aux meilleures sources. Cependant, Internet crée une illusion de savoir, qui peut être manipulée par divers groupes poursuivant leurs propres objectifs.
L’un des phénomènes induits par l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux peut être qualifié d’« ultracrépidarianisme ».
Ce mot inhabituel, apparu au XIXe siècle, caractérise précisément ce qui se passe aujourd’hui. Il désigne un comportement consistant à donner des conseils ou des avis sur des sujets qui dépassent notre véritable expertise. Ce terme dérive de la phrase latine « Sutor, ne supra crepidam », qui signifie littéralement : « Cordonnier, pas au-dessus de la chaussure ». Il s’agit donc d’une attitude qui consiste à affirmer des choses au-delà des limites de ses compétences et connaissances.
Je ne parle pas ici d’une simple erreur, mais d’une conviction profonde selon laquelle notre compréhension est correcte et fondée sur des faits.
La plupart du temps, ce n’est pas le cas. Les visiteurs passent en moyenne entre 19 et 60 secondes sur une page web. Si vous vous concentrez, ce laps de temps est suffisant pour lire les titres. Cependant, votre cerveau n’a pas le temps nécessaire pour passer en mode apprentissage, commencer à réfléchir, assimiler les informations et réorganiser ses connaissances. Ce processus demande plus de temps et d’efforts.
En conséquence, la plupart des personnes n’accomplissent pas ce processus jusqu’au bout. À la place, le cerveau est attiré par les déclarations les plus simples et les plus courtes. Plus surprenant encore, les affirmations négatives sont mémorisées plus rapidement.
Notre cerveau contient encore des parties très primitives qui traitent les idées de manière différente. Les croyances et les pensées irrationnelles émanent de ce cerveau profond. Habituellement, elles sont filtrées et sélectionnées par notre conscience rationnelle. Mais dans la situation dont nous parlons, elles ne le sont pas. Ces idées s’ouvrent à toutes sortes de théories, mettant en avant des connexions mystérieuses entre les choses et les faits. Les canulars émergent ainsi et se propagent rapidement, acquérant une force de conviction extrêmement dangereuse. Relayées d’une personne à une autre, ces désinformations deviennent de plus en plus fortes, érodant la pensée critique. À ce stade, notre opinion, renforcée par l’illusion du savoir, devient un fait accepté.
Démystifier ces canulars et inverser ce processus demande beaucoup d’efforts. Peu y parviennent. Il est d’abord nécessaire de réaliser qu’une croyance a été créée. Peu importe que l’on parle de politique, de vaccination ou d’anges. Le processus est le même, et nous avons été infectés par l’« ultracrépidarianisme ».
La première étape consiste à reconnaître que nous avons reçu une formation professionnelle qui nous qualifie pour comprendre un métier, et seulement celui-là. Tout comme un cordonnier, nous ne sommes pas compétents pour comprendre tout ce qui existe dans l’univers. Par exemple, la théologie, la philosophie, la politique ou les sciences sont des domaines complexes. Ils demandent beaucoup de travail, des années d’apprentissage, et seuls quelques-uns deviennent spécialistes. Pour cela, des écoles et des formations auprès des meilleurs enseignants sont nécessaires.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans cette étrange situation, que ce soit à cause ou grâce à cet outil merveilleux qu’est Internet. Nous sommes aussi ignorants qu’avant, mais nous avons gagné cette illusion de savoir. En est-il de même dans la formation en franc-maçonnerie et dans les travaux produits ? Je vous laisse juge.
La prochaine fois que vous affirmerez quelque chose comme un fait, je vous invite à y réfléchir à deux fois.
Êtes-vous un spécialiste de ce domaine ? Avez-vous lu et bien compris les spécialistes qui en parlent ? Vos sources sont-elles fiables ? Avez-vous vérifié l’information à plusieurs reprises et à partir de sources différentes ? Puisqu’il existe des lobbies puissants utilisant Internet et les réseaux sociaux, nous devons être extrêmement prudents. Une des solutions sera, sans aucun doute, d’être conscient de cette dangereuse maladie, l’« ultracrépidarianisme ».
L’Ultarcrépidarianisme : Le mal secret qui ronge la Franc-maçonnerie française
La franc-maçonnerie, institution vénérable connue pour ses principes de fraternité, d’amélioration personnelle et de quête de vérité, semble être en prise avec un problème moderne : l’ultracrépidarianisme. Ce terme, désignant l’acte de donner des avis sur des sujets dépassant sa compétence, gagne du terrain au sein de certaines loges françaises, menaçant l’intégrité intellectuelle et la réputation de cette société séculaire.
