sam 20 avril 2024 - 13:04

Le Fil à Plomb en maçonnerie et la cloche bouddhique

Par Trần Thu Dung

Dans les loges maçonniques, le fil à plomb est suspendu au plafond du temple, appelé « la voûte céleste » ou « la voûte étoilée » par les maçons et qui représente l’Univers. Le Fil à plomb est donc un outil symbolique qui relie la terre et le ciel, le connu et l’inconnu, la réalité et la transcendance.  Il est situé au centre de la loge et s’impose à tous les regards en permanence.

On utilise le fil à plomb pour mesurer la profondeur des puits. Certaines pratiques attribuent à ce pendule la capacité de déceler les radiations du sous-sol. Son équivalent maçonnique, le fil à plomb ou la perpendiculaire symbolise la recherche de la profondeur de la connaissance de soi-même et sa rectitude que l’on appelle introspection en psychanalyse. La perpendiculaire est l’attribut du Second Surveillant qui veille sur les Apprentis. Le fil à plomb est brodé sur le sautoir du Second Surveillant. La perpendiculaire oblige l’esprit à monter et à descendre : c’est ainsi que l’apprenti franc-maçon découvre ses erreurs, ses défauts et qu’il peut travailler à les corriger.

Le fil à plomb de la loge maçonnique nous intrigue et ressemble au battant de la cloche dans les pagodes asiatiques. Quand la boule de plomb est immobile, elle indique la perpendiculaire. Lorsque le fil à plomb est mis en mouvement, il oscille et devient alors le battant d’une cloche ou le balancier d’une horloge, qui sert à mesurer le temps. La cloche est un symbole quasiment universel que l’on trouve partout et dans toutes les cultures, dans la vie religieuse comme dans la vie profane.

La cloche est par ailleurs une des représentations de la « sagesse ». Faire sonner la cloche est une méthode permettant d’évoquer la Sagesse et la compassion. On la trouve suspendue dans les temples, les grottes, les pagodes et les sanctuaires. Les cloches et les gongs sont également les symboles de l’autorité spirituelle des divinités pacifiques.

En Asie on associe le son de la cloche au bruit du tonnerre et au battement du tambour. Le son de la cloche y est une musique princière qui symbolise l’harmonie universelle. Les clochettes suspendues en haut des pagodes sont chargées de répandre la sagesse de la loi bouddhique. Elles ont un pouvoir universel d’exorcisme et de purification : Elles éloignent les influences mauvaises ou avertissent de leur approche par la perception du son. Elles symbolisent l’ouïe et ce qu’elle perçoit, c’est-à-dire le son, reflet de la vibration primordiale.

La cloche de la pagode Trúc Lâm à Villebon sur Yvette (France)

La sonnerie de la cloche est un signal d’éveil. Quand le battant se stabilise puis s’immobilise, le bruit s’éteint, tout redevient silencieux. La méditation commence. L’individu se livre à la réflexion sur lui-même, se concentre méditer car le silence appelle à la méditation. Comme l’horloge sonne le réveil, la sonnerie de la cloche est elle aussi un réveil qui ressemble aux trois coups des maillets maçonniques. La méditation ou le travail alternent.

La sonnerie de la cloche appelle les esprits à la prière. Les cloches, comme les autres instruments à percussions tels que les gongs, les carillons symbolisent la chance et la spiritualité dans toute l’Asie. Les sons produits par ces instruments ont la capacité de transformer tout ce qui est, et ouvrent des perspectives lumineuses. Partout, dans les pagodes et les temples, tintent des cloches qui sont censées attirer les esprits pacifiques tout en les protégeant contre les forces du mal. Les bouddhistes servent toujours les cloches et les gongs dans leurs rituels et pratiques sacrées.

Les sons produits par les cloches ont le pouvoir de dissiper les illusions qui éveillent des désirs et des attentes irréalistes qui causent des souffrances dans la vie. C’est pourquoi, avant la méditation, le bonze (ou la bonzesse) agite la clochette avant de procéder à la lecture des prières. La répétition des prières comme lors du début d’une tenue maçonnique, les premières paroles du Vénérable Maître, celles de l’Orateur et des surveillants symbolise l’ouverture d’une autre étape qui est le travail en franc-maçonnerie, ou la méditation dans le bouddhisme. Pour le franc-maçon, le travail est aussi une sorte de méditation. La présentation des planches, par les frères et les sœurs, complète les connaissances, aide à mieux comprendre le monde ainsi que le font les bonzes dans la pratique de leur foi.

