De nos jours, le mot “magie” fait volontiers penser à quelque tour de prestidigitation, et l’on voit aussitôt s’envoler des colombes d’un chapeau !
Il ne vient pas immédiatement à l’esprit que la magie, bien avant d’être un art d’illusionniste, fut la première forme de réflexion humaine et qu’en cela, elle est à jamais liée à l’histoire du descendant des primates.
Où est née cette “pensée magique”, comment, pourquoi ? Questions préliminaires qu’il convient de se poser pour vraiment l’appréhender.
Nous vous invitons à en découvrir le parcours, à la fois dans l’espace et dans le temps. Nous découvrirons ainsi, la fantastique influence originelle de l’invisible, sur l’homme et son destin. S’il était en quelque sorte naturel que son « délire initial » introduise la notion de sacré et avec elle la religion, il est beaucoup plus étonnant que de la magie primitive soient ensuite nés l’alchimie, puis la technique, la science et l’art !
C’est pourtant le merveilleux enchainement qui s’est produit d’âge en âge pour aboutir à la modernité que nous vivons aujourd’hui.
Voulez-vous que nous traversions ensemble ces millénaires ?
Place à la magie !
1. L’HOMME, ÊTRE DE CROYANCES – LA FOLIE DES GRANDEURS
Qu’est-ce que la magie ?
Voyons d’abord l’origine du mot.
Si l’on en croit l’histoire, le mot magie viendrait au plus loin, il y a quelque quatre mille ans, du chaldéen magdin (signifiant science) puis, plus près de nous, du grec mageia et du bas latin magia (au sens de religion) devenu magie en français. Ce retour aux sources ne manque pas d’intérêt lorsqu’on sait que la Chaldée fut le berceau reconnu de l’occultisme et de l’astrologie, deux “arts” diffusés ensuite par les Grecs et les Romains dans tout le bassin méditerranéen. Consultons maintenant les dictionnaires.
Définition du Robert :
« La magie est l’art de reproduire par des procédés occultes des phénomènes inexplicables ou qui semblent tels ».
Définition du Larousse :
« Ensemble de croyances et de pratiques reposant sur l’idée qu’il existe des puissances cachées dans la nature, qu’il s’agit de se concilier ou de conjurer, pour s’attirer un bien ou susciter un malheur, visant ainsi à une efficacité matérielle ».
A l’ère de l’atome et de l’astrophysique, des moyens de transport à grande vitesse, de l’image, de l’ordinateur et du téléphone sans fil, bref, à notre époque hyper-communicante et si ancrée dans le réel, l’évocation de forces obscures et d’actes magiques prête volontiers à sourire et à douter.
Pourtant, les quelque 50 000 occultistes qui officient en France sous des appellations diverses (mages, médiums, marabouts, désenvoûteurs, parapsychologues, etc) auxquels s’ajoutent largement autant de thérapeutes “parallèles” en tous genres (guérisseurs, magnétiseurs, rebouteux, radiesthésistes, etc) prouvent qu’il existe un immense marché de l’irrationnel. Et par là, qu’en ce début du XXIème siècle, le camp des « j’y crois » est aussi important que celui des « j’y crois pas » ! Un phénomène, notons-le, que l’on retrouve dans la plupart des pays du monde.
Quelle différence y-a-t-il entre « magie » et « illusion » ?
Pour les esprits cartésiens, c’est clair : s’il y a “magie”, elle ne peut être aujourd’hui que de salon ou de music-hall ! A l’évidence, il ne s’agit – des classiques tours de cartes du prestidigitateur en gala aux sidérantes illusions à grand spectacle de David COPPERFIELD – que de l’art du trucage ! Ces artistes n’ont finalement l’intention que d’étonner et d’amuser, grâce à leur dextérité et à d’ingénieux moyens techniques. “Ya un truc”, et tout le monde le sait !
