jeu 18 avril 2024 - 10:04

La Kabbale III-Les Séphiroth, chemin du divin

Vous comprendrez que cet article est une approche forcément simplifiée à l’extrême. L’utilisation du vocable “Dieu”, est repris par langage traditionnel. Chacun pourra en comprendre sa signification selon sa croyance ou sa non-croyance. Le plus petit dénominateur commun serait de le remplacer par le “Mystère absolu”.

Chaque séphira correspond à un nom différent, traduit par D.ieu, mais elle désigne une catégorie abstraite projetée sur les éléments constitutifs de la Nature.

En hébreu, ספירות, pluriel de séphirah, émanation d’une énergie de Dieu, entité abstraite, telle un réceptacle, qui reçoit et transmet un flux venant de l’univers divin et qui prend des colorations et des nuances résumées en dix expressions. La racine du mot correspond  à trois significations : livre, compte et récit. L’ensemble des Séphiroth est aussi Appelé “l’arbre de vie”, c’est le monde de l’âme.

Les principes premiers (les Séphiroth), sont la manifestation de l’immanence de la divinité dans le monde, pas de son essence qui reste inconnue.

Pour la Kabbale, lors de la Création du monde, Dieu a en quelque sorte restreint sa lumière, c’est le tsimtsoum, et, dans le vide formé par ce retrait, il laissa une empreinte, une rémanence, une trace de Lumière restante, le Rechimou. Dans un second temps, Dieu envoie dans ce réceptacle Rechimou un fil de lumière Kav, qui, dans son développement, va constituer dix cercles. Les 10 Séphiroth sont à la fois ces 10 réceptacles-cercles et la lumière émanée par le tsimtsoum, elles sont la limite de la lumière divine, la révélant en même temps ; «leur ensemble ne forme qu’une seule lumière, pareille à la flamme d’une chandelle allumée qui éclabousse d’éclats multiples les yeux des hommes». Chaque monde a sa capacité propre de réception et de dévoilement de cette lumière. On appelle cela un plérôme, une représentation imaginale de la manifestation appelée aussi Arbre de vie. Le plérome, cette recombinaison fractale de l’Unité, est un inter-monde entre le Un et le monde matériel. Chacune séphira est le vase d’épanchement de la précédente et la source d’alimentation de la suivante. C’est dans ce sens que certains exégètes parlent de séphira, à la fois masculine et féminine, donnant et recevant en même temps. D’autres considèrent que la séphira est féminine et que c’est l’énergie qui la relie aux autres qui est masculine faisant ainsi de l’Ein soph un principe masculin.C’est un réseau qui se propage comme un delta de fleuve ayant accumulé l’eau des rivières et des courants, portant des noms différents qui l’ont rejoint. Après son tsimtsoum, on ne l’appela plus Dieu mais le créateur, le grand architecte de l’univers, le  Gadlu.

La structure du plérôme fait apparaître 36 chemins de sagesse pour créer l’univers (le 10 séphiroth, les 22 lettres de l’alphabet et les 4 traverses). Adolph Grad n’en retient, comme beaucoup de kabbalistes, que 32 (qui est la valeur du mot hébreu lev, לב, le cœur). Les scientifiques ont mis en évidence, sur les particules élémentaires créant la matière, l’existence de 10 dimensions dans les cordes des fermions et de 26  dimensions dans les cordes des bosons (26, en guématrie, est le nombre du Dieu YHWH). 36 est donc la somme des dimensions où vibrent les bosons et les fermions comme s’ils étaient sur les chemins de l’arbre des séphiroth !

Les Séphiroth sont souvent répartis en trois colonnes appelées piliers. Pour celui qui regarde le plérome, le pilier de la miséricorde, les Grâces, est la colonne de droite (on dit à dextre, c’est-à-dire à la gauche du plérome lui-même). Sans la symbolique ésotérique, la progression le long de ce pilier correspond à la magie bacchanale de l’ivresse, celle de l’invocation, où la conscience est modifiée  par la mise en jeu des émotions.  Le pilier de la rigueur, de la justice sévère, est la colonne de gauche. Dans la symbolique ésotérique, la progression le long de ce pilier correspond à la voie du magicien, de l’occultisme, de l’évocation ; la conscience est modifiée par la rigueur, l’étude et la connaissance. Le pilier de la conscience est la colonne centrale, les tendresses matricielles miséricordieuses, (la voie de ce pilier est surnommée la voie de la flèche ; c’est la voie philosophique et mystique, qui commence par la dévotion et s’achève dans la contemplation).

