ven 22 novembre 2024 - 10:11

FUTUR ANTÉRIEUR

« N’oubliez jamais que les Romains étaient modernes en leur temps ! »

Ainsi parlait une grande dame, professeur de français  à l’Ecole Estienne dans les années 1960.

Moderne, du latin modernus : « actuel » « récent ». Mais ce qui est récent ayant déjà vu le jour, c’est donc du passé, aussi récent soit-il ! Les modernes ne sont que des anciens qui négligent leur mémoire !

«  C’est à tort que les hommes se lamentent sur la fuite du temps, l’accusant d’être trop rapide, sans s’apercevoir que sa durée est suffisante ; mais la bonne mémoire dont la nature nous a dotés, fait que les choses depuis longtemps passées nous semblent présentes. »

Ces trois lignes, sont extraites des Carnets de Léonard de VINCI (C A 76 r.a folio F1 N° 4282 sous le titre « Prophéties »)Celles et ceux que la Franc-maçonnerie réunit au moins en commune intention y trouveraient une sonorité presque familière en termes de rapport à la durée : L’approche récurrente de ce thème au sein de nos rituels les rend étonnamment actuelles

D’aucuns les découvrant par ailleurs déclareraient leur auteur  Maçon sans tablier au seul motif de la simplicité de leur éclairage.De là à chanter en hommage à Léonard (mort en 1519), qu’il est des nôôtres, il y a la distance d’un pas de côté qui échappe à la mesure !

C’est gravement inverser les facteurs que déclarer un génie proche de nos conceptions au seul vu d’une note fugitive où le bon sens accède au rang d’une forme de philosophie.

Invoquant précisément « la bonne mémoire dont la nature nous a dotés » rappelons-nous qu’au XVIe siècle en ce royaume de France où reposera à jamais cet homme de tous les talents, une constante demeure : Ne savoir ni lire ni écrire condamne d’office à la double peine de la servitude et d’une forme de cécité de la raison. En ce cas, tout recours à une justice a fortiori aveugle ou tout du moins empêchée de voir est à peu près annihilé.

Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ET latiniste !La géométrie des manants est celle d’un espace restreint à l’extrême par toute espèce de pouvoir dont celui d’un langage strictement limité  aux bénéficiaires de charges quasi héréditaires.

En l’an 1539, il en est ainsi à Villers-Cotterêts comme en tout autre lieu. Sur l’emplacement d’un château du XIIe bâti par Charles de Valois, François 1er y fait élever en 1532 une nouvelle demeure, décision essentiellement justifiée par la richesse en gibier de la forêt voisine…

Sept ans plus tard :

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Villers – Cotterêts (Ordonnance de)  un des principaux textes de l’ancienne législation française. Œuvre du chancelier Poyet(1539) l’ordonnance imposa, à la place du latin, le français dans les jugements des tribunaux et les actes notariés, ce qui favorisa l’extension de la langue nationale. Elle réduisit aussi la compétence des officialités aux questions de foi, réglementa la procédure criminelle en instituant l’instruction secrète et la torture. Elle interdisait aux artisans et compagnons le droit de coalition. Enfin, elle obligeait les curés à tenir régulièrement les registres de baptême.

Article du Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, tome dixième, tirage de 1968.- 192 articles constituaient le document finalisé. 

Comment ne pas ressentir dans la présentation succincte qu’en fait le dictionnaire, l’ébauche, voir  les prémices de ce qui deviendra, 366 ans après, la Loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat ?

En 1516, (déjà ?) François 1er dans le cadre du Concordat de Bologne avait placé les évêques français sous son autorité. Réduire la compétence des officialités aux questions de foi montrait à l’évidence la connaissance  qu’avait le chancelier Poyet des pensées de son monarque qui, en 1531 avait soutenu les protestants allemands comme il le fit brièvement en France., ayant permis d’autre part le massacre des Vaudois sur un versant des Alpes.

Dans Gargantua, Rabelais écrit au chapitre VI de son livre 1er : « …Car les Sorbonistes disent que foy est argument des choses de nulle apparence. »

Notons qu’au pluriel les apparences varient à l’infini, comme les opinions qu’elles recouvrent.Or Rabelais eut un maître parmi ses contemporains, lequel, injustement négligé par l’Histoire prit des initiatives dont les conséquences demeurent mesurables de nos jours.

Guillaume Budé  obtint en effet du Roi le droit de nomination de Lecteurs Royaux en un collège qui devint en 1530 le Collège Français où l’on enseignait le grec, le latin et l’hébreu. Le futur Collège de France était né !

Maître des requêtes en 1522 il s’était occupé de la Librairie Royale de Fontainebleau dénommée par la suite Bibliothèque Royale de Fontainebleau, puis plus tard encore Bibliothèque Nationale.

Conseiller vertueux dont l’appétit n’était pas la motivation première, il répondit à une lettre que Rabelais lui avait écrite en un grec estimé maladroit mais aisément reconnaissable. De cette réponse jugée improbable par l’intéressé, naquit une amitié et une reconnaissance respectueuse.

Ce fut la Renaissance. Ce fut la Réforme. Ce furent des guerres incessamment réitérées contre Charles Quint. De toutes ces périodes, nous avons retenu un minimum de notions et surtout oublié  ce dont elles étaient la genèse.

Des textes séculaires sont eux aussi les marques de nos cérémonies. Ils ont été généralement peu sujets  au bouleversement et dans leur globalité, l’incontournable évolution des mœurs et les mutations de nos sociétés légitimèrent des modifications jugées parfois de circonstances.

Pour ces raisons, « Les choses depuis longtemps passées nous semblent effectivement présentes » Léonard avait raison.

Un maître de cérémonie transparait sous les traits du « Massier », huissier armé d’une masse qui précédait le Roi, le Chancelier, le corps de l’Université, etc.

A l’école des Beaux-Arts, le massier ou la massière prend en charge les cotisations mensuelles, (La masse) pourvoit aux dépenses de l’atelier et dans le domaine de l’administration, représente les élèves auprès du maître. Trois officiers potentiels en un ! Trop forts les usages d’antan !

Leurs neiges  cachent une part d’éternité aux yeux des observateurs de l’éphémère.Sœurs et frères y décèlent les traces de ce qui a été vécu et qui leur reste à vivre.De glorieuse mémoire, feu notre T.C.F. Pierre Dac résuma ce fait selon son imparable logique en une pensée définitive : « Le futur, c’est du passé en préparation ! »

J’aurai dit.

Jean-Marc Pétillot

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Jean-Marc Petillot
Jean-Marc Petillot
Après des études graphiques, il a exercé diverses activités dans le domaine de la communication. Les fonctions qui lui ont été confiées l’ont amené, notamment en tant que technico-commercial, à traduire le langage des uns à l’usage des autres. Cet apprentissage de l’écoute et de la transmission l’a conforté dans son approche de la Franc-maçonnerie. Reçu en 1985 à la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra, il en a assuré la Grande Maîtrise de 2005 à 2008. Ayant à cœur de contribuer à donner de ses frères et sœurs une image réelle, il dédie essentiellement aux profanes ces chroniques du regard d’un Franc-maçon sur des personnages qui ne le furent pas et qui le marquèrent à jamais.
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