En Franc-maçonnerie le Silence fait partie de l’Œuvre. Comme le silence révèle la musique, ici Il enlumine la transmutation en voie d’accomplissement. Le Littré nous explique que le silence est l’absence de bruit ; le fait de se taire ; l’action de ne pas exprimer sa pensée ; l’absence de mention d’une chose ; l’expression d’un manque ; l’interruption du son dans une phrase musicale, cette interruption est aussi nommée soupir. Mais comment définir le Silence puisque d’après les sciences physiques et spirituelles « tout est vibration » ?
Et si l’espace est cet endroit « où personne ne nous entend crier » le Silence absolu serait-il le lieu de inaccompli ? Ou bien encore serait-il une source où nous viendrions puiser cette « Eau d´Aur » dans laquelle l’Initiation nous plonge au cours de cet ultime baptême avant d’affronter l’immensité ? Cependant, les auteurs nous parlent parfois de ces endroits où règne un « silence de mort ». Le Silence serait-il alors la membrane révélant la musique plus ou moins harmonieuse de la Vie jusqu’à ce Soupir ultime nous menant vers l’insondable mystère ? Pourquoi le Bien ne fait-il pas de bruit ?
Quitter le bruit du monde : l’Initiation
Dans le temps de l’avent, celui d’avant la Porte, tous les bruits du monde se percutent. Qu’ils soient médiatiques, vécus personnels, provocations au dissensus, les bruits plongent ce qu’ils recouvrent dans le brouillard de leur propre chaos ; même les concordes sont sujettes à la discorde dans cet immense test de Rorschach que dessine le brouhaha du monde. Arc-bouté sur les certitudes mouvantes de nos histoires personnelles percutant la grande Histoire, notre interprétation de ce bruit ne fait que rajouter du Chaos au chaos du monde. Que nous le voulions ou non, notre perception du monde n’est pas uniquement l’alpha et l’oméga d’une réalité proposée comme universelle. Le bruit se noie dans le bruit… sortir de ces remugles c’est l’épreuve de la Terre.
Le but des épreuves initiatiques est de nous élever à la possibilité du Silence. L’épreuve de l’air aère nos recoins des pestilences héritées du passé, l’épreuve de l’eau nous lave de celles qui nous appartiennent et l’épreuve du feu nous purifie et nous ramène à notre noyau indestructible.
Par leurs mises en situations, ces épreuves nous préparent à renaître dans l’amniotique voie ésotérique et initiatique du Silence de l’inaccompli au cœur du Souffle de l’accomplissement. Elles nous amènent au seuil de la Porte dont le sésame est notre Parole. Cette Parole créatrice est notre engagement premier : « Demandez et on vous ouvrira ! »… « demander » c’est répondre à l’appel du Coq.
Entrer dans le lieu du Souffle : oublier Icare
Ainsi le récipiendaire, adoubé par La Lumière, devient Apprenti. Comme il est plongé au cœur de l’Antremonde dont il ne connait encore rien, il est contraint rituellement au Silence. Certains le vivront comme un cadeau, d’autres comme un cocon, ou bien encore comme un carcan ou tout cela à la fois. Il faut du temps pour développer en soi les épreuves concentrées dans la cérémonie.
Une des découvertes est la manière dont circule la parole afin de la rendre féconde. Elle est toujours entourée de pauses, de silences, afin d’en concentrer l’essence. La mosaïque des arguties est ordonnée, tesselle après tesselle, jointées par le silence du ternaire.
Dans cette perception de ce que j’appelle l’Antremonde les symboles sont là. Ils attendent dans le silence de l’inaccompli que le souffle de l’Initié les féconde en leur donnant vie . Mais ces explications de ce Silence ne sont qu’une partie émergée de l’iceberg.
Une autre explication, immergée dans les eaux du Mystère, serait que l’Initié n’est qu’au départ de son Voyage. Nous entrons alors en transmutation vers notre Idéal. C’est en voyageant au cœur de la « Taire » que notre chaos intérieur va s’ordonner peu à peu et s’apaiser. Les limons de notre existence vont alors se déposer dans son sol en fertilisant le son à notre portée. Lorsque l’eau se sera retirée nous renaîtrons en terre fertile à l’accueil de la parole de l’autre dans ce « Delta d’une-il ».