Ce que l’on sait moins, de fait, c’est que la “magie de divertissement” découle de la “magie “occulte”. Les premiers illusionnistes sont apparus au Moyen Âge pour distraire les banquets du pouvoir en place. Ils ont créé à leur tour (irruption, disparition ou déplacements d’objets, jeux de lumière, silhouettes monstrueuses) précisément inspirés par l’étrangeté des pratiques magiques, avec les matériaux utilisés alors par les mages (chandelles, mercure, salpêtre, encres, tissus de couleurs) et sont ainsi devenus des “magiciens” pratiquant la “magie de scène”.
Comment est née la magie « primitive » ?
La magie que nous abordons à présent, l’authentique, n’a que faire du progrès et ne relève pas, elle, d’un savant tour de passe-passe, genre “rien dans les mains, tout dans les manches”. Si elle a un point commun avec la prestidigitation, ce ne peut être que le secret, qui, par définition, ne doit pas être dévoilé !
Aussi curieux que cela puisse paraître, la magie “primitive” traverse le temps. Avec ses formules mystérieuses, ses incantations et ses fameux “abracadabra”, elle se permet même, de faire un pied de nez aux sciences modernes.
Pour bien l’appréhender, il faut remonter quelques instants à la préhistoire, quarante ou cinquante mille ans en arrière. Après tout, ce n’est pas si loin, sur une planète ne datant que de cinq milliards d’années !
Imaginons notre semblable de l’époque, l’hominidé, autrement dit cet homme capable, comme nous, de penser, de réfléchir, et qui cherche à comprendre le milieu environnant, en se mettant debout à la sortie de sa caverne. Que peut ressentir un être nu, conscient de sa vulnérabilité, devant cette gigantesque nature menaçante, sinon une peur intense et de tous les instants ?
A la totale merci des éléments, il est immédiatement amené à croire à l’existence de puissances supérieures invisibles, aux commandes de l’univers. A coup sûr, elles sont à même, soit de lui nuire dans le plus mauvais cas, soit de le protéger dans le meilleur !
Croire, c’est imaginer. Et son cerveau fabrique vite des représentations d’êtres surnaturels, bons génies ou affreux démons qui ne peuvent être que célestes. Le soleil, la lune, les nuages, ne sont-ils pas des entités agissant sur sa vie ? Ne convient-il pas de les « amadouer », de les « mettre de son côté », comme lui indique son instinct de conservation ?
Mais s’il parvient à échanger avec ses congénères, de quelle façon communiquer avec ces créatures cachées ? Comment leur répondre aussi, quand elles se manifestent par des coups de tonnerre et des éclairs qui zèbrent la nuit ?
Il tente bien, en précurseur des jeux du stade, d’envoyer des lances de bois vers l’azur. Ou même, dès qu’il fabrique un arc, d’expédier quelques flèches vers les cumulo-nimbus pour les intimider. Mais peine perdue ! L’orage tonne lorsque bon lui semble, la pluie surgit à sa guise et le soleil luit quand il veut !
Notre ancêtre se souvient tout-à-coup qu’il bouge et qu’il parle. Il sait que des gestes accordés à ses appels ou à ses onomatopées, modulés selon les circonstances, attirent ou éloignent ses frères et les animaux, à la demande. Alors, tout naturellement, les lève-les-yeux et les bras au ciel, puis dans son langage, enjoint d’une voix ferme les forces mystérieuses de l’écouter…et de lui obéir ! Au fur et à mesure qu’il prononce ses premières incantations, il se persuade de son pouvoir et…suprême satisfaction, se rassure en même temps.
Euréka ! L’homme de Cro-Magnon vient d’inventer la magie !
Qu’appelle-t-on « pensée magique » ?
Lorsque notre prédécesseur de l’âge de pierre, “personnalise” son environnement, il attribue aux choses visibles comme invisibles, la faculté de penser et d’agir. En cela sa raison « déraisonne » d’entrée, avec une perception fausse du monde. Sa compréhensible ignorance l’empêchant d’étudier logiquement les phénomènes cosmiques – démarche que la science fera beaucoup plus tard -, c’est son imaginaire qui les explique sur le champ !