L’Ultarcrépidarianisme : Un Fléau Moderne
Dans une époque où l’information est à portée de clic, l’ultracrépidarianisme a trouvé un terrain fertile. Les francs-maçons, souvent perçus comme des gardiens de la sagesse, ne sont pas immunisés contre cette tendance. Pourtant, leur devise “Savoir, Vouloir, Oser et Se Taire” devrait les inciter à une introspection plutôt qu’à une exposition non informée.
Politique Incongrue : Il y a quelques années, un Vénérable Maître de loge dans le sud de la France a publié un article prétendant que la franc-maçonnerie pourrait résoudre le problème de la surpopulation mondiale grâce à des méthodes pseudo-scientifiques. Non seulement cela a ridiculisé son propre atelier, mais cela a également alimenté les critiques extérieures sur la prétendue influence excessive des francs-maçons.
Médecine et Pseudo-Science : Dans une autre loge parisienne, un frère a tenu une conférence sur les “pouvoirs curatifs des vibrations maçonniques”, mélangeant allègrement science et ésotérisme sans base empirique, ce qui a suscité le scepticisme et l’ironie parmi des membres plus éclairés sur ces sujets.
Économie et Théories de la Conspiration: Un exemple encore plus frappant est celui d’un groupe de francs-maçons qui ont tenté d’influencer les politiques économiques de la ville de Lyon en s’appuyant sur des théories économiques erronées et des conspirationnismes, sans formation ni expertise en économie.
Détérioration de la Crédibilité : Ces incidents ne sont pas sans conséquence. Ils érodent la crédibilité de la franc-maçonnerie auprès du grand public et même en interne. La confiance en les loges comme lieux de réflexion sérieuse et de recherche de connaissances authentiques s’en trouve diminuée.
Les Loges Divisées : L’ultracrépidarianisme crée des divisions. Les membres plus critiques s’opposent à ceux qui, dans une volonté de paraître savants, propagent des idées mal fondées, menant à des débats souvent vifs et parfois à des schismes.
Recrutement et Image Publique : La franc-maçonnerie française peine à attirer de nouveaux membres sérieux, en particulier les jeunes générations qui valorisent le savoir authentique. L’image de l’ordre est ternie par ces prétentions non justifiées.
Réactions et Réflexions : Certaines loges ont commencé à prendre des mesures. Des ateliers de formation sur la pensée critique et la méthodologie scientifique ont été introduits. Une loge bordelaise a même créé un comité de vérification des informations avant toute publication ou conférence interne.
Un V∴ Maître d’une Loge à Strasbourg, a déclaré : “Nous devons revenir à nos racines, à l’époque où la franc-maçonnerie était un refuge pour les philosophes, les scientifiques, ceux qui cherchaient à approfondir leur compréhension du monde, non à le réinventer par des assertions non vérifiées.”
L’ultarcrépidarianisme, bien que moderne, n’est pas invincible. La franc-maçonnerie, avec son histoire riche et ses traditions de sagesse, a les outils pour se soigner de ce mal. Il faut un retour à la rigueur intellectuelle, un encouragement à la modestie et à l’apprentissage plutôt qu’à la prétention et à l’opinion non informée. Seule ainsi, la franc-maçonnerie peut continuer à briller comme un phare de connaissance et d’intégrité dans un monde où l’ignorance se drape souvent des habits de l’expertise.
L’ultarcrépirialisme, je ne connaissais pas ce mot. En revanche, je connaissais son sens. Et j’adhère aux remarques courageuses de l ‘article. Courage aussi du journal car le contenu ne nous caresse pas dans le sens du poil.
Je suis fondamentalement en accord avec cet article.
Nous devons retrouver nos racines d’antan.
Faisons le.
Il me semble que l’ultracrépidarianisme touche d’avantage les obédiences traitant des sujets sociétaux. Ce sont ces sujets qui fleurissent sur la toile et pour lesquels une lecture rapide peut donner l’illusion d’une quelconque connaissance. Inversement, un sujet traitant du symbolisme ne peut s’aborder qu’avec une recherche volontaire et besogneuse.
La démarche maçonnique nous invite à approfondir en silence et en humilité nos connaissances et à relire Socrate et son fameux “il sait qu’il ne sait rien”.
Faisons confiance aux specialistes: voyez le succès des cours au College de France, en amphi et sur internet. Et non aux experts autoproclamés
Certes mais qu’est un spécialiste ? qu’est un expert autoproclamé?