Nous aurons enfin appris à écouter et réappris à nous écouter. Nous pourrons alors commencer à comprendre l’autre sans nous dénaturer nous-mêmes , sans nous confondre avec lui. Le Silence transmuté, transcendé, donnera naissance au Souffle révélant l’immanence du phénix. Initiés réalisés nous sortirons alors de notre labyrinthe par l’autre bout de notre fil de Soi(e).
Transcender l’inaccompli
Dans ma pratique artistico-spirituelle, j’ai nommé intuitivement Antremonde l’Intermonde théorisé par Henry Corbin. Je le situe entre le monde intelligible et le monde sensible. Si nos Rituels sont une porte qui sépare le monde Intelligible de l’Antremonde , il en existe une autre marquant la frontière entre l’Antremonde et le monde Sensible.
Par delà cette autre porte donc, il existe l’espoir d’une autre dimension : celle de l’Idéal, celle de l’Inaccompli. Nous ne savons pas si ce monde là est accessible à l’humain. Certains écrits nous content les aventures de quelques uns dans les confins du Mystère de la Création. Qu’y a-t’il par delà le Rubedo, par delà la lave de l’Œuvre au Rouge ? Qu’y a-t’il au cœur des « six-lances » délimitant ce Tout dont l’Un serait le Centre ?
Ces « six lances » sont les supports des voiles de notre tente que nous plantons à chaque Tenue pour nous rassembler dans le silence du désert, autour de l’Aur du Feu sacré, axis-mundi tendu entre le noyau ultra dense de la « Taire » et l’espoir transfigurant de la Lumière. C’est autour de ce feu qui nous rassemble que nous nous racontons nos quêtes, guidés par l’inaccessible Étoile et la flamboyance de notre Désir.
Si le Verbe est à l’origine de la Création, le bruit serait-il né le jour où la Connaissance a été séparée de l’Œuvre ?
C’est ce que pourraient nous suggérer symboliquement beaucoup de textes sacrés. Ce qui est écrit dans nos Rituels c’est que le but avoué du Franc-maçon est de « rassembler ce qui est épars ». C’est par le Silence que l’on transmute la discorde en concorde. Cela commence par s’apaiser, se pacifier soi-même pour pouvoir accueillir l’Autre en pleine conscience de ce que ce « nous » est la « somme ».
Faire Silence en soi c’est réveiller la vitalité du Souffle créateur, c’est apaiser notre vibration pour laisser passer la Lumière en la perturbant le moins possible. L’accompli et l’inaccompli deviennent l’expire et l’inspire de l’ordonnancement du Monde. C’est de cette respiration que renaît le Verbe et c’est en notre Silence que nous pouvons espérer le « perce-voir ».
C’est dans le Silence de l’espérance en l’immanence de leurs retrouvailles qu’Ish et Isha s’uniront de nouveau. Leurs noces alchimiques sera dans le battement du Cœur Sacré de la transcendance de l’Inaccompli. L’Accompli irradiera alors La Paix, L’Amour et La Joie.
On dit que « Le Bien ne fait pas de bruit ». Ce pourrait-il alors que le Silence soit l’expression du Souffle créateur, l’expression d’un Tout qui serait Harmonie ? Se pourrait-il alors que pour percevoir cette Harmonie du Silence ce soit notre dualité, symbolisée ici par nos deux oreilles, qui doit être accouplée pour que du Chaos du « terne-ère » renaisse l’Harmonie édénique supposée de l’Unité ?
En Franc-maçonnerie le Silence est d’Aur
Le récit graphique rassemblé et décodé
Page de gauche
Les quatre premières images présentent les quatre épreuves initiatiques menant vers la Porte, au cœur du Mystère représenté par un trou noir. Au travers de la Porte les raies de Lumière attirent et guident le pèlerin vers le centre de « l’uni-vers ». Les plus observateurs d’entre vous auront remarqué que celui qui accompagne « celui en devenir » porte une canne en lieu et place d’une épée. C’est à dessein car celui qui nous guide sur notre chemin est d’abord celui qui chemine avec nous en nous apportant soutien et expérience, et ce quel que soit notre âge, nos rites et rituels. Il s’appuie lui-même sur son bâton de pèlerin reliant la terre au ciel.