On peut donc dire qu’une forme de délire, de “rêve éveillé”, de folie des grandeurs en quelque sorte, a constitué la première manifestation de la pensée humaine, entièrement appuyée sur la croyance, et ce, dans toutes les cultures primitives. Cette vision de la nature, où lesdits phénomènes se produisent comme par enchantement, et sur lesquels l’homme prétend agir de même, avec la force de sa seule parole, permet ainsi d’évoquer l’intervention de la pensée magique.
Aujourd’hui, notre connaissance sans cesse plus approfondie de la matière et de ses lois, peut nous faire juger ces conduites ancestrales bien naïves. Pourtant, nous ne devrions jamais oublier que, comme chaque être humain, notre esprit est passé par ce stade de la vision magique du petit enfant. Puis de cet enchantement au « pré-logique » avant d’accéder au rationnel. Nous gardons sans nul doute une part de ce rêve primordial dans un coin de notre tête !
Les avatars du progrès – pour ne pas dire ici les désenchantements – sont même en train de lui redonner force et vigueur. Au début du troisième millénaire, la pensée magique perpétuée se nomme, au gré de sa large palette, sciences occultes, arts divinatoires, médecines parallèles, sociétés ésotériques, sectes diverses, qui, chacune à leur façon, conjuguent le verbe croire.
Comment la pensée magique s’est-elle matérialisée à l’origine ?
Le constat de sa solitude, la crainte des éléments et du milieu, la peur d’une mort imminente, ont d’évidence été les angoisses premières de l’homme. C’est de leur terrible pression que sont nées la magie et ses pratiques exutoires.
L’ethnologie a pu observer, dans toutes les peuplades du monde, un même “système de sauvegarde” qui a franchi les millénaires. Le descendant des primates a directement subordonné sa survie à des :
– cérémonies conjuratoires diurnes et nocturnes
– chants et danses rituelles
– déguisements et maquillages
– offrandes de fleurs
– combustions de résines aromatiques (encens, myrrhe, balsamine)
– sacrifices d’animaux
Autant “d’opérations” créatives et mises en place progressivement, en mesure, dans son esprit, de lui garantir la bienveillance et la protection des forces supérieures.
Un autre exercice primitif mérite une attention particulière : les représentations picturales. Comment ne pas être ému et émerveillé par les peintures à flanc de roche datant de vingt, trente aux quarante mille ans qui décorent de nombreuses grottes sur le territoire européen, et que les spéléologues découvrent encore de nos jours (Grotte Cosquer près de Cassis en 1991). Ces dessins d’animaux, devenus objets d’étude, n’ont pas livré tous leurs secrets, mais une signification d’ordre magique est fort probable.
Les spécialistes s’accordent à penser que la caverne peut symboliser le ventre maternel. Il convient d’ailleurs de remarquer que les lieux sont souvent sectorisés en zones de quadrupèdes mâles d’un côté et femelles d’un autre. Dessiner mammouths, rennes et bisons des deux sexes sur les parois, n’équivalait-il pas à en faciliter la chasse ? Ou à les faire se reproduire pour être assuré d’une nourriture permanente ?
Une telle technique indique en tout cas, avec une disposition à l’autosuggestion, la puissance imaginative de nos ancêtres et déjà la naissance de l’art.
Le parcours magique
Dans quels pays la magie « primitive » fonctionne-t-elle encore ?
“Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?”
A n’en pas douter, les hommes préhistoriques ne se posaient pas cette question, comme longtemps après eux, le poète Lamartine ! Ils étaient bien persuadés, pour leur part, que les pierres, les plantes, le soleil ou la lune, possédaient une conscience et à leur image, une force vitale. N’est-il pas remarquable que cette croyance – base de l’animisme, lui-même précurseur des religions – ait existé sur tous les continents en même temps, à une époque sans moyens de communication, cela va sans dire ? Elle est d’ailleurs encore largement répandue chez les aborigènes demeurés attachés à des coutumes archaïques, tels les Papous de Nouvelle-Guinée ou des îles Fidji.
L’idée d’une force surnaturelle, donc mystérieuse, parait imprimée dans l’inconscient collectif polynésien depuis le fond des âges. Sous l’appellation demana, elle représente pour plusieurs groupes d’autochtones des archipels (Iles Marquises, Tuamotu, Tonga et autres) une mystérieuse source locale d’énergie, où les sorciers puisent magiquement leurs pouvoirs salutaires au service de la communauté.
