Un menhir est une pierre dressée, plantée verticalement. Il constitue l’une des formes caractéristiques du mégalithisme.
Celui de Saint-Uzec présente la particularité d’avoir été christianisé lors de la seconde moitié du XVIIe siècle. Lorsqu’ils n’ont pas été détruits par les adeptes de la religion catholique, apostolique et romaine !
Les formes de leur christianisation sont multiples : croix érigées à côté du menhir ou dans ses environs, menhir surmonté d’une croix ou d’une statue, menhir dans lequel une niche est creusée pour abriter une statue, menhir sculpté en bas-reliefs, sur une face, représentant des instruments de la Passion.
Les Bretons – dit-on – se livrent encore aux pratiques que l’Église désire faire oublier, voire éradiquer ! Mais nos Bretons ne seraient-ils pas, par hasard, les descendants et héritiers de ce village gaulois d’Armorique qui résiste à l’envahisseur grâce à la potion magique préparée par le druide Panoramix… Ils continuent, par exemple, à offrir des pièces de monnaie aux menhirs, à les enduire de beurre; les femmes stériles persistent à se frotter le ventre contre les mégalithes pour devenir fécondes, etc.
Son descriptif
Le menhir situé dans un placître est un bloc de granite, sans doute importé du littoral, qui pèse 80 tonnes, mesure 7,40 m de hauteur (hors-sol, environ un tiers dans le sol) et 2,6 m de largeur.
La croix est fixée dans une cavité de 10 cm de profondeur à l’avant, par deux cales visibles rouillées à cœur, et sans doute par d’autres, invisibles. De section rectangulaire, elle mesure 97 cm de haut et 70 cm de large. Le Christ, sculpté dans la masse en demi-relief, reprend l’iconographie du « Christus patiens » : la tête penche un peu du côté droit, le sternum est creusé, les yeux sont fermés. Un périzonium entoure le haut des cuisses. Deux calices recueillent son sang qui coule sous chaque main.
Sous la croix et la mettant en relief, un fronton orné d’un double bourrelet partant en accolade des pieds du Christ, se termine par deux volutes en épaulement enroulées en sens inverse des arcs de cercles. Ce fronton encadre un groupe de vingt-sept sculptures en bas-relief (dans un rectangle de 1,90 m de large sur 1,80 m de haut, originellement peint) rappelant le déroulement de la Passion du Christ mais disposées dans un ordre qui n’apparaît pas parfaitement rigoureux : le registre supérieur est composé de gauche à droite du calice de Gethsémani, d’un croissant de lune enserrant une figure de profil qui regarde vers une figure féminine, d’une femme à genoux avec les mains jointes et d’un soleil portant en son centre une figure humaine toute ronde.
Le soleil et la lune sont des symboles païens, interprétés par les Chrétiens comme les symboles des ténèbres du Vendredi-Saint et de la Résurrection. La femme peut être assimilée à une sculpture païenne, peut-être une déesse-mère celtique mais elle peut aussi représenter la Vierge Marie (sa sculpture semble en effet porter une auréole) en l’associant au second groupe au-dessous qui représente les instruments de la Passion du Christ.
Le second registre est encadré à gauche par une épée légèrement courbe et une lance à pointe quasi triangulaire qui évoquent l’arrestation au Jardin des Oliviers, et à droite, par la lance de Longin et la tige d’Hysope portant l’éponge. Il est composé de gauche à droite de l’aiguière et d’une main gauche ouverte, du voile de Véronique, du coq du Reniement de saint Pierre qui est juché sur la colonne de la flagellation. Une échelle évoque la descente de croix.
Le troisième registre, encadré par deux fouets formés de plusieurs lanières courtes, comporte de gauche à droite, le sabre de saint Pierre qui trancha l’oreille de Malchus, la lanterne de l’arrestation, puis des tenailles et un marteau sous lesquels se trouvent les deniers de Judas.
Le registre inférieur comporte la tunique sans couture, les trois dés des soldats romains lors du tirage au sort des vêtements du Christ, les trois clous, le crâne d’Adam, deux os croisés pouvant symboliser la descente aux enfers et un pot d’onguent.
À mi-hauteur était peint un Christ polychrome sur une croix rouge et sur un fond d’écusson noir. Il est maintenant totalement effacé.
Comme toujours, un peu d’histoire…
Le menhir de Saint-Uzec est dressé au Néolithique (5 000 – 2000 ans av. J.-C.) près de l’allée couverte de Keryvon. Ce monument mégalithique est christianisé en 1674 lors d’une Mission de « l’apôtre de la Bretagne », le père jésuite Julien Maunoir qui le fait insérer dans un enclos ayant un accès par échalier, le fait peindre, sculpter et surmonter d’une croix. La christianisation des « pierres dressées » témoigne d’une volonté d’assimilation des signes religieux antérieurs (inculturation, acculturation ?). Elle montre la volonté de l’Église d’intégrer le culte païen des pierres dans un syncrétisme religieux.
L’appellation erronée de Saint-Duzec (en référence au moine Duzec qui fonde au vie siècle un petit monastère sur un territoire très limité allant de la chapelle Saint-Uzec au menhir) provient de la liaison bretonne entre Zant, saint, et Uek, Uzek, prononcée zañnuek désignant en français Saint Josse.
Le menhir fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1889 sous le nom de Menhir de Saint-Duzec.
Le décor était polychrome, comme l’attestent des cartes postales du début de XXe siècle ainsi qu’une planche en couleur datant de 1897. Ces peintures sont aujourd’hui effacées. En 2005, sous l’égide des Bâtiments de France, la commune de Pleumeur-Bodou lance une campagne de restauration qui conduit à l’éradication des lichens noirs qui masquent les figures sculptées.
Menhir de Saint-Uzec, route du menhir – 22560 Pleumeur-Bodou
Bretagne – Trégor – Le Menhir de Saint Uzec – Pleumeur-Bodou
Sources : https://www.bretagne.com/ ; https://www.pleumeur-bodou.com/ ; Wikipédia ; Photos © Yonnel Ghernaouti, YG