Page de droite
Une fois la Porte franchie, nous entrons dans la représentation symbolique de ce que nous construisons à chaque Tenue. Dans ce carré ou s’équilibrent nos dualités se trouvent représentés l’alpha et l’oméga de notre démarche ainsi que les étapes pour y parvenir. Le Silence initiatique se trouve symbolisé par le Souffle de couleur or (le soupir musical).
Cela ne se voit pas sur l’image mais les quatre carreaux noirs et blancs sont collés sur le magma en fusion de notre noyau ontologique. Ceci symbolise qu’ils forment une représentation intelligible symbolique de notre caisse de résonance.
Les nombres (3,5,7,9) indiquent les proportions de notre chambre secrète, la dualité et le fondement (2 et 4) sont déjà présents autrement.
Géométriquement, si l’ont parcours le 3 de la surface en explorant les profondeurs du 2 nous arrivons au rayonnement du 5. Pour revenir dans l’axe central il faut revenir à la moitié arithmétique de 5. Celle-ci est 2,5 soit la dualité explorée par la quintessence. Une fois cette opération réalisée elle donne naissance au 7 (2 + 5). Le 7 nous propose une trajectoire descendante nous permettant de revenir au Ternaire qui est la base, le moyen et le but de notre réalisation humaine.
Pour revenir au centre de l’édifice, il nous faudra diviser ce qui a été réuni par 2 ce qui nous donne 1,5 (3/2). Découvrir l’Unité par l’exploration de la quintessence c’est la réalisation du 6 (1+5) dont la forme évoque l’expansion vers le haut.
L’axe médian reliant le 3 de l’horizon du début au 3 du fondement du Ternaire de la base donne un édifice d’une hauteur de 9.
Dans la Guematria ce chiffre symbolise l’accomplissement final permettant d’ouvrir les consciences. C’est de sa dynamique que nait le Souffle qui s’exhale vers le haut dans une renaissance flamboyante.
Enfin, nous plongeons au travers de la lave (lien graphique avec la photographie de l’Eau d’Aur), jusqu’à la plus fine couche possible du voile propitiatoire.
Au travers et en transparence apparaît une représentation du Tout telle que je peux l’imaginer : un sceau de Salomon contenu dans un premier cercle de points épars (macrocosme). Cette étoile est tracée par 6 lances (les silences). En son centre, au centre d’un autre cercle de points épars (microcosme) se trouve le tout premier Adam de la Genèse.
Les chiffres indiqués dans les triangles du sceau précisent l’ordre d’allumage de nos Étoiles. Les nombres sont impairs pour la création de ce lieu éphémère et pairs pour son démontage.
Chaque rituel ayant des mots différents lors de cet allumage, c’est pour laisser libre et secrète cette dimension incantatoire qu’ils sont représentés par des nombres, charge à chacun de les remplacer par ses mots.
Ce qui nous paraît étonnant, c’est que plusieurs explications se réfèrent au français. En matière de nombres, c’est cohérent. L’Uni-Vers, par exemple, n’a aucun sens dans d’autres langues, tel que le chinois et bien d’autres. Même observations pour les Six lances qui se rapporte ici aux silences. L’étoile de Salomon est tracé sur un plan, pourtant nous savons que l’univers est multidimensionnel. Le multivers l’est encore plus …
Quand le bruit est trop grand on ne l’entend plus, tout comme quand il est trop petit. Les rayons solaires arrivent dur terre avec la lumière sans bruit, de plusieurs années lumières de distance, pourtant c’est très expressif depuis que le système solaire existe. Avons nous la capacité d’entendre ce bruit, cette émanation d’énergie ? La vibration existe, elle fait des vagues, du vent, de la musique, des battements, elle permet le transport, les déplacements (…)
Il y a pourtant des émanations plurielles qui n’ont pas besoin de vibrer, c’est pourquoi nous n’en avons aucune accessibilité, puisque notre nature est de vibrer tout le temps. Or, s’il y a un lieu, il y a forcément un non lieu, s’il y a un être il y un non être, comme un plein et un vide qui permet de remplir. Il y a unicité comme il ne saurait manquer de multiplicité. Si tu as un, ça veut aussi dire que tu as beaucoup d’une certaine manière que certainement tu ne maîtrise pas encore.