Certaines peuplades primitives australiennes, qui vivent dans les grandes étendues désertiques, continuent d’attribuer des influences magiques à un long bâton de bois percé d’une façon particulière. Le toundoun, c’est son nom, vient lui aussi de l’aube des temps, selon les ethnologues. Seuls, les “initiés” ont le droit de le posséder et de le faire tournoyer sans témoins au bout d’une corde, avec un rituel approprié. Sa rotation rapide émet un sifflement, dont les modulations sont interprétées comme le langage d’un esprit. Celui-ci est en l’occurrence fécondant, puisque cette pratique prétend favoriser la fertilité des couples.
En Afrique centrale, les rituels incantatoires exercés par les marabouts pour obtenir un bienfait, sont éventuellement assortis d’un « potion magique » à leurs patients. Que ce soit pour soigner un mal de dents ou d’amour, le mage devient alors guérisseur en préconisant une recette qu’il tient de ses aïeux par la tradition orale. Il peut prescrire un mélange de plantes forestières aux réelles vertus pharmacologiques. Comme il lui est loisible de recommander une mixture ou une poudre (en général peu appétissante !) à base d’insectes écrasés dont l’effet est purement psychologique !
On retrouve ce même usage ancestral des plantes dans quelques tribus des forêts amazoniennes, ainsi qu’au Brésil et aux Antilles, où peuvent également se mêler médecine et magie traditionnelles. Par exemple, quand il s’agit pour le sorcier ou « l’officiant » de soigner une morsure de serpent avec des applications de feuilles d’ambiza (à l’action reconnue) ou de stimuler une virilité défaillante… avec une simple décoction de thym (à consommer au clair de lune) !
Peut-on évoquer un “itinéraire de la magie” dans le bassin méditerranée ?
Cette question nous fait bondir d’un trait de la Préhistoire à l’Antiquité.
S’il est effectif que la pensée magique a concerné, dès leur origine, toutes les civilisations du globe, c’est autour de la mer méditerranée qu’elle a véritablement pris son essor, environ trois mille ans avant Jésus-Christ. Penser “magiquement” revient à se projeter vers l’avenir.
Sur le plan de notre culture, tous les historiens s’accordent pour affirmer que ce désir de savoir aujourd’hui de quoi demain sera fait et d’agir sur lui, est né dans l’esprit curieux des Chaldéens. Ceux-ci ont de plus affirmé un formidable génie créatif, par rapport aux autres peuples, en développant une pensée rationnelle aux côtés de la pensée magique et prenant du même coup le relais de l’animisme. Ainsi de leur patiente observation de l’univers et de ses cycles a d’abord surgi la science de l’astronomie, puis dans la foulée, l’astrologie et pratiquement toutes les formes de divination.
Ce mélange étonnant d’empirisme et de méthodisme qui imprégnait un pays aussi privilégié, n’a pas manqué d’en franchir les frontières. Il s’est à son tour combiné avec les savoirs des régions voisines aux noms de légendes – Sumerie, Mésopotamie, Babylonie, Perse – pour offrir au monde avec les sciences occultes, des arts aussi précieux que l’écriture et la littérature, les mathématiques, la musique, ou l’architecture.
N’est-ce pas à Babylone – c’est-à-dire actuellement dans les environs de Bagdad en Irak – que l’extraordinaire Tour de Babel, construite par les fils de Noé pour atteindre le ciel, nous dit le Bible ? Et ne nous reste-t-il pas aujourd’hui, avec les somptueux temples grecs et les fantastiques pyramides égyptiennes, la preuve matérielle de cette volonté de communication avec le céleste ? Le témoignage, aussi, d’une profonde communion entre le magique et le réel !