Le fil à plomb en franc-maçonnerie est donc un instrument symbolique tout comme la cloche dans la spiritualité orientale.

C’est l’outil d’une technique de travail et d’analyse, un enseignement du respect de l’autre et de ses différences, la pratique d’une recherche permanente sur soi-même et sur les autres. La méditation nous invite à comprendre et à vivre dans un monde en perpétuel devenir où connaître le lendemain est illusoire, où rien n’est jamais acquis, pas même l’amour, pas même la connaissance. Donc zen, méditation, se rejoignent comme en franc -maçonnerie. L’idéal de perfection, l’effort sur soi, ou l’envie de s’élever, sont symbolisés par le Zen en Asie dans la mesure où l’on cherche à réfléchir afin de se perfectionner même lorsque la cloche redevient silencieuse. On mesure ainsi en soi-même la profondeur de son âme. La lecture des prières et la méditation silencieuse bouddhique aident à l’apprentissage de la patience et à l’amélioration du savoir et du comportement de chacun vis-à-vis des autres. La recherche du perfectionnement de soi est semblable aussi bien dans la franc -maçonnerie que dans le bouddhisme. Tous deux ont le même but, à savoir les bienfaits résultant de la fraternité et de l’harmonie universelle.

Tout cela me rappelle mes lectures de jeunesse. Pour intituler son célèbre roman « Pour qui sonne le glas », Ernest Hemingway s’est inspiré d’une pensée de John Donne « Nul homme n’est une île complète en soi-même ; chaque homme est un morceau de continent, une partie du Tout… La mort d’un homme me diminue moi aussi, parce que je suis lié à l’espèce humaine. Et par conséquent n’envoie pas demander pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi. »

Le fil à plomb maçonnique et la cloche bouddhiste nous a fait également penser au personnage d’Andersen. « Le stoïque soldat de plomb » qui n’a pas peur, malgré les menaces de l’intégriste et qui reste toujours debout, même s’il n’a qu’une jambe, et qui regarde la belle danseuse qu’il aime et adore. La belle danseuse est un symbole de la beauté et de perfection. Ce conte a fasciné le monde enfantin. Les bouddhistes et les francs-maçons sont des enfants qui se trouvent au milieu de la nature immense.

Les enfants découvrent sans cesse la beauté de la nature par l’observation, par l’amour de l’univers en méditation et par la patience et le réveil. Aimer l’univers, le construire ensemble sont les devoirs de chaque être humain. Donc lorsque l’on voit le fil à plomb maçonnique et la cloche de la pagode on a pense à ce soldat courageux, amoureux de la beauté et du perfectionnement. L’homme est peut-être imparfait comme le soldat de plomb.

On ne peut pas choisir son lieu de naissance ni ses parents. Tout le monde veut que les bébés soient parfaits. Selon le bouddhisme, il faut se perfectionner sans cesse, accepter ce que l’on en a, et faire des efforts pour surmonter les difficultés. Ce sont des épreuves, des étapes différentes sur le chemin de la perfection.  On a besoin d’un réveil. La sonnerie de cloche est un réveil. « Le stoïque soldat de plomb » est à l’image d’un vrai militaire qui avec sa belle idéologie lutte sans cesse pour défendre la merveille du monde comme le devoir des Franc- maçons et ceux des bouddhistes. Le fil à plomb dans le temple maçonnique et la sonnerie de la cloche dans la pagode rappellent qu’il faut toujours réfléchir sur soi-même pour se perfectionner et atteindre les trois principes :

la vérité, la beauté, le parfait.

Trần Thu Dung

1 COMMENTAIRE

  1. Si je puis préciser : L’arrivée du fil à plomb au centre de la loge est une innovation récente datant des années 1970-80.
    Il n’y a pas de fil à plomb dans les rituels maçonniques ; on ne parle que de la perpendiculaire faisant partie des trois outils de vérification portés en bijoux.
    Fraternellement

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