Dans les cérémonies initiatiques, les deux piliers extérieurs sont représentés par les deux piliers du Temple de Salomon, Boaz (la force est en lui) et Jakin (il établit) ; l’initié étant lui-même le troisième pilier de la conscience, placé entre les deux autres.

Par une approche cosmique on peut considérer les rapports entre les séphiroth et les astres:

*La première Séphira est Kéther, la Couronne, elle est l’expression de la volonté divine créatrice pure et brute, incompréhensible, elle est considérée comme le réceptacle qui contient le messie.
*La seconde Séphira est ‘Hockmah, la Sagesse, qui est le projet divin pur, le monde archétypal comme le nomme Platon. Tout ce que Dieu conçoit se trouve en premier lieu exprimé en toute perfection en ‘Hockmah.
Notez que la Bible parle tout à fait expressément de cette Séphira, par laquelle toute le création a été fondée dans Proverbes  . Le livre des Proverbes parle très largement des Séphiroth pour celui qui sait le lire.
*La troisième Séphira est Binah, l’Intelligence, discernement, qui marque le discernement et la limitation qui permet à la volonté divine de se cristalliser dans le monde matériel et donc de le créer.
C’est pourquoi cette Séphira est la première à avoir une “ombre” matérielle manifestée : la planète Saturne.
*La quatrième Séphira est Hesed, la Générosité, qui est le centre par lequel s’exprime la bonté pure. L’ombre matérielle de cette Séphira est Jupiter.
*La cinquième Séphira est Gvourah (ou Guebourah), la Puissance. Elle exprime la force vitale, la volonté de survivre et de triompher  Son ombre matérielle est Mars.
* La sixième Séphira est Tiphereth, la Beauté, qui exprime la beauté rayonnante. Son ombre matérielle est le Soleil.
La septième Séphira est Netzach, la Victoire éternelle, dont l’ombre matérielle est Vénus.
*La huitième Séphira est Hod, la Gloire, le retentissement dont l’ombre matérielle est Mercure.
*La neuvième Séphira est Yesod, le Fondement sous-jacent, dont l’ombre matérielle est la Lune, en laquelle toutes les influences spécifiques de toutes les Séphiroth qui ont été séparées depuis Binah
* La dixième Séphira est Malkouth, le Royaume, dont l’ombre matérielle est la terre.

Ces 10 séphiroth contiennent chacune un des 10 noms de D.ieu, en particulier Tipheret qui porte YHVH, le tétragramme.

* Une onzième séphira a été introduite plus tard, Daath, la Connaissance.

Parce qu’elles sont au nombre de 10, on pourrait rapprocher les séphiroth de la place des officiers décrivant une géométrie sacrée de la Loge :

À l’orée du monde profane et du monde sacré, entre le monde inférieur et le monde supérieur, le couvreur dans sa sphère de lumière est en Malcouth, le royaume ! Il est la transition de la vie ordinaire à la vie réservée. Il vérifie la capacité de l’adepte de participer aux initiations en le tuilant au grade requis pour les travaux.

Le deuxième surveillant, sphère de lumière de Hod, la réverbération, et le premier surveillant en Nezah, l’éternité, forment une triade centrée sur le disciple placé en Yesod, la fondation. C’est le lieu d’enseignement. Le disciple y apprend à approfondir sa conscience du monde, à se familiariser avec son ego, à reconnaître ses déséquilibres. Là le Maître dirige ou conduit, n’enseigne pas mais éveille. Il libère et permet au jeune initié d’affronter son désert intérieur avec ses révoltes, sa discipline, sa purification, ses enseignements jusqu’à ce que, dans l’apprenti et le compagnon meurt l’ancienne psyché esclave et qu’il soit prêt, avec une nouvelle génération d’attitudes, à entrer dans la terre promise de l’esprit.

Lorsque le franc-maçon a atteint le niveau de Tipheret (où se tient le Maître), c’est-à-dire lorsqu’il a fait évoluer suffisamment sa volonté pour traverser à son gré la triade de l’éveil, il devient son propre tuteur ; il entre alors en contact avec la triade supérieure où s’équilibrent la discipline et la tolérance en Gebourah (la rigueur) et en Hesod (la miséricorde), où l’on peut par analogie pouvoir reconnaître comme sphères de lumière le Trésorier et l’Hospitalier. Cette triade éthique s’attache à perfectionner l’âme désormais consciente d’elle-même, tantôt par une touche de sévérité, parfois par une touche de bonté; rétablissant sur le pilier de l’équilibre les conflits entre expansion et contraction des émotions dans la dualité des piliers masculins et féminins.