Qui parle de magie antique, parle également de sorcellerie. Autrement dit, les babyloniens qui se croyaient entourés de forces du bien et de forces du mal, se tournaient vers leurs représentants terrestres, selon le besoin. Aux mages de solliciter pour leurs consultants les faveurs des nombreux dieux existants – amour, santé, biens matériels…les demandes sont toujours les mêmes de nos jours ! – aux sorciers d’entretenir commerce avec les démons, pour nuire à l’ennemi de leur client, voire le tuer, à l’aide d’incantations funestes.
Avec les divinités et les démons, on voit poindre les religions, avec les superstitions.
A cette époque, demander une faveur à un dieu signifiait, outre réciter des suites de litanies, lui faire des offrandes, qu’il s’agisse de bijoux, de mets rares ou…d’adolescentes, par l’intermédiaire du prêtre ! Et exercer une inimitié consistait à remettre au sorcier pour “traitement à visée maléfique”, des lambeaux de vêtements, mèches de cheveux ou fragments d’ongles, subtilisés à la personne « ciblée ».
Les mêmes pratiques de sollicitations divines et d’ensorcellement existaient en Égypte, avec des variantes. Ce sont les papyrus retrouvés qui le disent : les prêtres tout puissants y officiaient avec une technique plus affirmée que celle des Chaldéens. Carrément « armés » de bâtons de commandement au cours de leurs séances magiques, et faisant usage de multiples talismans, amulettes et résines aromatiques consumées, ils “ordonnaient” aux puissances célestes, plus qu’ils ne les imploraient, d’exaucer leurs vœux divers. Autres caractéristiques, ces prêtres étaient à la fois mages et guérisseurs puisqu’ils prescrivaient des médications naturelles aux malades, à base de plantes, en véritables précurseurs de la phytothérapie.
On connait aussi leurs talents dans l’art divinatoire. La légende nous dit qu’ils savaient faire parler le Sphinx, au pied des Pyramides, et une chose est probable, le “tarot égyptien”, utilisé par des générations de cartomanciennes, date de cette époque.
Comment se développa la magie en Grèce et dans l’Empire ottoman ?
Alors que les Égyptiens déifiaient toutes les composantes de la nature – minéral, végétal, animal – les Grecs pour leur part, choisirent de vénérer plusieurs milliers de dieux et déesses, par eux créés, et calqués sur l’homme. La mythologie grecque n’a-t-elle enchanté nos années d’école et, avec sa magnifique représentation statuaire, ne fait-elle toujours référence dans le monde entier ?
Il était bien logique que ce peuple raffiné et sensible, si prompt à la poésie, accueille avec intérêt « la chose magique » en provenance d’Égypte.
Les grands philosophes, tels Platon et Pythagore, qui croyaient à la survie de l’âme, se firent presque naturellement les promoteurs des pratiques magiques. Ce, d’autant mieux que les Pythonisses en poste, qui prédisaient l’avenir en observant le vol des oiseaux ou…le foie de génisses mortes, avaient habitué chacun au surnaturel, en Thessalie comme dans le Péloponnèse !
Les mages grecs – dénommés hiérophantes – n’eurent donc aucune peine à répandre dans la péninsule, les rites magiques, sortilèges et autres envoûtements d’amour comme de haine.
Et ce qui devait arriver, arriva : la magie prit vite place dans le grand catalogue mythologique avec, entre autres, l’irruption de Circé et Médée, les deux célèbres magiciennes pour ne pas dire sorcières, qui, selon la légende, ne firent pas précisément les beaux jours d’Ulysse et de Sisyphe !
Quant aux Romains, on peut avancer qu’ils reçurent le savoir magique en cadeau.
Ce sont en effet les Etrusques, précédents habitants de l’Italie qui leur transmirent leur religion, pour ainsi dire « clés en main » compose à la fois de pratiques incantatoires, supposés provenir d’Orient. Les prêtres romains vénéraient les génies célestes en sacrifiant moult volailles préalablement consacrées, et des vertus magico-divinatoires étaient attribuées aux instruments agraires. N’est-ce pas dans le reflet des outils tranchants comme la hache ou la faucille, à la manière d’une boule de cristal, que surgissaient les images du futur ?
