Note de la Rédaction : Initié en 1984, à la Grande Loge de France (GLDF), Alain Graesel en fut le Grand Maître, de 2006 à 2009. C’est au fil d’une conversation avec Franck Fouqueray, le directeur de publication de 450fm, lors d’un récent salon du livre maçonnique, qu’a germé le projet d’accueillir, dans cette rubrique : « Miroir de spiritualités », une chronique mensuelle de l’auteur du « Que sais-je ? » relatif à cette même Obédience, dans l’idée d’égrener, de manière aussi sobre qu’apéritive, des jalons symboliques relatifs au Rite Écossais Ancien et Accepté, qui fait précisément référence rue Puteaux. Il va de soi que la Rédaction étudiera volontiers des propositions du même ordre concernant d’autres rites. (Christian Roblin)
Question : comment comprendre la formule V.I.T.R.I.O.L. que le candidat à l’initiation peut lire sur le mur du cabinet de réflexion avant la cérémonie ?
Réponse :
Cet acronyme signifie en latin “Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem” soit dans la traduction française : « Visite l’intérieur de la terre et en te rectifiant tu trouveras la pierre cachée ». De quoi s’agit-il ? C’est une injonction fraternelle, formulée sur le mode impératif, qui invite et incite à l’action.
“L’intérieur de la terre” est une allégorie de la matière physique, dont nous sommes tous composés, notre corps mais aussi notre psychisme – conscient et non conscient – un agrégat difficile à appréhender et à comprendre et qui pourtant nous détermine, souvent s’impose à nous, qu’il faut explorer pour en comprendre la structure, les lignes de forces et les clivages, afin de surmonter ses éventuelles contradictions. Le parallélisme symbolique est évident. Visiter l’intérieur de la terre est une exploration. Visiter l’intérieur de notre psychisme – pour autant que cela soit absolument possible de s’observer soi-même comme un objet d’étude – en est une également. Mais c’est un pari qui mérite d’être tenté.
L’idée de se “rectifier” – comme on peut le dire d’un alcool que l’on distille plusieurs fois pour le rendre plus pur, plus concentré, renvoie à la nécessité pour chacun de mettre de l’ordre dans son propre désordre et fait déjà signe vers la devise du REAA “Ordo ab Chao”. Il s’agit d’entrer dans une ascèse initiatique – qui n’a évidemment rien à voir avec une entrée dans un ordre monacal – dans une exigence personnelle de mise en ordre de sa propre existence, une mise à l’équerre de soi-même, dont la symbolique se dévoilera dans le cours du rituel d’initiation qui va suivre.
Quant à l’idée de “trouver la pierre cachée”, elle est une invitation à découvrir en soi l’ensemble des richesses dont nous sommes tous porteurs, de ces potentialités dont la vision est souvent brouillée par le brouhaha quotidien de nos existences, de nos préjugés, de nos certitudes et de ces déterminismes qui nous tirent généralement à hue et à dia.
Ce passage dans le cabinet de réflexion est en somme une invitation à opérer un retour sur notre existence, à la passer à la paille de fer pour en éliminer les aspérités et les irrégularités et travailler sa pierre brute pour en faire – grâce aux outils que sont le maillet et le ciseau et à cet instrument de mesure qu’est l’équerre – progressivement et symboliquement une pierre dégrossie d’abord et taillée ensuite que l’on pourra ajuster aux autres dans la construction d’un édifice.
L’alchimie médiévale vise la transformation de la matière, et même sa transmutation, pour la purifier, la nettoyer de ses impuretés, réelles ou supposées. Sur le plan symbolique la démarche initiatique vise ce même objectif : transformer le maçon par l’ascèse initiatique pour en faire un être humain nouveau, capable d’assumer ses contradictions et d’optimiser ses qualités et en passant de l’unité initiale au binaire puis du binaire au ternaire, constituer une unité nouvelle et recomposée que nous appelons le Franc-maçon.
bonjour,
Quelle est le rapport entre la FM et l’alchimie?
Merci beaucoup à vous pour cette Transmission.
Merci ++
– Visita. C’est la forme impérative à la deuxième personne du verbe visito, qui signifie «voir souvent, inspecter, éprouver…».
– Rectificando. Ablatif de rectificare, mot qui n’existe plus en latin moderne mais qui existe en latin médieval ; rectificare se traduirait par «broyer».
– Invenies. 2ème personne du singulier du futur d’invenio. Ce verbe possède plusieurs nuances de traduction : «découvrir, retrouver, dépister, joindre, dénicher», avec cette notion d’y rencontrer ce que l’on ne s’attendait pas à y trouver. Il peut aussi signifier «inventer, imaginer», quand ce qu’on y découvre résidait déjà en nous.
Cela peut se résumer par trois verbes d’action «visiter, dégrossir et découvrir».
Extrait de l’article sur ce Journal : 450.fm/2023/02/21/ii-le-cabinet-de-reflexion-en-franc-maconnerie-un-athanor-alchimique/
Juste de l’alchimie 😉
Merci beaucoup pour cette explication
Merci ++
Excellent article….venant en outre d’un Grand Monsieur.