Un des plus grands sites marchands dans sa rubrique « Détails du produit », fait la recommandation suivante : « Âge de lecture : Dès 5 ans. » Incroyable ! Sans doute que cette entreprise américaine de commerce en ligne, un des géants du Web, communique en âge maçonnique…
Après avoir consulté de nombreuses parutions en littérature jeunesse, nous n’avons pas trouvé d’images pour enfants sages dans l’ouvrage de Jean Dumonteil – contrairement aux avis d’experts de l’enfance. Et pourtant, nous en recommandons la lecture… dès l’âge de 3 ans !
Il n’y a, en effet, aucune illustration. À part la première de couverture reproduisant un détail de la mosaïque du XIe siècle dans la basilique Saint-Marc de Venise, « Noé et la colombe ». Un forte symbolique car dans l’épisode biblique du Déluge, la colombe revient sagement vers l’Arche de Noé apportant dans son bec un rameau d’olivier. Message divin selon lequel les eaux se sont retirées et que le calme est revenu sur Terre. De là, le volatile de couleur blanche – souvent associée à la sainteté, à la pureté et à la justice – est devenu symbole de paix et d’espérance.
Mais c’est bien notre imaginaire qui, à la lecture du très beau texte de l’auteur, va mettre en image le récit de sa pensée.
Cet ouvrage est une véritable gourmandise. C’est ainsi que les chapitres, soixante au total, nous offrent des tonalités acidulées et sucrées, mais rien d’acide ou d’amer.
Belle courtoisie aussi pour le lecteur, le découpage offert permet une lecture aisée tant les courts chapitres se lisent facilement. Les titres eux-mêmes nous donnent envie de plonger dans un océan.
Il s’agit, comme le souligne le sous-titre de « Lettres à un Frère ».
De toute sa volonté et de tout son cœur, son âme et son esprit, Jean Dumonteil souhaite sans doute partager son expérience et ainsi transmettre. Une façon de nous dire qu’il nous aime !
Dans son avant-propos intitulé « Nous sommes tous des illettrés spirituels », l’auteur contextualise ce que représente l’expression ‘’sentiment océanique’’ qui apparaît, en 1927, dans un échange épistolaire entre Romain Rolland (1866-1944), prix Nobel de littérature en 1915, avec le neurologue autrichien et fondateur de la psychanalyse Sigmund Freud (1856-1939).
Ce sentiment est une notion psychologique ou spirituelle formulée par Romain Rolland, influencé par Spinoza, et qui se rapporte à l’impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l’univers ou bien quelque chose qui nous dépasse, qui est plus grand que soi, parfois même hors de toute croyance religieuse.
Nous n’embarquons pas sur un frêle esquif, mais bel et bien sur un bateau qui fait mouche en nous, insistant finalement à plus de spiritualité. Donc à plus d’intériorité et de retour sur soi, en soi.
Les trois interludes, des petits intermèdes – véritables courtes pauses –, reconnaissables notamment dans le texte à des hachurages en marge droite, donnent de la force et laisse une impression de sans tangage et roulis, stabilisant le mouvement du navire sur lequel nous sommes embarqué.
Ayant pour titre « Donner du temps à la vie intérieure » ; « Laisser croître en nous l’intelligence spirituelle » et « Tradition, la source et le fleuve », ils annoncent une suite de chapitres.
L’emploi d’un vocabulaire de marine nous emmène à entreprendre un long et beau voyage.
D’ailleurs, Platon ne disait-il pas qu’ « Il y a trois sortes d’hommes, les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer ». Gardons à l’esprit que les marins qu’ils soient simples navigateurs de plaisance ou marchand, militaires, y compris les sous-mariniers, ou encore pêcheurs, occupent une place à part sur Terre…
Jean Dumonteil nous l’écrit, la fraternité est une voie de spiritualité. Et quelle voie ! Un lumineux ouvrage comme un bateau-phare, dit aussi un bateau-feu. Ce navire mouillé dans un lieu dangereux, dont il signale la présence. Comme un bosco, il nous balise la route et faisons bien volontiers cap en sa compagnie.
Car ces « Lettres à un Frère », de la part d’un initié, sont plus qu’une bouteille à la mer. Les messages que l’auteur fait passer ne sont pas jeter, sans destinataire précis, avec l’espoir que quelqu’un finisse par les trouver, au gré des courants. Elles sont écrites expressément pour tous les Frères. Avec franchise et fraternité !
Nous avons tout particulièrement apprécié l’annexe permettant de prendre connaissance de la lettre du 5 décembre 1927 – texte intégral – de Romain Rolland à Sigmund Freud.
Pour la petite histoire, Freud fut “initié”, à l’âge de 41 ans, le 23 septembre 1897 très exactement, dans la loge « Wein » fondée dans la capitale austro-hongroise au sein de l’Ordre indépendant du B’nai B’rith, signifiant les fils de l’Alliance, plus vieille organisation juive toujours en activité dans le monde – fondée à New York, le 13 octobre 1843 – et calquée sur les organisations maçonniques.
Ainsi que la réponse de Sigmund Freud, en date du 14 juillet 1929, suivi d’un bref billet de Romain Rolland.
Jean Dumonteil, journaliste, éditeur et essayiste, promeut à travers ses écrits une pratique spirituelle fondée sur la fraternité active et la longue Tradition initiatique occidentale. Nous le connaissons aussi et surtout car il dirige la rédaction des Cahiers de l’Alliance. Vénérable Maître de la Loge nationale de recherche de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (GL-AMF), à ce titre, il anime les activités de recherche de l’Alliance.
Préfacé par Erik Orsenna de l’Académie française, nom de plume d’Éric Arnoult, nous devons aussi à Jean Dumonteil La France des possibles-Ces maires qui réparent et inventent (Fayard, 2020), un voyage – déjà ! – où des maires courageux retissent le tissu social et apportent des réponses efficaces pour les territoires et leurs habitants, ainsi que La force le soutienne et l’achève (Numérilivre, Coll. Le franc-maçon dans le Temple, 2023) où il nous entretient de cette force morale – reprise dans nos rituels –, une des quatre vertus cardinales fondements de notre morale occidentale.
Sentiment océanique-Lettres à un Frère
Jean Dumonteil – Éditions Numérilivre, 2023, 186 pages, 18 €