Merci pour cet apport.
Concernant la langue des oiseaux, elle trouve ses sens dans chaque langue à ma connaissance.
Pour ma part je maîtrise le français, c est donc à partir de mon unicité que marche vers l’espoir d’universalité.
Concernant le sceau de Salomon, ce n’est pas parce qu’il est vu du dessus (c’est ce que suggère la vue du corps) qu’il n’a pas de profondeur ou d’épaisseur. Sur un plan c’est un sceau de Salomon, mais ce peut-être aussi deux triangles (un pointé en haut et un pointe en bas) et plus encore.
Je n’ai pas les capacités d’embrasser le Tout en tant qu’être humain, je tente juste d’y apporter ma part de couleurs, de vibrations, de longueur d’onde. C’est ce que permet le Symbolisme qu’il convient d’animer avec notre vitalité selon moi. Je témoigne juste ici d’intuitions fugaces et de ce que les symboles murmurent. C’est un peu comme la poésie, ce qui compte pour moi c’est l’espace de liberté laissé entre les mots.
Simplement magnifique !!!
Merci infiniment à tous les deux!!!
Merci chère Christiane, je suis touché.
Merci très chère Solange pour cet apport que je n’aurais pas su mieux expliquer.
Bien fraternellement
On peut souligner que la lumière en hébreu “aur” s’écrit “aleph, vav, resh”, et que la peau se prononçant de la même manière s’écrit cependant ” oyin, vav, resh”. Entre les deux lettres aleph et oyin, il y a une différence guématrique de 69 (70-1). Ce nombre 69 s’écrit en hébreu samer, het qui donne le mot סט qui veut dire “ensemble”. Pour passer de la peau à la lumière, il faut donc être ensemble. Le passage de la lumière à la peau se fait dans la Genèse par la séparation de l’homme primordial en Adam et Eve.
Cette modification de nom par changement d’une lettre est à rapprocher du nom d’Adam. On ne rencontre l’écriture Adam ( אדָ םָ ) qu’aux versets Gen ; 1, 26 et 3,21. Son nom Aadam (הָאָדָם) est expliqué au chapitre 2 de la Genèse, verset 7: au moment où il devint «un animal avec une âme» par le rajout du Hé, le souffle divin. Cela fait passer la somme des lettres du mot Adam, 45 (םָ דָ א , correspondant au mot «quoi» (מה), à la somme des lettres d’Aadam 50, donnant «qui» (מי) ; comme s’il était passé de l’état d’objet, d’idéation, (Faisons l’homme à notre image), à celui de sujet dans sa corporéité (Dieu créa l’homme). Cette corporéité qui introduit la différenciation des sexes devient effective dans le passage de Gen 3, 21 (L’Éternel-Dieu fit pour l’homme, Adam, et pour sa femme des tuniques de PEAU, et les en vêtit) à Gen 3, 22 (L’Éternel-Dieu dit: « Voici l’homme, Aadam). Cela nous invite à réfléchir sur la préexistence des âmes avant leur descente dans des corps produit par la chute et au thème de la réintégration des êtres bien connu du Régime Écossais Rectifié: youtu.be/0H–iFKEFlWA?t=2084.
De même, l’accomplissement de “l’être ensemble” se fait par le changement dans les noms du père et de la mère. Saraï devient Sarah. Le midrash explique que le yod perdu (valeur 10) de Saraï est le signe du masculin et de la puissance. Il y a cassure de ce yod en 2 hé (valeur 5). La substitution de ce yod en hé (h) dans le nom de Sarah est l’indicatif du féminin et symbole de fécondité. C’est comme si Saraï donnait quelque chose d’elle à Avram, qui devient dans le texte Avraham, comme si à partir du moment où elle reconnaissait l’Autre, Sarah devenait féconde par cette reconnaissance. «et ton nom ne sera plus appelé Abram, mais ton nom sera AbraHam, car je t’ai établi père d’une multitude de nations… Quant à Saraï, ta femme, tu n’appelleras plus son nom Saraï ; mais SaraH sera son nom.» (Genèse 17-5 et 17-15), (à rapprocher de Agar devenue Hagar après sa maternité).
Bien fraternellement.