Celui qui nous dit ce qu’il est bon d’entendre ou celui qui nous livre une réflexion , une analyse désintéressée ?
Je ne saurai dire , mais ce que je sais est que je ne sais rien et qu’il me revient de me forger ma propre opinion sans prendre comme idole “le très respectable collège de France”. Le succès est il la Morale du troupeau décrit par Nietzsche ou la manifestation d’un intérêt de recherche de vérité ?
Je vais donc voir ce que disent les ” cours du C de France .
Alors, ultracrépidarisme ou ultarcrépidarisme? Je vais aller vérifier sur internet! 😉
Voilà qui a le mérite d’explorer une thématique contemporaine cruciale, juste mise en lumière des implications dans notre société saturée d’informations. Certes les mécanismes par lesquels l’illusion de savoir se substitue à la connaissance véritable sont insidieux. Il faut toutefois se prémunir d’une tendance à la généralisation.
Peut-on réellement s’étonner de l’ulticrépidarianisme dans une époque où l’accès à l’information est à ce point démocratisé ? Si l’on peut reprocher à certains de franchir les frontières de leur domaine de compétence, faut-il pour autant dissuader cette exploration, souvent maladroite, mais parfois féconde ? Ce n’est pas tant la profusion d’informations que le manque de filtres critiques qui me semble poser problème.
Pousser in-extenso pourrait revenir à interroger la science ? Ce que l’on qualifiait hier de dogmes scientifiques et prenait pour acquis n’est-il pas devenu, avec le temps, une étape dans un processus évolutif ? En cela, ne retrouvons-nous pas un écho, peut-être imparfait mais essentiel, du Sapere Aude ? L’accès généralisé à la connaissance, même au prix d’erreurs et de malentendus, ne constitue-t-il pas une condition essentielle à l’émergence d’idées nouvelles ? Comme le disait Paul Valéry, « Ce qui est simple est faux ; ce qui ne l’est pas est inutilisable. »
La franc-maçonnerie n’échappe évidemment pas aux travers de l’époque. Mais elle demeure avant tout un lieu de quête et d’apprentissage. Nul n’est maître de son époque sans en refléter les travers. N’accepterions-nous pas la part d’inévitable ? N’y répondrions-nous pas avec nos outils, en encourageant le dialogue, la pensée critique, l’apprentissage ?
Mais bien sûr, avançons avec sagesse, sans jamais prétendre tout comprendre.
Très juste mais si on ne laisse que les personnes compétentes s’exprimer,en oubliant la créativité,l’auto-didactisme (je ne sais pas si le mot existe!) ,et le plaisir d’écoute,on risque d’avoir des tenues de spécialistes qui feront fuir les autres auditeurs de bonne volonté.
A mon humble avis la FM s’enrichissait de ce mélange des genres et ouvrait à de nombreux frères les voies de l’étude,de l’écoute attentive,de la vocation,de l’intérêt pour l’inconnu.
Comme toujours la solution sera dans la mesure et l’attention aux autres,du moins je l’espère.
+1000 ! Il faut distinguer deux choses : l’exposé en L des “planches” et “morceaux d’architectures” et la publication d’un opuscule ou d’article dans des revues profanes.
Pour les premières, la liberté doit être totale, et le filtrage ou guidage par le 1er ou 2nd surveillant,ou le parain, doit suffire. Pour les MM, pas de filtres . On doit justement laisser la recherche personnelle, le désir d’aller plus loin, libres. C’est souvent des non-experts que naissent les solutions innovantes ! Einstein a refusé violemment l’hypothèse du Big bang et la mécanique quantique (mais il s’est ravisé et s’est excusé). Guy Patin, au XVIIème, doyen de la prestigieuse faculté de médecine de la Sorbonne, fustigeait ce petit sot de médecin anglais, Harvey, qui prétendait que le sang circulait !
Quant à demander aux FF d’être modeste, de ne parler que ce dont ils sont experts de par leur métier, (Pasteur, ce chimiste, s’est fait rappeller à l’ordre par les médecins ! non mais ! “Chimostor, ne supra crepidam”) , et laisser les seuls savants sûrs de leur supériorité pérorer, voilà ce que sera le résultat : les FF, abreuvés de travaux où fleurissent les “ultrecrépidarianismes, oxymores, paradigmes, apories” fuiront et iront voir ailleurs.
Quant aux publications ou prises de positions publiques, c’est un autre problème…