Les augures des Romains se nommaient les Sybilles, qui, comme les Pythonisses, leurs “collègues” grecques, interprétaient le vol des oiseaux. Avec toutefois, un “plus” notable, puisqu’elles déchiffraient également leurs cris, comme autant de messages.
Les Romains empruntèrent aussi aux Etrusques une sinistre réjouissance, avec les jeux de l’arène, dont les premiers chrétiens – opposés sans défense à des lions – furent malheureusement les victimes par milliers. L’histoire a peu rapporté que ces sacrifices humains, pour le plaisir malsain de la foule, avaient le plus souvent valeur d’adorations de dieux divers.
Il est intéressant de noter que l’empire romain fut une sorte de plaque tournante pour les arts magiques et divinatoires. Les Romains ont non seulement subi l’influence asiatique, grecque, égyptienne, mais ils en ont ensuite répandu le produit vers l’Europe du Nord.
Les Hébreux ont-ils contribué à la propagation de la magie ?
Si l’on en croit la loi hébraïque, la pratique de la magie était interdite au peuple juif.
Seul le prophétisme lui était permis, que les porteurs accrédités de la bonne parole voulaient à toute force distinguer de la divination, pratique de leurs collègues et néanmoins “concurrents” , les prêtres chaldéens.
Pourtant, il est bien certain que les Hébreux, au fil même de leur exode, d’Égypte en Palestine, n’ont pas manqué d’observer les exercices magiques dans les régions traversées, de s’en imprégner et de les colporter.
Moïse, le premier d’entre eux, ne fut-il initié à “l’utilisation du surnaturel”, après avoir été recueilli nouveau-né – flottant dans une corbeille de jonc sur les eaux du Nil – et élevé à la cour du Pharaon ? Et ne prouva-t-il ensuite ses fantastiques dons de mage, en ouvrant la mer rouge, pour conduire ses compatriotes vers la terre promise ?
Après lui, le roi Salomon, expert également en rituels magiques, savait, dit-on, se rendre invisible. Et grâce à des incantations qu’il avait personnellement rédigées, se permettait d’asservir les démons !
Pourquoi dans ces conditions, proscrire la magie au peuple, alors qu’elle était permise aux chefs suprêmes, dont les exploits en la matière durent d’ailleurs valorisés par la Bible ? Peut-être parce que les Hébreux n’en avaient que trop bien retenu le mauvais côté, à savoir la magie noire et la sorcellerie, pratiques où ils excellaient et qu’ils utilisaient fréquemment entre eux, où à l’encontre des autochtones, dans les pays traversés !
Bravant l’interdiction reçue, ils ont en tout cas réussi à confirmer leur véritable “génie de l’occulte” en concevant la Kabbale, cette fascinante philosophie qui leur permettait de communiquer avec les esprits. Aujourd’hui encore, elle ne semble pas avoir livré tous ses secrets, même aux initiés !
Quelle fut l’influence arabe ?
A la même époque – charnière entre la préhistoire et l’Antiquité – nait une civilisation en Arabie « anté-islamique ». Sous l’influence gréco-romaine, s’ouvre le commerce caravanier et le pays est parcouru en tous sens par des tribus nomades.
Chacune d’elles vénère ses dieux et ses fétiches. Les Bédouins, sous l’autorité des cheikhs – qui ont aussi la fonction de chefs spirituels – croient à des êtres invisibles peuplant le désert, les djinns, autant adorés que craints du fait de leurs pouvoirs supposés, et les Ifrits, démons réputés hostiles à l’Homme. Comment bénéficier des premiers et tenir les seconds à distance, sinon, là encore, en pratiquant des rites magiques ?
Aux étapes, les groupes se réunissent autour des bétyles, grandes pierres levées (comparables aux menhirs bretons) ou dans des temples (dont les ruines ont été retrouvées) pour invoquer les forces du bien et repousser celles du mal. A grand renfort de talismans et d’amulettes, mais aussi, malheureusement, de sacrifices d’enfants. Ainsi, malgré les diverses croyances pratiquées, l’existence d’un dieu “supérieur” nommé est reconnue, bien avant l’intervention du prophète Mahomet.