Pour une compréhension de la structure de l’arbre des séphiroth écouter  les six leçons de Michel Attali, Comment dire D.ieu ? : <akadem.org/index_list_ccc_details.php?id_serie=4202>.

Quoi que disent les autres cabalistes, Pic de la Mirandole affirme «que les dix “sefirot” correspondent ainsi aux dix sphères célestes, en commençant par le ciel : Jupiter à la quatrième, Mars à la cinquième, le Soleil à la sixième, Saturne à la septième, Vénus à la huitième, Mercure à la neuvième, la Lune à la dixième, ensuite le ciel des étoiles fixes à la troisième, le premier mobile à la seconde et l’empyrée à la première» (Paolo Edoardo Fornaciari, Conclusions cabalistiques XLVIII : <academia.edu/10317795/>).

L’arbre de vie est traditionnellement divisé en sections, séparées par des voiles horizontaux : – Le premier voile est celui de l’initiation. Il forme la limite entre la séphira Malkouth et le reste de l’arbre. L’initié qui franchit ce voile, au début de son travail, prend conscience du monde non-matériel, et peut commencer à maîtriser le domaine spirituel et mental. – Le deuxième voile sépare les trois séphiroth du monde psychique (Yesod, Hod, Netzach) de celles des domaines supérieurs. L’initié qui le franchit atteint la petite illumination, la naissance de Tiphereth, et prend conscience de sa nature profonde. – Le troisième voile est celui de la conscience elle-même. Il traverse Daath, la non-séphira de la connaissance, et sépare les trois séphiroth du monde mystique (Tiphereth, Guebourah, Hesed) des trois séphiroth métaphysiques (Binah, Chokmah, Kether). Les trois premières expriment les premières manifestations intelligibles; la deuxième triade les vertus ou monde sensible; la troisième, la nature dans son essence et ses principes actifs.

L’initié qui le franchit atteint sa nature divine, mais perd sa propre individualité : c’est le domaine de l’extase mystique. – Un dernier voile, le voile de l’existence, sépare l’arbre de vie lui-même du non-créé primordial, l’Eïn Soph Aur. L’initié qui le franchit atteint Dieu, mais perd son existence (c’est pourquoi il est écrit que nul ne peut voir Dieu et vivre).

Si l’on considère le dessin de l’Arbre séphirothique selon la structure du corps humain, le triangle supérieur représente la tête : Kéther, Chokmah, Binah. Ce triangle a un reflet : le premier triangle inverti : Chesed, Gueburah, Tiphéreth, qui correspond à la zone du plexus solaire siège de l’être spirituel et matrice de l’être divin. Mais seul l’homme spiritualisé peut entrer dans la connaissance de ces lois ontologiques. Entre ces deux triangles se situe le cou. Quand le Dieu de la Bible s’irrite contre son «peuple au cou raide», il dénonce la rupture de communication entre la poitrine et la tête : Tiphéreth, la beauté, l’intelligence du cœur, ne peut plus refléter le sommet du triangle, Kéther la Couronne, lieu de première émanation et point d’équilibre qui contient tout ce qui était, est et sera. Alors le cœur n’exprime plus l’amour divin créateur. Vide, il se nourrit de ce deuxième triangle inverti : il devient affectivité sentimentale, proie à des passions livrées au dualisme et au déchirement. L’homme se recrée ainsi une fausse tête, en instaurant par exemple dogmes et idéologies. Il devra donc se décapiter s’il veut redevenir conscient de son moi divin et maître de la reconquête de son royaume, son propre intérieur dans sa manifestation pure originelle ; pour que l’humanité retrouve son vrai visage, elle devra trancher sa gorge orgueilleuse par la main droite.

Pour une analyse maçonnique des séphiroth, poursuivre avec le texte de Jean Mourgues, Lettres fraternelles du travail maçonnique en Loge de Perfection, à partir de la p.23 : <glnc.org/document/mourgues%204_14.pdf>.

Pour mieux comprendre cette gnose et ses relations avec diverses traditions on peut consulter le site très didactique : <kabbale.org>. On peut également trouver un commentaire sur la relation de l’Arbre des séphiroth avec le REAA :   <associationlyonnaise-teilhard.com/Arbre-des-Séphiroth_a262.html>.

La suite demain à la même heure. La kabbale, IV- La Guématrie, une mystique des nombres

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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