Pour une autre philosophie maçonnique
Marc Halévy – Éditions Dervy, Coll. Les outils maçonniques du XXIe siècle, 2022, 120 pages, 9,90 €
Marc Halévy, membre de la Respectable Loge « La Parfaite Fraternité » n° 20, à l’Orient de Mons (Grande Loge Régulière de Belgique) est un physicien et philosophe français né à Bruxelles. Spécialisé dans les sciences de la complexité, il a coopéré avec le prix Nobel de physique Ilya Prigogine (1917-2003).
Il a publié de nombreux ouvrages sur la Kabbale, la spiritualité, l’alchimie, l’hermétisme, mais aussi sur l’éloge du romantisme et l’éloge des esprits libres – de Lao Tseu à Nietzsche – sur la pensée hébraïque et la gnose. C’est d’ailleurs sur cette thématique – la gnose étant une doctrine philosophico-religieuse selon laquelle le salut de l’âme passe par une connaissance directe de la divinité, et donc par une connaissance de soi – qu’il publie, dans la même collection en 2018, La Franc-Maçonnerie est-elle une Gnose ?
Si vous cherchez le pourquoi du comment de cet ouvrage, sans doute faudrait-il attacher plus d’importance à Pour une autre philosophie maçonnique, le sous-titre de son dernier opus, c’est dès le prologue que vous trouverez la réponse. Après sa présentation, tant maçonnique – initié en octobre 1975 – que profane, l’auteur aborde les notions de Modernité, avec un M majuscule, qui selon lui a commencé à la Renaissance. Époque qui a vu, depuis, fleurir une kyrielle de termes en « isme » : idéalisme et utopie, humanisme, égalitarisme, universalisme, pacifisme, laïcisme, et du côté de la philosophie ceux de mécanisme, réductionnisme, déterminisme, analycisme, mathématisme ainsi que du côté de la science : progressisme, républicanisme, révolutionnariste, socialisme, nazisme, communisme, fascisme, bourgeoisisme, populisme, nationalisme, patriotisme, etc. La Modernité fut selon lui une grande usine à idéalisme. C’est pourquoi il s’empresse, dans le deuxième chapitre, de définir ce qu’est l’idéal. L’idéalisme tirant son étymologie du grec et signifiant originellement « forme, image, figure » lié à deux autres mots grecs idéa « apparence, forme, image » et idios « particulier, singulier, propre ». Un notion que l’auteur oppose à celle de réalisme.
Marc Halévy nous conduit ensuite à un définition de la Franc-Maçonnerie qui n’échappe pas au schéma connu des Anciens et articulé autour de quatre modalités, quatre pôles, chacun lié à un élément traditionnel : un corps d’abord lié à la terre ; un cœur ensuite lié au feu ; un intellect lié à l’eau et enfin une âme liée à l’air.
De la Maçonnerie, il dresse un tableau allant des origines à partir du tronc opératif médiéval aux branches et greffons modernes à partir du XVIe siècle, puis un socle spirituel intemporel fondé sur la foi, la notion d’ordre et celle de fraternité définit d’ailleurs. Un « Franc-Maçon médiéval », s’il fallait le définir qui se retrouverait en une Fraternité, partage des Règles et Secrets du Métier, une spiritualité dans la mission d’enseignement de pierre et dans une liberté dans le droit de traverser, voire transgresser, toutes les frontières profanes.
Pour lui, la Franc-Maçonnerie est comme un ordre spirituel traditionnel initiatique et fraternel, réservée aux hommes libres. D’ailleurs, le Franc-Maçon authentique doit se poser six questions sur l’ordre, le spirituel, le traditionnel, l’initiatique, le fraternel et l’homme libre. Il resitue ensuite ce que signifie le mot Dieu – de quoi est-il le nom exactement – des dieux païens au Dieu monothéiste, jusqu’au Grand Architecte de l’Univers. L’ouvrage s’achève sur deux grandes idées. De quelle idée du monde (nature, cosmos, Univers, dieu horloger, dieu hasard) et de quelle Humanité se vit finalement l’Art Royal. Des tentatives de réponses multiples tout en posant le regard d’Hiram, Maître accompli, en y convoquant Kant et son savoir, faire, espérer…
Enfin, dans son épilogue, l’auteur conclut sur la Franc-Maçonnerie mystique de la construction du Temple et reviens sur l’idée de divinité et celles aussi d’intentionnalité et de constructivité ainsi que le principe de cohérence.
Rappelons simplement que cette très utile et fort judicieuse collection « qui pose des questions » est dirigée par Jacques Carletto.