C’est au VIIème siècle que celui-ci, lancera son message à La Mecque où il est né. Il persuadera progressivement toutes les tribus de ne croire qu’en un seul dieu et de se tourner vers la même religion, l’Islam, dont il a personnellement reçu les règles de l’archange Gabriel, et qui se matérialisera par les versets du Coran.
Puis il s’agira de porter ce nouveau culte hors des frontières et commencera alors une guerre sainte qui durera quelque sept cents ans ! Les nomades devenus conquérants, occuperont entre autres pays, l’Arménie, la Perse, l’Égypte, l’Espagne. Une occupation à l’origine d’un extraordinaire brassage de populations et qui favorisera l’échange des cultures. Les arabes diffuseront leurs savoirs magiques mais aussi la science alchimique, dont ils sont les inventeurs. Ils auront accès en retour aux techniques astrologiques et divinatoires, qui seront propagées vers l’Europe à la faveur des croisades.
DE LA GAULE A LA FRANCE
Comment se manifestait la pensée magique chez nos ancêtres les Gaulois ?
Nous devons revenir mille ans avant Jésus-Christ, pour rencontrer les Celtes, ce groupe de peuples venus de l’est, qui a envahi le sol gaulois, mais aussi l’Espagne, l’Italie et les îles britanniques.
On ne saura sans doute jamais s’ils étaient partis d’Asie ou du sud de l’Allemagne, les deux provenances divisant toujours les historiens. Le fait est qu’ils s’exprimaient dans une langue indo-européenne, dont quelques grands-mères bretonnes en coiffe de dentelle prononcent encore parfois des bribes avec malice, dans les villages côtiers du Finistère. Précisément là où finit la terre, là où ces solides guerriers ont, par force, arrêté leur longue course.
Animistes convaincus, les Celtes sédentarisés – devenus ainsi les Gaulois – vénéraient l’air, l’eau, la terre, le feu. C’est-à-dire, qu’à travers les quatre éléments, ils adoraient le vent, les fleuves et les rivières, les montagnes et les plaines, le soleil, la lune et les étoiles. Comme les Arabes, ils pensaient le monde peuplé d’esprits fantastiques, que les contes ont perpétués avec les lutins, les fées, les nains et autres farfadets, dont les aventures continuent d’endormir les petits enfants en pays d’Armor.
De croyances en rituels est née une religion, le druidisme. Basé sur l’affirmation de l’éternité de l’âme, il permettait à ses prêtres et prêtresses tout-puissants, aussi bien de pratiquer des sacrifices humains que de guérir des maladies, au cours de cérémonies magiques (et orgiaques) dans les forêts sous le signe du gui. Plante sacrée, le gui était en effet censé favoriser la fécondité et soigner en même temps tous les maux. Ce qui n’empêchait pas certaines “druidesses” mal intentionnées de confectionner des poisons avec ses fleurs, aux fins d’expédier quelques gêneurs au cimetière. Une consolation pour les victimes, quand elles étaient prévenues – suprême raffinement – de leur mort prochaine : le gui, plante à tout faire, symbolisait aussi la réincarnation !
La mort, assortie d’une promesse de vie recommencée, semblait beaucoup fasciner les Gaulois, ce qui peut expliquer le volontariat de certains pour être trucidés et offrir leurs entrailles aux devins, chargés d’y lire l’avenir !
On ne peut quitter la Gaule druidique – païenne – où, à la fin de l’époque celte, le pire que nous venons de voir, y côtoie le meilleur – les Gaulois ne sont-ils les inventeurs du tonneau comme de la charrue à roue, et des artistes en poterie et émaillerie ? – on ne peut la quitter, sans évoquer Merlin l’Enchanteur. Magicien et poète, à la fois angélique et diabolique, puisque fils d’un démon, Myrrdin, de son “nom de guerre”, le dernier des druides gaulois, n’est-il rattaché à l’histoire de la Table ronde, fondée par le roi Arthur
Pour rechercher le Saint- Graal, calice ayant recueilli le sang du Christ ?
Mensonge ou vérité ? Fiction ou réalité ?
Pour que les légendes ne meurent pas, il faut sans cesse les réinventer !