ven 29 mars 2024 - 01:03

Moi et le monde

Je rêve ?

Lorsque je suis entré dans notre mouvement, il y a 40 ans, j’avais compris que l’objectif individuel était double :

– devenir meilleur

– transmettre des valeurs

Ce mouvement me convenait bien et me convient toujours en tant que modèle de communication, avec soi et les autres. Comme tout apprenti, je l’avais idéalisé. Je l’ai depuis « réalisé », avec ses forces et ses faiblesses, avec ses hommes et ses femmes, qui ne sont que l’un et l’autre. Et je me suis analysé.

Je ne sais pas si je me suis vraiment rencontré moi-même, le peut-on jamais (quand on sait que pour chacun de nous, ce n’est pas le rameur qui mène la barque, mais le passager clandestin, nous dit Freud) toutefois les rencontres que j’ai faites, et continue de faire, me montrent que je ne me suis pas trompé dans ma démarche d’ouverture. L’autre, cet autre moi, agrandit souvent avec bonheur mon trop petit cercle de lumière. Deux lampes éclairent mieux le chemin qu’une seule.

Le temps passant, l’âge venant, je me demande toutefois si, à l’entrée dans ce nouveau millénaire, nous ne devrions pas inverser notre symbole de la pierre à polir ! En effet, à force de lisser cette pierre, pour qu’elle s’emboîte dans les autres, se précise le risque d’une standardisation qui, certes, élève des gratte-ciel bétonnés, mais jamais plus d’édifices de caractère, aux reliefs ciselés et personnalisés. La culture de masse ne peut que nous prendre dans la masse…si nous ne nous écartons pas de la bétonnière! Comme me l’a récemment fait remarquer un apprenti, ne vaudrait-il pas mieux justement partir de la pierre policée et neutralisée par la socio-culture, pour revenir vers celle qui nous individualise, précisément avec ses creux et ses bosses. J’ajoute, avec ses oasis pour accueillir, et ses aspérités pour refouler.

Car, pour qui, pour quoi et pourquoi devenir meilleur, dans une société qui triche à tous les niveaux (de la politique à l’économie, de l’administration aux institutions, de l’industrie à l’agriculture, des religions aux sociétés de pensée, de l’art au sport, cf la presse quotidienne). Mensonges, mains dans la caisse, urnes trop pleines, produits frelatés, favoritisme, népotisme, détournements, soif de pouvoir, abus de biens sociaux, dopage, pédophilie civile, religieuse et même bouddhique, etc, etc, je n’invente rien. Voila la réalité profane, même s’il ne faut pas amplifier et généraliser. L’important aujourd’hui n’est pas de commettre un délit, quelle qu’en soit la gravité – mais de ne pas se faire prendre! L’important est aussi de montrer dans tous les domaines une belle vitrine, une bonne image de marque. Visite des cuisines interdite ! Tout va bien dans le meilleur des mondes. L’étiquette prime sur le contenu de la bouteille! Vous en reprendrez bien une goutte, pour la route!

Cette primauté du faux sur le vrai, du paraître sur l’être, du superflu sur l’essentiel, conduit à faire des joueurs stars du football les personnages les plus aimés et admirés. Pour nous, interprètes de symboles, il est surtout aisé de décoder celui-ci : fini le travail (même si nous le glorifions toujours), vive le jeu ! (et ajoute Narcisse, vive le “je”) Parce que le jeu fabrique aujourd’hui la fortune et fait rêver les fauchés (l’Etat et la télé l’ont bien compris en multipliant les jeux de toutes sortes, au mépris de toute morale).

Partant, à moi, franc-maçon, que me reste-t-il à penser, à dire, dans ce monde masqué où chaque jour est “mardi gras”, quand je vois que les nouvelles cathédrales sont les tours, tant à  Dubaï et qu’à la Défense,  où l’on prie le dieu ARGENT. Où ferveur rime avec peur… et que je constate que les valeurs à transmettre sont surtout boursières.  Et enfin, que penser quand nous apprenons que, après les sinistres avions kamikazes porteurs de mort, c’est maintenant le doigt d’un trader, qui, d’un simple clic de souris sur son ordinateur, peut faire imploser un empire financier de béton et de verre…….

Je rêve ou je cauchemarde….

J’ai bonne mine sur le parvis, avec mon équerre, mon ciseau, mon maillet et mon fil à plomb comme viatiques, pour valoriser l’effort, l’honnêteté,  la rigueur et l’altruisme ! Et à quoi bon m’agiter,  vitupérer : si je fais de ma pierre un hérisson cubique, je m’écarterai de l’autre, cet autre moi !

…Alors, mes Sœurs, mes Frères, je choisis de me resserrer contre vous, par la pensée (Covid oblige !). Pour garder l’espoir. Pour que notre carré rejoigne d’autres carrés, qui deviendront des cercles. Pour que ces cercles s’agrandissent par le ricochet de nos pierres. Pour que nous continuions notre précieux rôle  de  passeurs, de « naisseurs ». Pour que dans la cité, notre fraternelle essence, loin de flamber des voitures,   fasse tâche d’huile ! Pour que dans ce monde à repenser, à vraiment refaire, les hommes communiquent  moins pour se parler plus Parce que au commencement était  le Verbe !

1 COMMENTAIRE

  1. Oui, Gilbert, il n’est pas nécessaire d’espérer …… Continuons à viser l’excellence en sachant que nous ne l’atteindrons pas. Il faut se préparer à être l’équipe de secours pour après la catastrophe, les urgentistes de terrain pour sauver ce qui pourra l’être et recommencer encore et encore pour que l’Homme enfin grandisse. BBB

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Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

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